Benoit Labonté a éclaboussé le monde municipal par ses révélations fracassantes, cette semaine. En entrevue avec La Presse, celui qui s'est placé sous la protection de la police en rajoute.

Q - Avez-vous lu les journaux ce matin (hier), M. Labonté? Gérald Tremblay parle «d'insinuations sans fondements» Il se demande pourquoi vous n'êtes pas allé vider votre sac plus tôt, auprès de la police? Est-ce que vous avez transmis de l'information à la police?

R - Cette semaine, dans le contexte de mes déclarations à Radio-Canada, j'ai fait tout ce qu'un citoyen doit faire dans les circonstances. J'ai eu de longues discussions avec la police. Je ne peux pas commenter dans les circonstances, mais je suis allé à la police.

Q - Vous avez parlé de Bernard Trépanier dans votre entrevue à Radio-Canada. Mais en l'écoutant, je me suis demandée si, selon vous, des membres de l'équipe de Gérald Tremblay, je pense à des élus, étaient également proche de M. Trépanier?

R - Sammy Forcillo était très près de Bernard Trépanier. Il venait au moins une fois par semaine à son bureau, et passait de longs moments dans son bureau. Je le sais parce que M. Forcillo était mon voisin de bureau à ce-moment là, au comité exécutif. Bernard Trépanier ressortait toujours avec des documents. C'était tellement des rencontres régulières qu'elles en étaient étonnantes.

Q - Selon vous, qu'est-ce qui se disait dans ces rencontres-là?

R - Je n'étais pas là. Mais ce que j'ai pu en décoder, c'est qu'ils se donnaient la liste des contrats à être approuvés par le comité exécutif, et éventuellement à être approuvés par le conseil municipal. Et ensuite démarrait la tournée de collectes. Ça ne me faisait pas de doute. Et tous mes contacts, nombreux et convergents dans le secteur privé, m'ont permis de comprendre c'est que Bernard Trépanier qui faisait la collecte partout.

Q - Vous avez dit, M. Labonté, que vous vous n'avez pas personnellement manipulé de l'argent. Mais du même coup, vous admettez qu'il y a eu de l'argent attribué pour votre course à la chefferie. Qui a manipulé l'argent? Il y avait plein de gens autour de vous, M. Labonté, non?

R - Je n'ai jamais manipulé l'argent, ça fait partie de la fabulation, de l'assassinat politique. Je veux être bien clair, les campagnes au leadership ne sont pas couvertes par la loi sur du DGEQ et celle sur le financement sur les partis politiques. L'argent qui a été amassé n'est pas allé dans les poches des gens, ou dans les miennes. Cet argent a notamment servi à payer des employés, mon personnel. Mais bon, je suis certain que Jean-Yves Duthel était impliqué, comme Pierre Vaillancourt, qui lui avait la responsabilité du financement de ma campagne, et qui l'a bien fait, légalement, et je le répète. Alors ma garde rapprochée c'était aussi Pierre d'Amours, et c'est eux qui géraient l'argent, et ils étaient certainement au courant, même plus que moi.

Q - Il a été question de Sylvie Bourassa dans les médias, il s'agit de la directrice de financement de Vision Montréal actuelle du parti de Louise Harel. Selon vous, elle est au courant du principe des prête-noms pour les transformer en chèques.

R - On avait des objectifs de financement comme parti. Il y avait évidemment la question du financement populaire à laquelle Louise Harel tenait beaucoup. Mais il y avait aussi le financement sectoriel. Dans le langage codé, ça ne veut pas dire qu'on cogne aux portes des bingos pour obtenir cinq dollars. C'est du financement d'entreprises, qui est transformé à l'aide de prête-noms en chèques de 1000 dollars, et ça peut être 500 dollars ou 100 dollars. Mais généralement, c'est 1000 dollars.

Q - Vous avez parlé d'assassinat politique, M. Labonté, mais pour parler d'assassinat, il faut des gens pour assassiner...

R - Je pense que dans votre article, l'autre jour, vous en avez fait le tour. Visiblement, des gens ne voulaient pas que je me retrouve au comité exécutif. Il y a de la vengeance personnelle là-dessous, aussi des gens que je n'ai pas voulu garder dans mon entourage. Mais vous pouvez ajouter le nom de Robert Laramée. Il y a aussi Giulio Maturi, ancien directeur général de Vision Montréal, qui n'est pas parti en bons termes. Parce que vous savez, la course au leadership a eu lieu il y a un an et demi, alors si tous ces gens-là ont vu des choses qu'ils jugeaient incorrectes ,pourquoi ça survient à deux semaines des élections? Des remords? Non. C'était planifié, très bien orchestré, et ils ont eu ma peau. À court terme en tout cas.

Q - Et l'homme d'affaires Tony Accurso, dans tout ça? Il a été question de relevés téléphoniques notamment. Ils proviennent d'où, selon vous?

R - Par une demande d'accès à l'information, vous auriez obtenu le nombre d'appels, mais les renseignements nominatifs sont toujours barrés. Alors de deux choses l'une, ou c'est M. Accurso qui les a donnés lui-même, ou c'est quelqu'un à l'arrondissement qui les a coulés. Mais dans l'entrevue, j'ai été très clair. Je n'ai pas nié avoir eu des conversations téléphoniques avec M. Accurso. Sauf qu'il y a des données qui ne correspondent cependant pas à mes relevés téléphoniques.

Q - Est-ce que vous pouvez me donner un exemple?

R - Il y des temps de discussion, et des longueurs de discussion qui ne correspondent pas du tout. Mais lorsque Paul Larocque dit, à TVA, que le 8 juin à midi, j'ai rencontré un entrepreneur dans le but de financer ma campagne au leadership, c'est faux. J'ai consulté mon agenda. Cette journée-là, à l'heure dite, j'étais effectivement en lunch au restaurant Aix, tout près de La Presse, mais avec nul autre qu'André Pratte, l'éditorialiste en chef de La Presse. Je me pose des questions sur la rigueur journalistique et ça jette beaucoup d'ombre sur le reste de «l'enquête», entre guillemets, et je le dis dans le sens le plus ironique qui soit. Mais nous sommes en train d'enquêter là-dessus, ça risque de se retrouver en cour, donc je ne pourrai pas commenter davantage.

Q - Est-ce que vous songez à entamer des poursuites?

R - Oui. Nous sommes en train de vérifier plusieurs aspects. Parce qu'il y a tellement, tellement, tellement de faussetés qui ont été dites, et véhiculées. Particulièrement du côté de TVA. Alors un moment donné «trop c'est comme pas assez». Et surtout, dans les reportages de TVA, à aucun moment le journaliste ne m'a téléphoné avant de diffuser pour confirmer, infirmer, etc. Jamais. Et ensuite on va me dire qu'il ne s'agit pas d'un assassinat politique?! On ne parle plus ici de rigueur journalistique, mais plutôt de complicité dans un assassinat politique.

Q - Avez-vous demandé la protection de la police?

R - Oui, cette semaine, mais je ne peux pas commenter là-dessus. Mais je voudrais que les gens retiennent qu'il n'y avait rien d'illégal là-dedans, même si d'un côté éthique je le regrette profondément. Il faut que ça se sache. Il s'agissait d'un assassinat politique prémédité, planifié et bien orchestré. Et je ne suis pas caché derrière une vitre teintée, ou le vocable d'une source anonyme pour le dire. J'ai l'ai fait directement, ouvertement, à la caméra.

Q - Allez-vous voter le 1er novembre?

R - Oui, certainement. Et je peux vous dire que je vais voter pour Louise Harel. Parce que les raisons pour lesquelles je suis allée la chercher - et que je me suis associée à elle - sont encore bonnes aujourd'hui. Elle m'apparaît encore comme la personne la mieux placée dans les circonstances pour commencer ce grand ménage à l'hôtel de ville. Mais surtout, pour faire contrepoids au gouvernement du Québec pour que nous ayons véritablement une enquête publique. Ça va largement dépasser les compétences d'un maire de Montréal, l'enquête publique, mais ça prend le leadership de la principale ville au Québec, et dans les circonstances elle est la meilleure personne. Je vais voter pour elle.