Bernard Thiboutot, un relationniste qui a indiqué à la commission Gomery sur le scandale des commandites qu'il avait aidé la compagnie Groupaction à financer le Parti libéral, travaille maintenant comme consultant en communication pour des candidats conservateurs dans l'Est du Québec, a appris La Presse.

Ses déclarations, faites en mars 2005, avaient créé une onde de choc. C'était la première fois que la commission Gomery apprenait comment l'argent reçu par les firmes de communication qui profitaient du programme des commandites servait à payer les organisateurs du Parti libéral, pendant la campagne électorale de 2000.

 

Stephen Harper, alors chef de l'opposition, avait profité de cette occasion pour demander au gouvernement de poursuivre le Parti libéral en justice. «Le gouvernement poursuit les agences (de communication) pour recouvrer l'argent sale perçu indirectement par le programme des commandites, avait déclaré M. Harper en Chambre. Pourquoi le gouvernement ne poursuit-il pas le Parti libéral du Canada?»

Cette année, M. Thiboutot, ex-directeur général de la station de radio CHOI-FM, a été engagé comme consultant par des candidats conservateurs dans l'est du Québec. «J'en fais pour différents candidats», a-t-il dit à La Presse vendredi, sans préciser leurs noms. Il a seulement confirmé celui de Myriam Taschereau, candidate à Québec, et a refusé de dire pour quelle firme de communications il travaille.

«Ma participation à la commission Gomery, c'était à titre de témoin, a-t-il ajouté. Je n'ai jamais été inculpé, accusé, condamné. Je n'ai pas été cité dans le rapport du juge (John Gomery). Je n'ai pas été blâmé.»

Jean-Luc Benoît, porte-parole du Parti conservateur au Québec et lui-même ex-directeur des communications de CHOI-FM, a dit que les conservateurs sont contents de compter M. Thiboutot dans leur organisation électorale. «Aucune accusation n'a été portée contre cette personne, a dit M. Benoît vendredi. Le fait que des gens de différentes allégeances travaillent pour nous est une bonne nouvelle.»

Groupaction, de Jean Brault, est l'une des compagnies qui a le plus profité du programme des commandites. En 2000, M. Thiboutot était à la fois propriétaire de Commando Communication Marketing, directeur du bureau de Québec de Gosselin Communication et employé de Jean Brault.

Cinq ans plus tard, il a comparu devant la commission Gomery. Il a alors révélé que Jean Brault lui avait demandé de faire des chèques à des militants libéraux parce que le Parti libéral manquait d'argent. Comme M. Brault ne voulait pas que son nom paraisse, il a demandé à M. Thiboutot de faire les chèques au nom de Commando Communication.

«M. Brault m'a dit qu'il avait une liste de gens à payer, qu'il voulait les faire payer par mon entreprise parce qu'il ne voulait pas avoir de lien d'emploi avec ces gens-là, a dit M. Thiboutot au juge Gomery. Il était mon employeur alors... il m'a envoyé une somme d'argent et une liste de gens qui devaient m'envoyer des factures. J'ai acquitté ces factures.»

M. Thiboutot a fait des chèques totalisant 44 360$ à cinq organisateurs libéraux, dont Franco Iacono, lobbyiste et ancien membre du bureau du ministre Alfonso Gagliano, alors organisateur en chef du Parti libéral du Canada au Québec. Les chèques ont été faits le lendemain du déclenchement des élections, le 23 octobre 2000.

«M. Brault m'a demandé de faire une contribution à une activité de financement par le biais de ma compagnie (Commando Communication Marketing) et de lui acheminer une facture», a indiqué M. Thiboutot à la commission Gomery. Au bureau de M. Brault, on lui a demandé d'inscrire «honoraires professionnels» sur sa facture. Il s'est plié à cette directive sur la première facture, et a écrit «remboursement d'avances» sur la deuxième.

«Que compreniez-vous de cette façon de faire?» lui avait demandé le procureur de la Commission. «Je comprenais qu'on ne voulait pas que la facture réfère au Parti libéral du Canada parce que c'était délicat», a-t-il répondu.

Il a expliqué que Gilles-André Gosselin, qui était en voie de vendre son entreprise, Gosselin Communications, à Jean Brault, refusait de se prêter à ces exercices «par principe». Et lui, comment juge-t-il son propre comportement dans cette affaire? «Je n'ai rien à me reprocher», a-t-il dit à La Presse vendredi.

Jean Brault a témoigné en avril 2005. Il a déclaré que Groupaction avait en effet donné des milliers de dollars à la section québécoise du Parti libéral du Canada en échange de contrats de commandite. Après avoir plaidé coupable à cinq des six chefs d'inculpation, il a reçu une peine de deux ans et demi de prison. Le Parti libéral n'a pas été accusé, mais a fait un chèque de 1,14 million au gouvernement pour rembourser les contribuables, floués par le scandale des commandites.