«C'est le bloquiste ou la libérale, finalement?»

Cette question, posée par un client du restaurant indien Tandoor entre deux bouchées de pain naan, était sur toutes les lèvres, hier, dans Brossard-La Prairie. Il faut dire que mis à part quelques passionnés de politique, les électeurs de cette circonscription se sont couchés sans connaître la couleur de leur député. Le score final étant tombé à 2h40 et les journaux du matin n'ayant pu en rendre compte, la tradition orale a donc repris du service.

«Comme ça, le Bloc serait rentré hier chez nous? C'est sûr?» demandait en matinée Robert, qui dit ne plus croire en la souveraineté mais qui a tout de même voté pour le Bloc.

 

Oui, le bloquiste Marcel Lussier a été réélu. Par tout juste 143 voix.

«L'Ontario a voté pour les conservateurs, alors ça veut dire que c'est nous, au Québec, qui avons empêché Harper de rentrer fort. Franchement, ça fait plaisir», dit Robert.

Longue, très longue a été la soirée pour le bloquiste Marcel Lussier et ses partisans, réunis mardi soir au restaurant Chez Éric, boulevard Taschereau. «En 2006, j'avais gagné par 1243 voix alors je me doutais que ça serait serré cette fois-ci aussi», raconte le vainqueur.

«Plusieurs coins de la circonscription sont très homogènes, avec des appuis massifs à un camp ou à un autre, poursuit-il. Nous ne savions pas quelles boîtes restaient à être dépouillées et quand nous en sommes arrivés aux cinq dernières, je me disais que tout pouvait arriver.»

«Quand on dit que chaque vote compte, c'est plus vrai que jamais, dans notre cas!» a lancé Lise Lussier, l'épouse du député, en plein ménage, hier après-midi, du local électoral.

Les résultats électoraux seront confirmés d'ici sept jours par le directeur du scrutin. Dans Brossard-La Prairie, comme l'écart entre le bloquiste et la libérale Alexandra Mendes est de plus d'un millième des votes exprimés, un dépouillement judiciaire n'est pas automatique, mais Mme Mendes entend le demander

Pierre Lefebvre, qui lisait ses journaux du matin, se disait, lui, que les résultats n'étaient pas mauvais du tout pour le Québec. «Si les libéraux font une opposition loyale et s'ils menacent de voter contre le discours du Trône, ça va obliger les conservateurs à tendre l'oreille au Bloc. Le Bloc va ainsi pouvoir passer sa liste d'épicerie - qui se trouve à être la liste de demandes de Jean Charest.»

«Habituellement, je vote pour les libéraux mais cette fois-ci, cette histoire de taxe de carbone de Stéphane Dion, ça ne m'a pas plu du tout, expliquait pour sa part John. J'ai donc voté pour le NPD, par contestation. C'est quand même désolant de penser qu'on a dépensé 300 millions pour rien, juste parce que Stephen Harper a un gros ego et qu'il voulait régner en dictateur...»

«Moi, ce qui me choque, c'est que les gens se soient si peu déplacés pour aller voter, se désolait Nikolaos. Dans mon pays d'origine, la Grèce, voter est obligatoire et on a une journée de congé pour le faire. Ça n'a pas de sens qu'un si petit pourcentage de personnes (59,1%) décide du gouvernement des quatre prochaines années.»

Alex Botos, qui est d'origine hongroise, trouve lui aussi important d'aller voter «toujours du même bord!», dit-il, mais ne lui demandez pas de se taper une soirée électorale à la télévision. «J'ai regardé la partie.»

Quelle partie? «Calgary contre Colorado.»

Ça a fini 5 à 4 pour Calgary.