Des chalets d'été en décrépitude qui côtoient de grands châteaux occupés par des millionnaires. Des terres agricoles qui voisinent des terrains de golf. Un parc de maisons mobiles défraîchies à quelques kilomètres de nouvelles demeures de prestige. L'arrondissement de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève, le moins populeux de la métropole, est plein de contrastes.

En roulant sur le chemin du Bord-de-l'eau à L'Île-Bizard, le secteur résidentiel discordant de l'arrondissement saute aux yeux. Ici, une bicoque aux fenêtres placardées, dont le toit tombe en ruine. Quelques mètres plus loin, tout au bout d'une longue allée bordée d'arbres matures, un immense palace construit au bord de l'eau et protégé par un portillon en fer forgé.

Dans les années 60, les Montréalais étaient nombreux à se rendre à l'île Bizard pour y passer l'été. « Mes parents louaient un chalet. Je passais l'été à me baigner dans le lac des Deux Montagnes », raconte Pierre Lussier, journaliste pour l'hebdomadaire Cités Nouvelles. Quelques vieux chalets qui accusent leur âge sont encore debout sur les rives du lac et de la rivière des Prairies, qui ceinturent l'île Bizard. Mais au cours des dernières années, c'est surtout des habitations de prestige qui y sont apparues.

Rue Bellevue, les nouvelles maisons luxueuses s'enchaînent. Des terrains sont aussi à vendre. Pour en acquérir un, il faut appeler le promoteur : Gianni Grilli. Le nom Grilli est connu de tous les habitants de l'île Bizard. Car le promoteur y possède plusieurs terrains, dont des terres agricoles. Il est aussi à l'origine de pratiquement tous les derniers lotissements de l'arrondissement. Une rue porte même son nom dans la partie ouest de l'île : le carré Grilli.

Au cours des dernières années, M. Grilli aurait accepté de limiter ses projets à 25 nouvelles unités par année pour satisfaire les résidants, qui souhaitent préserver le caractère « champêtre » de l'île. « Les maires tentent toujours de freiner le développement immobilier. Mais la pression est forte, explique M. Lussier. Il n'y a pas de zone industrielle ou commerciale à L'Île-Bizard. Le seul moyen pour augmenter les revenus de l'arrondissement, c'est d'augmenter le nombre de maisons ».

Un pont, ça presse !

Alors que de plus en plus de citoyens s'installent à L'Île-Bizard, l'accès est de plus en plus complexe. Un seul pont relie l'île à Montréal. Le matin, la structure vieillissante est très occupée.

Une seule autre option s'offre aux habitants : le traversier qui mène à Laval-des-Rapides. Moyennant 4,50 $, les automobilistes peuvent prendre place sur le Paule II, qui relie les 300 mètres séparant L'Île-Bizard et Laval en à peine trois minutes.Mais la traversée n'est ouverte que durant la belle saison et ne peut accommoder que six voitures à la fois.

La semaine dernière, Claude attendait patiemment son tour pour monter sur le traversier dans son camion Mercedez. « Ce qui manque à L'Île-Bizard ? Un deuxième pont ! Et ça presse ! a-t-il dit. Le matin, quand il y a un accident près du seul pont, on ne peut pas sortir. »

Selon les prévisions de la Ville de Montréal, un nouveau pont devrait mis en chantier en 2016.

Des céréales et des légumes, en français !

Située à proximité d'arrondissements et de villes très anglophones comme Pierrefonds, Pointe-Claire et Beaconsfield, L'Île-Bizard est l'arrondissement le plus bilingue de Montréal. Près de trois résidants sur quatre peuvent soutenir une conversation à la fois en français et en anglais.

L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève est aussi l'arrondissement montréalais qui compte le plus de terres agricoles, soit la moitié des 2067 hectares de la métropole. Mais alors que l'île Bizard était jadis surnommée « le jardin de Montréal », on ne compte plus autant de fermes. Près de la moitié des terres agricoles sont maintenant occupées par trois golfs.

Benoît Girard travaille à la ferme du Bord-du-Lac, à l'extrémité ouest de l'île. Selon lui, les agriculteurs souhaitent une plus grande protection des territoires agricoles de l'île Bizard. « On aimerait entre autres que les propriétaires qui ne veulent plus cultiver leurs terres et qui veulent les vendre les offrent en priorité à d'autres agriculteurs intéressés à continuer la culture », dit-il.

Poches de pauvreté

En 2010, l'une des propriétés les plus chères au Canada était mise en vente : la résidence TuLyons. Située sur le chemin du Bord-de-l'eau à L'Île-Bizard, la propriété de 42 000 pieds carrés compte 50 pièces, une piscine intérieure, et ses garages permettent de garer 28 voitures.

En mai 2013, c'était au tour de la première ministre Pauline Marois de vendre son manoir de L'Île-Bizard. La Closerie a été achetée par un riche homme d'affaires belge pour 6,5 millions.

À quelques kilomètres de ces palaces, on se retrouve dans un tout autre monde. Un parc de 93 maisons mobiles, dont certaines sont en très mauvais état, occupe deux petites rues de l'extrémité ouest de l'île. Vivre dans ce quartier n'est pas toujours facile. Leila Bergeron, qui y habite depuis 33 ans, aime bien son quartier, qui est « très calme » et qui est situé à quelques mètres du lac des Deux Montagnes. « Mais on n'a pas l'eau courante. On a des puits. Et depuis le mois de mai, l'eau du puits n'est plus potable. C'est des conditions de vie désastreuses », dit-elle. Jessica Coulombe habite le parc de maisons mobiles depuis deux ans. Elle aussi critique la piètre qualité de l'eau et le fait qu'il n'y a « aucune pression » dans les maisons.

Et Sainte-Geneviève ?

De l'autre côté du pont de L'Île-Bizard, on atterrit à Sainte-Geneviève. Le coeur de cet ancien village, c'est l'église majestueuse qui longe le bord de l'eau. Mais surtout, c'est le cégep Gérald-Godin et la salle de spectacle Pauline-Julien.

Raymond, qui habite Sainte-Geneviève depuis plus de 60 ans, a vu son quartier se transformer au fil des ans. « Il y avait plusieurs terres agricoles avant. Plus maintenant. Il n'y a même plus de terrain à construire ! On ne vit pas les mêmes problématiques qu'à L'Île-Bizard », dit l'homme, qui ajoute que la majorité des maires de l'arrondissement vivent sur l'île et que Sainte-Geneviève est toujours un peu le « parent pauvre » du secteur.

L'Île-Bizard - Sainte-Geneviève

Taux de participation en 2009: 40,51%

(ensemble de Montréal: 39,4%)

Maire élu: Richard Bélanger (55,9%)