Gertrude, Edna, Victor, Evelyn. Lorsque est venu le temps de baptiser ses bières, le choix de Benoît Mercier, de la microbrasserie Benelux, s'est naturellement arrêté sur... le nom des rues de Verdun.

Installé depuis le printemps dans une ancienne succursale de la Banque de Montréal, le Benelux fait partie d'une vague de commerces branchés qui ont commencé à bourgeonner dans la rue Wellington, parmi les multiples magasins à 1 $, pawn shops et autres restaurants à hot-dogs.

Les blondes, les I.P.A et les pale ales servies au Benelux ont aussi mis fin à un régime sec de 138 ans à Verdun, voté par le conseil municipal de Rivière Saint-Pierre en 1875.

La transformation de cet ancien quartier ouvrier anglophone va main dans la main avec l'arrivée de familles de jeunes professionnels, attirés par le prix encore abordable des duplex et des triplex.

Benoît Mercier ressent toutefois un malaise quand on lui parle d'embourgeoisement. « Ce n'est pas un bulldozer, ou en tout cas, certainement pas un changement sauvage », dit-il.

« On fait partie du renouveau, mais on est encore au début de la vague », renchérit Hugues Gagnon, copropriétaire du Benelux.

L'ancien village ouvrier inspire Benoît Mercier. La Buzz, a été baptisée en l'honneur de George Frederick « Buzz » Beurling, le pilote canadien le plus célèbre de la Seconde Guerre mondiale, né à Verdun en 1921. La Melrose, aussi nommée en l'honneur de la rue, est infusée de miel et d'eau de rose.

« Oui, il y a eu des messieurs qui sont rentrés ici et qui nous ont demandé une Labatt ! Mais mon but, c'est de les amener ailleurs. S'ils restent et qu'ils prennent une autre bière, ma mission est réussie. Et, oui, ils restent », affirme Benoît Mercier.

« Les gens l'oublient, mais on est à cinq minutes du centre-ville, ajoute Hugues Gagnon. C'est drôle parce que c'est comme si Verdun c'était encore un petit trésor caché de Montréal. »

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A priori, Mélissa Beaudet n'avait pas pensé à Verdun comme quartier où acheter sa première propriété. La jeune réalisatrice de 31 ans et son conjoint, parents d'une petite fille de 6 mois, voulaient d'abord acheter un duplex dans le Mile End, où elle vivait depuis 10 ans.

« On a cherché comme des fous ! Pour 700 000 $, il y avait des choses franchement dégueulasses, des petits quatre et demi avec des moisissures. »

Le couple s'est ensuite tourné vers le quartier Rosemont. Encore là, des propriétés qui laissaient à désirer. « On a vu de la scrap pour 500 000 $ ! », résume-t-elle.

C'est alors qu'ils ont pensé à Verdun. « On a beaucoup d'amis qui se sont installés dans le Sud-Ouest et à Pointe-Saint-Charles, donc on s'est dit : tiens, on va aller voir. On s'est rendu compte que la qualité des maisons était beaucoup supérieure. »

En avril dernier, ils se sont donc acheté un grand duplex, avec un sous-sol fini, un garage et une grande cour. Elle apprécie particulièrement l'accès au fleuve. « Je fais du kayak au bout de ma rue, c'est quand même incroyable ! »

Avec 66 000 habitants, Verdun est l'un des plus petits arrondissements de Montréal. Ses habitants profitent tout de même de trois stations de métro. C'est aussi un arrondissement bilingue, 63 % de la population peut soutenir une conversation en français et en anglais. Les unilingues anglophones représentent aujourd'hui seulement 11 % de la population.

Luc Gendron a grandi à Verdun. Après avoir vécu à Saint-Bruno-de-Montarville, l'homme de 44 ans a décidé de revenir dans son quartier natal, où il a fondé la fromagerie Copette & Cie avec sa conjointe, il y a cinq ans. « Quand on a ouvert, les gens nous disaient : vous n'allez pas "tougher" ! »

Même si Verdun change, l'homme qui est aujourd'hui à la tête de la société de développement commercial Wellington estime que « l'esprit de village » subsiste.

« Je connais presque tous mes clients et je connais pas mal tout de leur vie, raconte-t-il. Pratiquement tous les candidats sont mes clients, ça va être le pire choix à faire de ma vie lors d'une élection ! »

Le visage sombre de Verdun 

Verdun est l'un des arrondissements les plus défavorisés de Montréal. Selon le centre de pédiatrie sociale Les Renards, la population desservie par le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Sud-Ouest-Verdun enregistre le plus haut taux de décrochage dans l'île de Montréal. C'est aussi le CSSS de Montréal qui enregistre le plus haut taux de personnes pauvres.

Nancy Mercier est aux premières loges de cette misère humaine. C'est elle qui est responsable de la popote roulante de l'Armée du Salut à Verdun depuis 9 ans. Le camion de l'Armée du Salut s'installe les trois derniers mercredis du mois près du métro Verdun. Anglophone, Nancy Mercier est née à Verdun. Elle y a vécu toute sa vie. Son père a travaillé à l'usine GF (vendue à Kraft) durant 40 ans.

« Quand t'en arraches, t'en arraches. Il y a des endroits magnifiques à Verdun et c'est vraiment merveilleux tous ces nouveaux restos sur Wellington. Mais ce n'est pas notre monde qui en profite. »

Plusieurs des familles à qui elle vient en aide vivent de chèque de paye en chèque de paye. « J'ai des clients qui arrivent ici avec des chèques d'Hydro qui ont atteint les milliers de dollars. »

Comme ailleurs à Montréal, Verdun a un besoin criant de logements sociaux, dit-elle. « Le prix d'une chambre par mois est d'environ 450 $, donc avec un chèque d'aide sociale de 604 $ par mois, faites le calcul. Pour ajouter à cela, la plupart des logements à loyer modique sont infestés de punaises de lit. C'est un gros problème qui persiste depuis trois ans. »

La situation est quasiment pire pour les ménages dont les parents travaillent à salaire minimum, car ils n'ont plus accès à certains services, explique Nancy Mercier.

« On est en 2013, à Montréal, et j'ai des clients qui s'arrachent eux-mêmes des dents parce qu'ils n'ont plus d'assurance ni l'argent pour se payer un dentiste. J'ai des gens qui se font évincer de leur logement, et qui déménagent avec des paniers d'épicerie. »

C'est aussi ça Verdun.

L'Île-des-Soeurs : un autre monde au milieu du fleuve

Avec ses tours à condos de luxe, son spa, ses ronds-points, ses maisons familiales et ses quartiers huppés, L'Île-des-Soeurs est un microcosme bien différent de la planète Verdun.

Originalement baptisée île Saint-Paul, en l'honneur du fondateur de Montréal, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, l'île a été achetée par la congrégation religieuse Notre-Dame en 1679. Deux cent cinquante ans plus tard, elle est vendue à une corporation privée. À la même époque, elle est annexée à la ville de Verdun à la suite d'un décret de Québec.

Il est difficile de croire que jusqu'à la construction du pont Champlain en 1962, l'île était seulement accessible par un service de barques.

Depuis la construction du pont, L'Île-des-Soeurs a connu un essor fulgurant et même exponentiel. Dans les cinq dernières années, un tout nouveau quartier a vu le jour, celui de la Pointe-Nord. Le siège social de Bell y a aussi ouvert ses portes en 2009. Des milliers d'employés s'y rendent chaque jour.

Au cours de la dernière décennie, la proximité du centre-ville, l'accès aux berges et la qualité de vie ont aussi attiré un grand nombre de jeunes familles. Mais les services n'ont pas suivi le changement de démographie. Et la fluidité de la circulation en a pris un coup.

L'exemple le plus médiatisé : il n'y a qu'une seule école primaire et aucune école secondaire dans le quartier.

L'école primaire est surpeuplée. Des parents se battent depuis trois ans pour avoir une nouvelle école. La construction devrait être achevée pour la rentrée scolaire de 2015.

Olivier Drouin, le président de l'Association des familles de L'Île-des-Soeurs, est impliqué dans le dossier depuis les tout premiers débuts. « Il y a eu un changement de garde à L'Île-des-Soeurs, explique-t-il. Les baby-boomers qui ont quitté leur maison pour s'installer ailleurs ont été remplacés par des jeunes familles. »

Le père de quatre enfants a choisi de s'installer à L'Île-des-Soeurs il y a un peu plus de 10 ans. « Je m'assume comme Montréalais, je suis un gars très urbain, en même temps, j'aime le fait qu'on peut se sentir dans la nature avec les berges, les sentiers et les pistes cyclables. Nous avons vraiment une qualité de vie exceptionnelle. »

Francine Brûlé, la propriétaire du restaurant Les Enfants Terribles à Outremont, a ouvert un deuxième restaurant sur le bord de l'eau à L'Île-des-Soeurs cette année, un choix qu'elle a fait par « intuition ».

« Je ne me suis pas trompée, raconte-t-elle. J'ai une clientèle très intelligente, des gens de tous les milieux, des artistes, des gens aisés, des gens moins aisés. Ce qui rend le quartier vraiment intéressant, c'est qu'il y a de plus en plus de jeunes familles. »

La femme d'affaires a eu un véritable coup de coeur pour L'Île-des-Soeurs. « Je pense même y déménager, lance-t-elle. Ça se développe super bien et j'aime la proximité avec le centre-ville, le fleuve, la piste cyclable... En plus, tout le monde se connaît, tout le monde se parle. C'est vraiment une belle communauté. »

Verdun

Taux de participation en 2009 : 38,34 % (ensemble de Montréal : 39,4 %)

Maire sortant : Claude Trudel, élu à 39,92 % en 2009

Enjeux aux élections

En décembre 2012, l'ancien maire de Verdun, Claude Trudel, a quitté la politique après la démission de l'ancien maire de Montréal, Gérald Tremblay, en tirant 
à boulets rouges sur son remplaçant, Michael Applebaum. 

Huit candidats aspirent maintenant à la mairie de Verdun.  Jean-François Parenteau, un agent immobilier très connu dans le quartier, se présente dans l'équipe de Denis Coderre. Ce dernier a aussi recruté comme candidat au poste de conseiller de ville le comédien Sébastien Davernas, qui s'est déjà présenté dans Outremont pour le Parti libéral du Canada.  

Verdun a aussi deux formations politiques locales, Option Verdun dirigée par André Savard et l'équipe Andrée Champoux pour Verdun.  

Le conseiller de ville sortant, Alain Tassé, se présente comme maire d'arrondissement pour Coalition Montréal (Marcel Côté) tout comme l'organisatrice communautaire, Mary Ann Davis, de Projet Montréal (Richard Bergeron).