La candidate de Stephen Harper dans Saint-Bruno-Saint-Hubert fait partie de l'Opus Dei, organisation catholique ultra-conservatrice qui reste secrète sur ses effectifs et ses obligations.

Conseillère municipale à Saint-Bruno depuis trois ans, farouchement opposée aux fusions, Nicole Charbonneau Barron, appartient à cette communauté controversée, qui compte environ 600 personnes au Canada, une grande partie dans la région de Montréal. La candidate n'avait pas divulgué son adhésion à ce regroupement catholique aux dirigeants du Parti conservateur qui l'ont appris hier.Après un coup de fil de La Presse, les stratèges conservateurs à Ottawa ont rapidement retrouvé sur Google les informations reliant leur candidate au cercle ultra-catholique. Mme Barron avait comme «porte-parole de l'Opus Dei à Montréal» accordé des entrevues aux médias en mai 2006.

Elle avait alors donné le point de vue de l'organisation multinationale malmenée dans le film Da Vinci Code, tiré du best-seller, «une caricature».

Présentée comme «l'agente d'information» du bureau québécois de l'Opus Dei, Mme Barron avait expliqué sur les ondes de LCN que les 30 % des membres de l'ordre qui faisaient partie des « numéraires » pouvaient s'infliger des sévices corporels, «ils ont des pratiques de mortification de petits sacrifices», qui n'avaient toutefois rien à voir avec l'autoflagellation du moine Silas dans le film sorti en 2006.

Elle avait aussi expliqué que les 70% restants des membres étaient des «surnuméraires», des gens mariés avec enfants, qui n'avaient pas à s'infliger de mortifications physiques. Le roman au succès international de Dan Brown faisait grand cas des supplices que s'imposaient les membres de cet ordre secret. Les «numéraires», les permanents qui vivent en communauté, sont astreints à une discipline plus rude. Les femmes qui en font partie se voient confier des tâches ménagères. Tous les membres sont incités à donner une partie de leurs revenus à l'ordre.

Pour ces fidèles plus impliqués dans l'Opus Dei, «des coups peuvent être donnés oui, en rappel de la flagellation subie par le Christ (sur la croix) mais on ne parle pas d'autoflagellation» insistait Mme Barron.

Nous nous sommes rendu chez elle hier soir, son mari nous a dit qu'elle n'était plus porte-parole de l'organisation.

«Un parti politique est une coalition de gens d'origine et de croyances différentes. Ce qui les unit, c'est qu'ils partagent les idées du programme du parti, et c'est ça qui est proposé aux électeurs», d'expliquer Jean-Luc Benoît, porte-parole du Parti conservateur pour la campagne au Québec. Le PCC a confirmé hier son association avec Mme Barron. Julie Gaudreault, l'attachée de presse de la candidate, soulignait que sa patronne «ne pourra accorder d'entrevue cette semaine. Elle est trop occupée à lancer la campagne et rencontrer des électeurs».

Sur son site internet, Mme Barron explique sa candidature au PCC, mais ne mentionne pas son adhésion à l'Opus Dei pas plus qu'elle n'évoque ses convictions religieuses.

Elle souligne qu'après avoir travaillé au marketing à VIA Rail et à Clairol, elle avait «pris la décision de s'occuper des enfants» elle-même à la maison. En vidéo comme en texte elle souligne l'importance de problèmes comme l'échec des mariages, la surconsommation, l'hypersexualisation et l'usage des drogues par les jeunes. L'avortement est abordé indirectement : «la femme a ce grand privilège de porter la vie, donner la vie, protéger la vie, écrit-elle. Et cela ne se limite pas à l'enfant à naître».

Elle explique son adhésion au PCC, notamment parce que le parti de Stephen Harper, qui offre une allocation mensuelle aux parents, «leur permet de choisir ce qui convient le mieux pour la garde de leurs enfants». Aussi le gouvernement conservateur «punit plus sévèrement les actes criminels ou les abus de drogues qui, indirectement ou directement peuvent entraver la sécurité des gens, et de la femme en particulier».

Les membres de l'Opus Dei sont incités à briguer des postes d'influence pour accroître le rayonnement de l'ordre. «Mais la plateforme sur laquelle la candidate fait campagne, c'est celle du Parti conservateur. Sa position sur les gais ou l'avortement n'est pas importante, c'est celle du parti qui compte. Sur les homosexuels, une motion a été adoptée a la Chambre des communes, le débat est clos. Sur l'avortement, M. Harper répète qu'il n'est aucunement question de rouvrir le débat», a expliqué M. Benoît.

L'Opus Dei soutient ne pratiquer que les enseignements de l'Église, mais bien des catholiques ne pourraient y adhérer tant la liste des exigences est longue, selon une enquête de l'Actualité, parue en 1993. Un membre ne peut être une personne divorcée, ne peut vivre en concubinage, pas question non plus d'utiliser des contraceptifs. Il n'y a pas de place pour les homosexuels, les francs-maçons ou les fortes têtes à l'Opus Dei. «Dans une œuvre de Dieu, l'esprit doit être obéir ou s'en aller», écrivait Josemaria Escrivà de Balaguer, le prêtre espagnol qui a fondé l'ordre en 1928 et a béatifié en 1992.

Pour Mike Kropveld, permanent d'Info-Secte, c'est le côté secret de l'Opus Dei qui laisse les spécialistes perplexes. «C'est controversé, c'est une organisation marquée par le secret. Si on regarde dans le passé, l'Opus Dei a été critiquée parce qu'elle avait tenté de faire adopter une loi spéciale pour garder secrètes des transactions financières», rappelle-t-il. L'organisation souvent comparée à une «mafia catholique» tente de recruter ses membres chez les leaders d'entreprises, les élus et les professeurs d'université.

- Avec Catherine Handfield