Après avoir longé les centres commerciaux du boulevard Pierrefonds pendant 2 km, on arrive au centre-ville de Pierrefonds-Roxboro.

C'est du moins ce qu'indique le GPS au touriste de passage. À cet endroit précis trône un resto-minute un peu rétro, le Montreal Hot-Dog Station. Liette Meunier est une amatrice inconditionnelle de son fish and chips à 8,95 $.

« Vous cherchez le centre-ville ? Ce n'est pas du tout ici. Allez plutôt voir à l'intersection des boulevards Pierrefonds et Saint-Jean. »

Le « centre-ville », c'est un immense parc délimité aux deux extrémités par l'hôtel de ville et la bibliothèque. Ce jour-là, un des candidats à la mairie de Montréal, Marcel Côté, y donne justement un point de presse. En quelques clips, il résume le défi que représente cet arrondissement « unique » par son statut bilingue, résidentiel à 95 %, et qui offre les plus grandes zones de terrains à lotir. Dans ce secteur enclavé aux prises avec une congestion monstre, la construction d'un boulevard urbain sur l'emprise de l'autoroute 40 est perçue comme une bouffée d'air frais.

Un vieux rêve

Retour dans la voiture pour tenter de trouver un centre-ville digne de ce nom. Quelques grands boulevards commerciaux se disputent le titre du secteur le plus animé. Au nord, le boulevard Gouin permet de longer paisiblement la rivière des Prairies. En quelques kilomètres, on passe devant quatre parcs importants, dont les parcs-nature Bois-de-Liesse et Cap-Saint-Jacques. Tout au bout, on arrive dans un secteur agricole.

Des secteurs superbes, mais on est loin du lieu de rassemblement. C'est notamment le constat qu'ont fait les citoyens de l'arrondissement lors des consultations pour la création d'un plan stratégique de développement durable, en 2011. Qualifié de « banlieue des années 50 », de « ville-dortoir », Pierrefonds-Roxboro n'a « pas de pôle identitaire ou de noyau central ».

Et il n'y a pas de centre-ville. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, argue Monique Worth, mairesse de l'arrondissement depuis sa fusion avec Montréal en 2001. « C'est tellement long, Pierrefonds, 26 km sur 4 km de largeur. C'est difficile de faire un centre-ville. On voudrait établir ça, mais ça traîne en longueur. »

C'est justement à l'angle des boulevards Pierrefonds et Saint-Jean que la mairesse, qui quitte la vie politique en novembre prochain, aurait souhaité léguer un centre-ville. « J'aimerais ça qu'il y ait ici une place publique, avec une vie de communauté comme à l'aréna, il y a 40 ans. Une place publique, citoyenne, où les gens pourraient fraterniser. Ça, ça me manque. Ça fait 10 ans que j'y pense. »

Le facteur historien

L'arrondissement ne manque pas de charme, tient-elle à rappeler, avec ses espaces verts omniprésents et sa paisible vie de banlieue. « C'est mon chez-nous. J'aime la tranquillité : quand on sort dans la rue, on est sûr de rencontrer quelqu'un qu'on connaît. Tout est près. Il y a un bel esprit de fraternité, de gens qui se parlent. »

Pour mieux saisir l'esprit de Pierrefonds, la mairesse nous suggère de rencontrer l'historien Marc Locas, qui est devenu depuis trois décennies la mémoire vivante de cette communauté.

Par une savoureuse coïncidence, M. Locas habite à une centaine de mètres du centre-ville selon le GPS, tout près du Montreal Hot-Dog Station. L'homme de 81 ans s'intéresse à l'histoire de son village devenu arrondissement depuis 1977. « Je suis né à un quart de mille d'ici, j'ai déménagé une fois. »

Employé au bureau de poste, il était parfois appelé à remplacer au pied levé un facteur. « Je prenais des photos partout et je faisais des projections. Ma première projection dans le sous-sol de l'église concernait les maisons anciennes, la salle était pleine à craquer. Ça m'a encouragé. »

Il a récidivé avec des projections sur les familles de Pierrefonds, puis sur les écoles. Il a donné la majorité de ses notes, ses photos, ses vieilles coupures de presse à la bibliothèque de Pierrefonds, qui en a fait le « fonds Locas ». Il montre avec un sourire narquois un meuble en métal anonyme, caché dans les rayons de la bibliothèque. Quatre tiroirs remplis à ras bord de souvenirs. On y trouve même un drapeau de Pierrefonds avec la devise du village, « Qui veut peult ».

« Ça remplit toute une filière, mais il y en a tellement que ça devient impossible à fouiller. J'ai tout fait ça de façon bénévole. »

La folie de Chauret

Quand on lui demande de nous faire découvrir l'âme de Pierrefonds, il n'hésite pas : on s'éloigne des boulevards commerciaux pour aller au bord de la rivière des Prairies. « C'est l'ancien chemin du Roi. Tenez, ici, on a filmé Aurore, l'enfant martyre, à la maison Trottier. »

Impossible de passer à côté du notaire Joseph-Adolphe Chauret quand on veut connaître Pierrefonds. Petit rappel historique : en 1741, la paroisse de Sainte-Geneviève, celle qui deviendra Pierrefonds, L'Île-Bizard, Sainte-Geneviève, Roxboro et Dollard-Des-Ormeaux, est fondée. En 1902, le notaire se fait construire une demeure seigneuriale qu'il baptise un peu pompeusement Château Pierrefonds. Deux ans plus tard, dans la controverse, la paroisse est scindée en deux nouveaux villages, dont celui qui allait devenir Pierrefonds.

Le château du notaire Joseph-Adolphe Chauret, quant à lui, est devenu en 1987 une résidence pour personnes âgées. Rasé par un incendie en 1993, il a été rebâti « dans l'esprit de l'édifice original », précise M. Locas.

À plusieurs endroits, l'historien s'extasie devant une des 18 maisons construites par le maçon Charles Brunet entre 1821 et 1839, dont il en reste 11. « Ici, c'est la route de L'Île-Bizard. Quand j'étais petit, c'était un marais, on venait y jouer. »

Mais les vrais trésors de Pierrefonds ne sont répertoriés nulle part, précise M. Locas d'un ton mystérieux. Patiemment, il scrute l'horizon et en voit un premier. « Regardez-moi cet arbre là-bas, comme il est haut. Il y en a trois comme ça à Pierrefonds. J'aimerais qu'ils soient répertoriés, qu'on s'en occupe mieux que ça. »

Que pense-t-il de la quête d'un centre-ville, lui ? « On l'a déjà, le coeur du village. Sainte-Geneviève, Roxboro, Pierrefonds, c'est la même communauté, répond-il. Quand on roule sur le boulevard Gouin, on n'arrête pas de passer de l'une à l'autre ; il n'y a rien de plus ridicule. »

Pierrefonds-Roxboro

Taux de participation en 2009 : 30 % (ensemble de Montréal : 39,4 %)

Mairesse élue : Monique Worth (53,2 % des voix)

Enjeux en 2013

La mairesse actuelle, Monique Worth, en poste depuis 2001, a annoncé qu'elle quittait la vie politique. Le conseil est en outre composé de deux conseillers de la ville et de deux conseillers d'arrondissement.

Élu conseiller de la ville en 2009 sous la bannière d'Union Montréal avec une solide majorité de 51,6 % des voix, Christian G. Dubois briguera la mairie de l'arrondissement. Il se présente cette fois sous la bannière de la Coalition Montréal, de Marcel Côté.

Deux des conseillers actuels, Catherine Clément-Talbot et Dimitrios Jim Beis, anciennement d'Union Montréal, se présentent au sein de l'équipe Denis Coderre.

Le parti de Richard Bergeron, Projet Montréal, est arrivé en deuxième place pour les quatre sièges de conseiller en 2009, surclassant chaque fois les candidats de Vision Montréal.