Le chef du NPD, Jack Layton, a causé une certaine commotion hier en entrouvrant la porte à la formation d'un gouvernement de coalition advenant que son parti et le Parti libéral obtiennent ensemble plus de sièges à la Chambre des communes que le Parti conservateur.

Cette idée du leader néo-démocrate, évoquée pour la première fois de la campagne dans le cadre d'une entrevue accordée au réseau CTV en matinée, a été immédiatement rejetée par le chef libéral Stéphane Dion.

M. Layton a soutenu durant l'entrevue qu'il avait été en mesure de travailler avec d'autres formations politiques dans le passé en prenant toutefois bien soin de ne pas nommer le Parti libéral.

« J'ai déjà travaillé avec d'autres partis. Je crois que les gens ont bien vu cela. Peut-être que cela remonte aux années où j'étais conseiller municipal (de Toronto). On se retrousse les manches et on essaie de régler des problèmes. (...) Je pense que le problème que nous avons en ce moment, c'est Stephen Harper et les conservateurs », a affirmé M. Layton.

Invité à préciser davantage sa pensée, le chef du NPD s'est montré évasif. « Ce que je vais faire, je l'espère, c'est occuper le fauteuil du premier ministre et démontrer le leadership de mon parti en disant: «Comment puis-je le mieux servir les intérêts du pays ? Comment puis-je mettre sur pied ce programme de garderies dont nous avons besoin ?» » a-t-il affirmé.

<b>Conditionnel à un revirement</b>

Il faudrait toutefois un revirement de situation de taille pour qu'une telle coalition entre les néo-démocrates et les libéraux voie le jour. D'abord, il faudrait un renversement de la tendance dans les sondages dont certains accordent une majorité des 308 sièges aux Communes aux conservateurs de Stephen Harper. Ensuite, il faudrait que les libéraux et les néo-démocrates obtiennent plus de sièges que les conservateurs.

Mais les conservateurs auraient quand même le droit de continuer de gouverner après le 14 octobre s'ils obtiennent le plus grand nombre de sièges. Libéraux et néo-démocrates devraient donc s'unir aux Communes pour renverser le gouvernement minoritaire à la première occasion et convaincre ensuite le gouverneur général de leur confier la tâche de former un nouveau gouvernement qui aurait la confiance des Communes au lieu de déclencher des élections.

Interrogé hier sur les propos de M. Layton, le chef libéral Stéphane Dion a fermé la porte à cette idée. Pourtant, M. Dion a conclu un pacte avec la chef du Parti vert, Elizabeth May, en acceptant de ne présenter aucun candidat libéral contre elle dans la circonscription de Central Nova, en Nouvelle-Écosse, afin de l'aider à battre le ministre de la Défense, Peter MacKay, durant les présentes élections. En échange, le Parti vert ne présente aucun candidat contre M. Dion dans Saint-Laurent-Cartierville.

« Ce dont nous avons besoin, c'est d'un Parti libéral qui est en mesure de donner aux Canadiens un plan pour un Canada plus juste, plus vert et plus prospère. Nous sommes le parti du centre large. Si vous voulez plus de justice sociale en ce pays, une lutte contre la pauvreté, eh bien vous avez votre place dans le Parti libéral. Si vous voulez créer une économie forte où les entreprises font des profits et créent de l'emploi, vous avez votre place dans le Parti libéral », a affirmé M. Dion.

<b>Qui terminera deuxième ?</b>

Un stratège néo-démocrate a affirmé hier soir que les commentaires de M. Layton visaient d'abord à démontrer que le NPD est désormais le véhicule de choix pour les progressistes au pays qui s'opposent aux politiques du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

« Nous visons toujours le grand prix (de former un gouvernement néo-démocrate) durant cette campagne, mais savons aussi que la vraie bataille est de savoir qui va terminer deuxième. Nous voulons démontrer que la vraie voix des progressistes au pays, c'est le NPD. Et notre message commence à porter fruit dans toutes les régions du pays », a affirmé ce stratège sous le couvert de l'anonymat.

En Colombie-Britannique, le NPD surclasse désormais le Parti libéral dans les intentions de vote, selon le dernier coup de sonde réalisé par Harris-Decima pour La Presse Canadienne. Dans cette province qui compte 36 sièges, les conservateurs sont en tête avec 36 %, le NPD est deuxième avec 30 %, suivi du Parti vert avec 20 % et du Parti libéral avec un maigre 13 %.

Tout indique que les libéraux de Stéphane Dion, qui proposent d'imposer une taxe sur le carbone comme moyen de lutter contre les changements climatiques, écopent de la grogne des électeurs de la Colombie-Britannique qui se sont vu imposer une taxe sur le carbone par le gouvernement provincial de Gordon Campbell à partir du 1er juillet.

En Saskatchewan et au Manitoba, le NPD serait aussi le principal adversaire des conservateurs, toujours selon les sondages. Au Québec, le NPD se rapproche aussi tranquillement des libéraux dans les intentions de vote, selon un autre sondage mené par la firme Nanos.

Depuis le début de la campagne, Jack Layton a délibérément ignoré le chef libéral, affirmant que la bataille électorale pour le poste de premier ministre se joue essentiellement entre lui et Stephen Harper.

Le NPD a toutefois mis cette tactique de côté hier en confectionnant un t-shirt sur lequel apparaît la page une du quotidien The Ottawa Citizen du 27 mars. Dans cette fameuse édition du quotidien anglophone, on affirme que le Parti libéral a littéralement abdiqué son rôle d'opposition officielle au profit du NPD de Jack Layton en s'abstenant de voter ou en refusant de voter contre des politiques du gouvernement Harper durant des votes de confiance.