Villeray - Saint-Michel - Parc-Extension, un des arrondissements les plus pauvres et les plus peuplés de Montréal. Un des plus complexes aussi. Il est formé de trois districts tellement différents qu'on a l'impression de passer d'une planète à l'autre quand on le traverse.

La planète blanche : Villeray

En 1965, Jo Anne Mercier s'est installée dans le Plateau. Au fil des ans, le quartier s'est embourgeoisé. Elle a été refoulée vers l'est, d'abord sur rue de Mentana, puis rue Chambord, avant d'aboutir rue Parthenais, à l'extrême est du Plateau. Un jeune a acheté le triplex où elle vivait. Il voulait augmenter son loyer de 400 $ par mois. Elle l'a traîné devant la Régie du logement. C'était la guerre. Elle a fini par plier bagage et migrer dans Villeray, où elle a déniché un rez-de-chaussée à 575 $ par mois. Enfin la paix, s'est-elle dit. C'était au milieu des années 2000, au début de la vague d'embourgeoisement qui allait frapper Villeray.

Aujourd'hui, elle revit le même scénario. Des jeunes ont acheté son bloc et ont tenté de la déloger. À 63 ans, elle a décidé de se battre. Encore. Quand le propriétaire est venu la voir pour lui demander de partir, elle lui a répondu : «  Attelle tes bretelles mon grand, je suis une guerrière ! » Le propriétaire a vendu. Un nouveau est arrivé. Il veut vendre rapidement pour faire un coup d'argent. Jo Anne Mercier a peur d'être évincée. Avec son petit salaire de fonctionnaire, elle ne peut plus se payer Villeray.

L'embourgeoisement a bouleversé le quartier. Les cafés, les pâtisseries et les magasins branchés poussent comme des champignons. Même les anciennes tavernes, comme le Miss Villeray, ont développé un look à la mode.

Au Café Larue & fils (anciennement café Della Via), haut lieu de l'embourgeoisement, des jeunes à l'allure bon chic bon genre savourent leur latte. Ils sont tous blancs. Chantal est une habituée, elle vit dans le quartier depuis 20 ans. Elle a vu le changement, les boutiques qui ouvrent, les jeunes familles qui s'installent.

« Je tripe, je suis vissée ici. Je ne veux pas vivre ailleurs », dit-elle.

Elle est locataire. Elle aurait dû acheter un appartement quand elle est arrivée dans Villeray. Aujourd'hui, les jeunes risquent de la mettre à la porte de son quartier qu'elle aime tant.

La planète pakistanaise

Quelques rues plus loin, le quartier change de couleur. Parc-Extension. Ou Little Pakistan. La Mecque des nouveaux arrivants, un prolongement de la piste d'atterrissage de Dorval. Ici, il n'y a pas de trace d'embourgeoisement. Les boutiques ne vendent pas des antiquités vintage, mais des saris, et les temples sikhs côtoient des églises grecques orthodoxes et des mosquées.

Le centre de la petite enfance s'appelle Autour du monde. Les enfants sont pakistanais, chinois, indiens, arabes, haïtiens... L'ONU des bouts de chou.

« Les immigrants arrivent ici les poches vides et ils quittent le quartier dès qu'ils en ont les moyens. Parc-Extension est un camp de transit », explique Nizam Uzaim, un Pakistanais à l'anglais rocailleux.

Il a fondé une association : Himalaya senior of Quebec. Les membres du conseil d'administration reflètent la diversité sud-asiatique du quartier : Sri Lanka, Bangladesh, Inde, Népal, Pakistan.

Les nouveaux arrivants quittent rapidement le quartier. Dès qu'ils ont un peu d'argent, ils s'installent à Laval, Saint-Laurent, Ahuntsic.

Comme Malik Ahmed qui a atterri dans Parc-Extension au milieu des années 90. Aujourd'hui, il vit à Laval. Il a ouvert le premier restaurant pakistanais rue Jean-Talon, un boui-boui juché au 2e étage d'une vieille bâtisse. Malik Ahmed est un homme très religieux. Ses enfants fréquentent une école islamique dans Saint-Laurent. Dans un coin de son restaurant, il garde un paravent qu'il prête aux clients qui veulent soustraire leur femme du regard des hommes.

Il m'envoie dans le commerce voisin, une agence de voyages tenue par un Pakistanais, Usman Zay, qui est arrivé dans Parc-Extension au début des années 90. Il vit maintenant dans Saint-Laurent. Quand il est arrivé dans Parc-Extension, le quartier était dominé par les Grecs. « Aujourd'hui, dit-il, vous trouvez des restaurants pakistanais, indiens, des librairies islamiques, des mosquées, des magasins qui vendent des saris et des épiceries qui offrent de la viande halal. »

Dans le petit parc qui jouxte le métro, trois femmes voilées de la tête aux pieds discutent en profitant des derniers rayons du soleil. La mère et ses deux filles, 15 et 17 ans. Elles sont arrivées à Montréal en février. Elles baragouinent l'anglais et suivent des cours de français. Elles adorent leur quartier. Elles y ont trouvé une communauté tricotée serré qui les aide et les soutient.

- Et le voile, vous allez continuer de le porter ?

- Mais oui, ont-elles répondu sans l'ombre d'une hésitation. Nous sommes très croyantes et ça fait partie de notre identité.

La planète noire

Impossible d'aller à Saint-Michel sans entendre parler du centre de compostage que la Ville veut installer dans l'ancienne carrière Miron. Le refus de la population est viscéral.

« Pendant des années, on a vécu les affres des vidanges à cause du dépotoir, s'indigne l'éditeur du Journal de Saint-Michel, Claude Bricault. Aujourd'hui, la Ville veut nous imposer l'usine de compostage. On ne souffre pas du syndrome "pas dans ma cour", mais du syndrome "ma cour est pleine" ! »

Dans l'immense HLM de 183 logements, situé à l'est de Pie-IX, le centre de compostage est à des années-lumière des préoccupations des locataires. Des familles de 4, 5 et même 10 ou 11 enfants y vivent. Au coeur du HLM, une maison de jeunes, L'Allée Robert. Trois ados jouent au pool. Un Haïtien, Étienne, un Salvadorien, Roberto, un Cambodgien, Sann. Ils ont 13 ans. Aucun ne vit avec son père. Sann voudrait devenir joueur de hockey, Étienne, joueur de soccer. Roberto, lui, hausse les épaules. « Sais pas », marmonne-t-il en fixant le plancher.

Le frère d'Étienne est en prison. « Il a attaqué une bijouterie », dit-il.

Marilou, animatrice intervenante, travaille avec eux depuis un an et demi. Elle les connaît par coeur, ses grands adolescents. « C'est la clique haïtienne qui domine, explique-t-elle. Les autres mettent des mots de créole dans leur vocabulaire. »

Ils ont rarement assez d'argent pour se déplacer. Ici, il n'y a qu'une carte Opus par famille.

En quittant le HLM, cinq grands Haïtiens, âgés de 18 à 25 ans, flânent devant l'entrée. Des durs. Ils saluent poliment les intervenants.

Deux semaines plus tôt, un homme a été abattu au coin de la rue.

C'est ça aussi, Saint-Michel.

Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension

Taux de participation en 2009  :  38,65 % (ensemble de Montréal 39,4 %)

Mairesse élue : Anie Samson (39,61 % des voix)

Enjeux en 2013

La mairesse sortante, Anie Samson, veut convaincre les électeurs de son arrondissement de lui faire confiance de nouveau, même si elle n'est plus candidate pour Vision Montréal. Au printemps dernier, elle s'est jointe à Denis Coderre, son ami, lorsqu'il s'est lancé dans la course. 

La Coalition Montréal de Marcel Côté, qui regroupe son ancien parti, présente Soraya Martinez, chef de cabinet de Louise Harel. L'ancienne députée péquiste Elsie Lefebvre occupe le seul siège que détient toujours Vision Montréal dans l'arrondissement.

Projet Montréal tentera de faire élire une équipe complète, dont la candidate à la mairie de l'arrondissement, Nathalie Goulet, directrice du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail depuis 2002.

Le Groupe Mélanie Joly ne présente pas un candidat pour tous les postes. La candidate à la mairie de l'arrondissement est Béatrice Zako, ancienne du comité de direction d'Option nationale.