Alors que la campagne municipale bat son plein, notre journaliste parcourt les routes du Québec et s'intéresse à ces villes dont on parle moins, mais qui ont toutes leurs propres enjeux et débats. À «Saint-Hyacinthe la jolie», prospère et studieuse, le débat reste poli malgré la proximité des grands partis nationaux.

Vers l'est, la mégapole s'étend jusqu'au mont Saint-Hilaire, dernier arrêt du train de banlieue après McMasterville. Après une quinzaine de minutes dans le champ de blé d'Inde, la 116 nous amène au coeur même de Saint-Hyacinthe, «technopole agroalimentaire d'envergure internationale».

 

La vieille ville, accueillante même sous la pluie d'automne, nous rappelle vite qu'avant d'être un centre de la nouvelle économie (CNE), Saint-Hyacinthe était un chef-lieu administratif assez cossu avec ses 12 «grands hôtels», dont l'un est devenu l'hôtel de ville, son évêché et son bureau de poste de pierre grise qui a toutes les allures d'une forteresse.

En bas de la côte, autour du marché-centre, un des plus vieux du genre au Canada, on arrive dans un quartier commercial compact mais actif où s'alignent restaurants, magasins de musique, épiceries fines et boutiques de luxe: pas vraiment besoin d'aller à Saint-Bruno pour s'acheter des bottillons. Ni de monter en ville pour voir Louis-José Houde ou quelque autre artiste québécois en tournée pour qui le nouveau Centre des arts Juliette-Lassonde s'avère désormais un passage obligé.

Mercredi soir, le Tout-Saint-Hyacinthe convergeait vers le CDA pour le gala du 50e anniversaire de BOOM FM, l'ancienne station CKSH devenue CFEI puis BOOM, comme dans baby-boomers et nostalgie, un format qui a vu le 106,5 monter à 80 000 auditeurs en 6 ans.

Le maire sortant Claude Bernier, qui avait accueilli les invités à la porte, s'est adressé plus tard à l'élégante assemblée sans faire la moindre référence à la campagne électorale qui entre aujourd'hui dans sa dernière semaine (plusieurs ont noté l'élégance de l'approche). Une campagne propre à tous égards - «presque trop» -, a dit Martin Bourassa, rédacteur en chef et éditorialiste du Courrier de Saint-Hyacinthe. Avec un tirage de 15 000 exemplaires (vendus), «le doyen des journaux français d'Amérique» (1853) se porte très bien, merci, et pourrait même appuyer un des trois candidats à l'élection de dimanche prochain.

Dont les enjeux, il faut le dire, semblent créer plus d'unanimité que de division: faut-il construire un nouveau centre sportif ou rénover l'ancien? Où construire ce terrain de soccer synthétique? Faut-il attendre la subvention? Pas d'enquête, pas de scandale ni la moindre trace de conflit d'intérêts.

Continuité ou changement

Quel est le principal enjeu de cette élection? avons-nous demandé à M. Bernier, qui a eu 70 ans en septembre. «Pour moi, c'est la continuité. Pour d'autres, c'est le changement... J'ai travaillé pendant 13 ans avec Mme Corbeil et là, elle veut prendre ma place», a expliqué tranquillement cet ancien directeur d'école devenu, en 1992, maire d'une ville où l'enseignement et la recherche jouent un rôle de premier plan.

Près de 5000 élèves réguliers sont inscrits soit au cégep de Saint-Hyacinthe (renommé entre autres pour son école de théâtre), au campus de l'Institut de technologie agroalimentaire ou à la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal. Et le bourg grandit. Par exemple, le Complexe de diagnostic vétérinaire et d'épidémiosurveillance, que l'on construit présentement, est un projet de 52 millions qui apportera 300 emplois.

«Les gens jugeront mais je suis fier de mon bilan», lance M. Bernier qui, par ailleurs, a reçu l'appui du député péquiste Émilien Pelletier, conseiller municipal jusqu'à sa victoire (par 213 voix) sur le libéral Claude Corbeil à l'élection provinciale de 2008. Or l'organisation de M. Corbeil est très proche de celle d'Huguette Corbeil, conseillère elle aussi et principale adversaire de M. Bernier dans la course à la mairie. «Small town», comme disent les Anglais...

M. Bernier prend acte de l'appui de son ancien collègue mais affirme dans le même souffle n'avoir «jamais eu d'activité politique» ailleurs qu'au niveau municipal à Saint-Hyacinthe où, chose rare dans les villes de cette taille, il n'y a aucun parti politique légalement constitué. Tous des indépendants... Mais certains le sont plus que d'autres, laisse entendre le maire.

Huguette Corbeil, quant à elle, n'a rien de précis à reprocher à son adversaire si ce n'est son «hermétisme» et son dirigisme en assemblée. «Moi, je veux travailler visière levée de manière à faire participer les élus à toutes les facettes de la gestion des affaires municipales.» Selon Gilles Joyal, son directeur de campagne, «certains candidats aux postes de conseiller sont favorables à Mme Corbeil» qui, si elle n'en privilégie aucun publiquement, n'en a pas moins «de bonnes paroles pour certains».

Le slogan d'Huguette Corbeil, est membre du conseil depuis 1996: «C'est l'heure du changement.»

Jean-Marie Pelletier, le troisième candidat, prône aussi le changement en proposant, lit-on dans sa publicité, de «placer la jeunesse et les jeunes familles au coeur des axes de développement et des actions de la Ville». Selon le Courrier, toutefois, l'ancien président de la chambre de commerce, malgré son sens de la répartie, «souffre d'un déficit de reconnaissance, voire de popularité» auprès des Maskoutains.

Maskoutain comme dans Maska, du nom de la seigneurie où est née la ville, il y a 250 ans, dans un méandre de la rivière Yamaska. Aujourd'hui, «Saint-Hyacinthe la jolie» se pose toujours comme un joyau solitaire qui semble n'avoir aucune envie d'accéder à la couronne métropolitaine.

Comment le lui reprocher?

 

SAINT-HYACINTHE

Statut: ville

Population: 52 000

Budget: 70 millions

Gentilé: Maskoutain -aine

MRC: Les Maskoutains (17 municipalités constituantes; population: 82 000)

Région: Montérégie

Superficie: 190 km2

De Montréal: 60 km

Internet: ville.st-hyacinthe.qc.ca