Odeurs nauséabondes persistantes sur le boulevard LaSalle, déneigement que certains qualifient de «chaotique», policiers rapides sur la contravention: les enjeux locaux ne manquent pas dans l'arrondissement de LaSalle. Mais la vraie bataille, celle dont tout le monde parle, c'est la taxe locale, imposée en 2005 par l'équipe de Manon Barbe, d'Union Montréal, qui a fait de LaSalle l'arrondissement le plus taxé de Montréal.

Dans le coin gauche du ring, Michael Vadacchino, un agent immobilier d'origine italienne, élu en 2008 sous la bannière de Vision Montréal dans une partielle en surfant sur la vague de mécontentement provoquée par la surtaxe. «Ils ont adopté la surtaxe à 8h le matin, dans une séance extraordinaire du conseil. Peu ou pas d'avertissement. Des augmentations de 450 à 500$ par an pour un propriétaire de duplex», s'insurge-t-il.

 

La taxe locale a suscité tant de colère qu'on a vu, par un beau samedi, les voitures de 300 citoyens «enragés» défiler en klaxonnant dans les rues paisibles de LaSalle. En vertu de la Charte de Montréal, les arrondissements ne peuvent imposer de taxe locale que pour un projet particulier. «À LaSalle, trois ans après l'imposition de la taxe, on a rien à montrer au citoyen», martèle M. Vadacchino.

Dans le coin droit, la candidate d'Union Montréal, l'actuelle mairesse Manon Barbe. Pour répondre aux questions sur la fameuse surtaxe, la mairesse sort rien de moins que son propre compte d'impôt foncier. Manon Barbe est propriétaire d'un duplex à LaSalle. Son compte d'impôt foncier de 2006, juste avant l'imposition de la taxe locale, s'élevait à 2253$. En 2007 - «moi aussi j'ai eu une claque», dit-elle - son impôt foncier a grimpé à 2973$. C'est à ce moment que la mairesse sort son as de son sac: son compte d'impôt foncier de... 1989. Qui s'élevait à... 2960$. «En fait, avec la taxe locale, on a ramené les gens aux taxes qu'ils payaient en 1989! C'est clair: il fallait faire un réajustement», résume Mme Barbe.

«C'était justifié, cette taxe. Et ç'a été bien expliqué», estime Hélène Garneau, une citoyenne de LaSalle qui se dit satisfaite de la gestion de la mairesse. Mme Barbe promet d'ailleurs de réduire cette taxe locale si elle est réélue. «Mais les gens sont sceptiques», dit Maria Montero, qui, avec son organisme Cadre - Échange de services de LaSalle, s'occupe d'une clientèle âgée, qui a été frappée de plein fouet par l'augmentation.

Mais comment est-il possible que l'impôt foncier des LaSallois soit demeuré si bas pendant 20 ans? La réponse tient en un mot: fusion. Avant l'union avec Montréal, LaSalle imposait moins les particuliers, davantage les commerces et les industries. Après la fusion, les taux d'impôt foncier ont été harmonisés dans tout Montréal. Plus moyen de jouer avec les taux. Les LaSallois ont donc vécu, sur leur compte d'impôt foncier, le post-partum de la fusion. Ainsi, sept ans plus tard, les conséquences sont encore au coeur de cette campagne municipale.

Prenez Michael Vadacchino, le candidat de Vision Montréal. En 2001, M. Vadacchino est un farouche opposant aux fusions municipales. Il est élu sous la bannière du parti de Gérald Tremblay, qu'il quitte avec fracas en 2003 en accusant le maire d'être «un menteur» puisqu'il s'oppose désormais au départ des villes fusionnées. En 2008, il se présente pourtant pour l'ancien parti de Pierre Bourque, Monsieur une île, une ville. Et maintenant, il hérite, en tant que chef, de la mère des fusions municipales, Louise Harel. Vous suivez toujours?

«Ils la cachent», ironise Mme Barbe, qui souligne que c'est souvent elle qui informe les citoyens que M. Vadacchino se présente avec Louise Harel. «Les gens n'en reviennent pas.» Michael Vadacchino, lui, accuse Manon Barbe de mener une campagne de peur contre l'ancienne ministre des Affaires municipales, qui, chez les électeurs italiens, allergiques à la souveraineté, provoque des sentiments, disons, mitigés.

Mais Michael Vadacchino est-il vraiment enchanté d'avoir Louise Harel comme chef? «Les fusions, c'est fait. On l'a eue, la possibilité de revenir en arrière. Les LaSallois ont choisi de rester à Montréal. Parce que les élus, nos élus, ont menti», dit M. Vadacchino. «Allez voir les villes reconstituées, rétorque Manon Barbe. Les impôts ont énormément augmenté, et ils n'ont pas plus de services. On a été très gagnants avec la fusion. Jamais LaSalle n'aurait eu les moyens d'investir autant dans les aqueducs, les égouts, la réfection des rues.»

Mais l'entreprise de revitalisation est loin d'être terminée, lance Michael Vadacchino, qui, au volant de sa BMW marine, nous fait faire une tournée du secteur sinistré de LaSalle, situé rue Airlie. Plusieurs conciergeries vétustes. Des dizaines de commerces placardés. «C'est la porte d'entrée de la ville. C'est affreux, ce qui se passe ici», dit-il avec force gestes. Nancy Blanchet, de la Table de développement social de LaSalle, est bien d'accord avec M. Vadacchino. «La revitalisation de la rue Airlie est importante, pas seulement pour les gens du secteur, mais pour tout le quartier.»

Mme Blanchet déplore cependant qu'un projet de construction de logements sociaux et de condos abordables ait échoué dans une école abandonnée, située tout près de la rue Airlie. «Ce projet nous aurait permis de partir la machine de la revitalisation. Malheureusement, le voisinage n'a pas bien reçu le projet. Ça leur a fait peur. On était très déçus.» À qui la faute? Michael Vadacchino accuse Mme Barbe. «Il a fait achopper le projet en utilisant des moyens à la limite de l'acceptable. Il a fait la tournée pour dire aux citoyens du voisinage que la valeur de leur propriété allait diminuer.»

C'est clair et net: le combat des élections municipales de LaSalle promet d'être très rude.