Avec ses petits restos et ses cafés de plus en plus nombreux, le Sud-Ouest devient « tendance ». Qu'en est-il, au-delà de la façade ?

Vous causez avec Lisette Daigle, qui habite à Saint-Henri et vous jureriez qu'elle habite à Westmount. 

À l'ombre de grands arbres, elle vous parle de la vigne qui pousse sur ses murs de pierre, de ses 32 ans de bonheur tranquille dans son quartier et de ses avant-midi paisibles au parc George-Étienne-Cartier. 

Quelques bancs plus loin, le discours est tout autre. Michel Kaba, lui, est en train de faire ses boîtes. Direction Châteauguay. « Cela fait sept ou huit ans que nous habitons à Saint-Henri. C'est trop bruyant. Les autos, le train, ça fait un bruit d'enfer. »

Mais surtout, l'idée, c'est éloigner les enfants des mauvaises fréquentations du quartier, quartier qui, selon Michel Kaba, aurait intérêt à être l'objet d'une patrouille policière plus soutenue, notamment le soir et la nuit. 

Un autre couple de Saint-Henri rencontré au marché Atwater ne lui donne pas tort. « Je n'élèverais jamais mes enfants dans Saint-Henri », dit l'homme. 

« Ce n'est plus le ghetto que c'était, c'est moins violent qu'avant, mais la prostitution et la revente de drogues sont encore très présentes », dit sa femme. 

Ils parlent en connaissance de cause. Leur voisin est proxénète. 

« Quand nos familles viennent nous rendre visite de l'Ontario et qu'ils regardent autour, c'est un peu gênant d'habiter là », dit la femme. 

Quel est le vrai Sud-Ouest ? Celui de Lisette Daigle ou celui de ce couple beaucoup moins enthousiaste ? 

La vérité, c'est qu'il y a aujourd'hui plusieurs Sud-Ouest et que le fossé semble se creuser plus que jamais, ne serait-ce qu'entre Griffintown et Pointe-Saint-Charles, qui compte toujours la plus grande proportion de logements sociaux de tout le Canada. 

Toutes les personnes rencontrées dénoncent cependant d'une même voix ce qu'ils constatent tous plus ou moins près de leur maison : la malpropreté, la négligence, les graffitis. 

Michel Robert, qui habite dans la Petite-Bourgogne, est découragé de tout cela. « Tout part au vent avec notre type de bac de recyclage. Dans Ville-Marie, ils ont des sacs de plastique et c'est bien mieux. Moi, je préférerais nettement que les itinérants puissent voir au travers de nos déchets et voient s'il y a des bouteilles dedans plutôt que de tout éventrer. »

« Ah oui, puis il y a la mauvaise herbe, poursuit-il. Je ne vous mens pas, l'été dernier, il y a certaines rues où la mauvaise herbe faisait huit pieds de haut. La Ville a fini par couper cela en septembre. »

Comme tant d'autres, Yvon Lamarre, qui était président du comité exécutif sous Jean Drapeau et qui habite dans le Sud-Ouest, peste contre les graffitis. « C'est démoralisant. À Lachine et à LaSalle, je n'en vois pas autant. Pourquoi pullulent-ils autant, dans Saint-Henri et dans Ville-Émard ? » 

Un coup sur sa lancée, M. Lamarre tient aussi à dénoncer l'état des pavés et des trottoirs, inégaux et terriblement dangereux pour les jeunes comme pour les personnes âgées. Côté sécurité, M. Lamarre envie Westmount où il y a des dos d'âne pour limiter la vitesse. « On n'est pas pires que les autres, pour nous aussi, pour notre sécurité à nous aussi, ça serait bien, des dos d'âne. »

Christophe Houdard, qui habite dans Pointe-Saint-Charles, en a long à dire lui aussi. Dans son coin, « les trottoirs sont sales et comme il n'y a pas de poubelles sur Wellington, les gens jettent tout par terre. Les gens prennent les ruelles pour un dépotoir : des pots de peinture, des pneus, du bois... » 

Ce qui serait bien, aussi, ce serait peut-être d'avoir plus de piscines extérieures. L'été, quand il fait chaud, on est tassé comme des sardines, dans la piscine du parc George-Étienne-Cartier. 

Avec ses enfants, M. Houdard raconte se rendre parfois jusqu'à Dorval pour trouver de belles piscines moins fréquentées. 

Mais pourquoi M. Houdard habite-t-il dans ce quartier, finalement ? La description qu'il en fait ne donne pas très envie d'y emménager. 

Pourquoi ? C'est tout simple. « Pour la gentillesse et la chaleur des gens du quartier », dit-il. 

« Quand on se promène et que l'on rencontre des gens, on nous sourit, on nous salue. C'est loin d'être le cas dans le Plateau, par exemple. »

Si ce n'était de Turcot...

De tous les arrondissements, c'est le Sud-Ouest qui sera le plus touché par le chantier de l'échangeur Turcot. 

C'est ce que fait remarquer Gilles Dubien, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie du Sud-Ouest, et ce chantier, c'est bien ce qui fait trembler tout le quartier. 

N'empêche, malgré ce très mauvais moment à passer, M. Dubien en est convaincu : le Sud-Ouest va retrouver « sa vitalité des grandes années industrielles ». 

À condition, bien sûr, d'y aller avec vision. Comme le relève Gérard Beaudet, « autour du marché Atwater, c'est très dynamique ». 

La mixité sociale demeure cependant un objectif encore difficile à atteindre. 

Dans Pointe-Saint-Charles, pendant longtemps, raconte M. Beaudet, « l'une des principales revendications des résidants, c'était de devenir la capitale mondiale du HLM. C'était d'un ridicule consommé ». 

À l'inverse, le long du canal, près du marché Atwater, M. Beaudet juge qu'il aurait été souhaitable de voir apparaître plus de logements abordables à côté des condos. 

Dommage, aussi, de voir la rue Notre-Dame se vider de ses antiquaires, qui tombent un à un au combat de l'embourgeoisement commerciale, relève encore M. Beaudet. 

Et c'est sans parler de Griffintown, donné en pâture aux promoteurs sans la mise en place préalable d'une vision d'ensemble, dénoncent sans cesse les urbanistes. 

N'empêche, certains, comme Farlène Barthélémy, y trouvent leur bonheur. « Je travaille à la Place Ville-Marie, j'y vais à pied. J'aime être au coeur de l'action. En plus, je suis sûre que dans quelques années, Griffintown sera bien plus hip que le Plateau et que mon condo aura doublé de valeur. »

Le Sud-Ouest

Taux de participation en 2009  :  36,3 % (ensemble de Montréal :  39,4 %)

Maire élu : Benoit Dorais (28,4 % des voix)

Enjeux en 2013

- Fait remarquable, les cinq postes d'élus ont fait l'objet d'âpres luttes à trois en 2009. Avec des majorités d'à peine une centaine de voix, Vision Montréal en a remporté trois, Union Montréal et Projet Montréal, un chacun.

- Quatre des cinq élus actuels ont grossi les rangs du parti de Marcel Côté, Coalition Montréal. La cinquième, Sophie Thiébaut, de Projet Montréal, a subi les foudres de ses collègues au conseil pour s'être opposé au projet de recyclage du bâtiment d'Archivex. Tous se représentent cette année.

- Le maire Benoit Dorais, de la Coalition Montréal, affronte l'urbaniste Jason Prince (Projet Montréal) et Sylvia M. Rivès (Équipe Coderre).

- Fait remarquable, les cinq postes d'élus ont fait l'objet d'âpres luttes à trois en 2009. Avec des majorités d'à peine une centaine de voix, Vision Montréal en a remporté trois, Union Montréal et Projet Montréal, un chacun.

- Quatre des cinq élus actuels ont grossi les rangs du parti de Marcel Côté, Coalition Montréal. La cinquième, Sophie Thiébaut, de Projet Montréal, a subi les foudres de ses collègues au conseil pour s'être opposé au projet de recyclage du bâtiment d'Archivex. Tous se représentent cette année.

- Le maire Benoit Dorais, de la Coalition Montréal, affronte l'urbaniste Jason Prince (Projet Montréal) et Sylvia M. Rivès (Équipe Coderre).