La candidate libérale défaite de justesse dans la circonscription d'Ahuntsic envisage de demander un dépouillement judiciaire pour contester les résultats de l'une des luttes électorales les plus chaudes au Canada. Selon elle, des «irrégularités» se seraient produites avec certaines boîtes de scrutin au cours de la soirée.

Au petit matin, la bloquiste Maria Mourani a finalement été proclamée gagnante avec une mince majorité de 142 voix. Toute la soirée, les deux femmes, toutes deux très enracinées dans la circonscription, se sont livré une lutte sans merci. Eleni Bakopanos a su seulement à l'aube qu'elle avait perdu, après avoir dormi moins d'une heure. Et en matinée, hier, elle ne digérait toujours pas sa défaite.

«Cette fois-ci, je ne la laisse pas passer. Il y a eu des irrégularités dans ce scrutin. On va prendre des affidavits. On consulte présentement nos avocats», a-t-elle indiqué lorsque La Presse l'a jointe chez elle. En 2006, Mme Bakopanos avait été battue par une faible majorité - 834 voix - par Mme Mourani. Elle s'était inclinée sans mot dire. Deux ans plus tard, dit-elle, le scénario est différent.

«On sait qu'il y a eu un problème. On ne sait pas exactement quoi. Il y a des boîtes qui ont disparu pour quelques heures, qui étaient endommagées lorsqu'elles ont été retrouvées. À certaines sections, il y avait plus de bulletins que le nombre d'électeurs rayés sur la liste. Et ça s'est produit dans des sections où le Bloc est gagnant», dit-elle. La candidate défaite en avait manifestement gros sur le coeur. «On va aussi regarder ce qui s'est passé durant la campagne, comme les dépenses. Il y avait beaucoup de pancartes et beaucoup de dépliants.»

Pas de boîtes perdues

Vérification faite auprès du directeur de scrutin, des problèmes techniques se sont bel et bien produits dans le compte du vote dans certaines sections. «Mais jamais des boîtes n'ont été endommagées ou n'ont été perdues», indique André Nadeau, agent de liaison à Élections Canada. Une scrutatrice a effectivement eu de la difficulté à «balancer» le nombre d'électeurs et les bulletins de vote. «Mais en recomptant, finalement, le compte y était.» Et les résultats ont tardé, puisque le responsable d'une section n'avait pas compris qu'il devait transmettre les résultats à mesure qu'ils étaient connus.

Chaude lutte

La bloquiste Maria Mourani, de son côté, n'a jamais entendu parler de boîtes perdues. «On a travaillé de façon très honnête. Que Mme Bakopanos fasse ce qu'elle a à faire. Le recomptage, ça n'est pas un problème, mais quand elle parle d'irrégularités, je trouve ça dommage.»

La majorité de Mme Mourani, déjà mince en 2006, a encore fondu à ces élections, observe Mme Bakopanos. «Le Bloc a perdu des votes. Pas moi», dit-elle.

«En 2006, le scandale des commandites avait nui aux libéraux. Mais cette fois-ci, il n'y en avait pas, de scandale, explique son adversaire. La population m'a fait assez confiance pour me réélire. Mais, en même temps, ce qu'on nous dit, c'est: travaillez encore plus fort.»

Pourquoi la lutte électorale est-elle si chaude dans cette circonscription du nord de l'île de Montréal, et ce, tant au fédéral qu'au provincial?

«La population est très diversifiée. Nous avons toutes les classes sociales dans ce comté», dit Maria Mourani. En effet, du boulevard Gouin au boulevard Métropolitain, on retrouve une mosaïque de grands manoirs et de duplex modestes, sans compter un grand parc de HLM. Plusieurs communautés ethniques ont élu domicile dans le quartier. Avant que les limites de la circonscription ne soient modifiées, en 2000, la circonscription était cependant résolument libérale. Depuis, Eleni Bakopanos n'y a remporté la victoire qu'en 2004.

«Nous, c'est sûr, dans les soirées électorales, on ne dort pas», blague Maria Mourani. Les militants rassemblés en sa compagnie dans un restaurant de la rue Fleury ont su seulement vers 2h dans la nuit de mardi à hier que leur candidate était élue, une fois les bulletins dans la toute dernière boîte de scrutin comptés.