Quelques batailles promettent d'être épiques à Montréal. Comme dans Papineau, entre la bloquiste Vivian Barbot et le libéral Justin Trudeau. Ou encore dans Outremont, où Thomas Mulcair s'emploiera à garder cette vieille circonscription rouge dans le giron du NPD. Mais plusieurs autres retiennent aussi l'attention. Comme Jeanne-Le Ber, ou encore LaSalle-Émard, l'ancien fief de Paul Martin. Tristan Péloquin brosse un portrait des circonscriptions «chaudes» dans l'île de Montréal.

1. LAC-SAINT-LOUIS

La porte d'entrée des conservateurs?

De tout le «514», c'est dans cette circonscription de l'ouest de l'île que le Parti conservateur a le mieux réussi aux dernières élections générales. La candidate Andrea Paine, conseillère politique du ministre des Ressources humaines Monte Solberg, y a obtenu 27% des voix. Un résultat appréciable, mais tout de même loin des 48% récoltés par le libéral Francis Scarpaleggia.

Convaincue que l'écart sera cette fois-ci encore plus faible, Mme Paine commence sa campagne tôt chaque matin en distribuant des tracts à l'une des six gares de train que compte la circonscription. Son cheval de bataille: les taxes. Dans cette circonscription de banlieue où la classe moyenne est en majorité, la valeur des résidences et l'impôt foncier ont beaucoup augmenté ces dernières années. «Quand je serre des mains dans le stationnement du Wal-Mart, les gens me disent qu'ils sont serrés, qu'ils n'en peuvent plus de payer.» Mme Paine assure qu'on lui parle beaucoup de la baisse de la TPS consentie par le gouvernement Harper et de son programme universel de garde d'enfants, par lequel les parents reçoivent chaque mois 100$ par enfant. «C'est le genre d'initiative qu'ils réclament.»

Pour le libéral Francis Scarpaleggia, économiste élu pour la première fois en 2004, la solution à l'écrasement de la classe moyenne se trouve plutôt dans le Tournant vert que propose son parti. «Quand je leur explique le programme, les gens comprennent que les baisses d'impôt viendront de la taxe sur le carbone, que ce sont les pétrolières qui vont payer des surcharges», dit-il.

Rencontré dans son bureau électoral, un des premiers que les libéraux ont mis sur pied après le déclenchement de la campagne, M. Scarpaleggia affiche un calme remarquable, et ce malgré les sondages désastreux pour son parti. Sent-il cette fois-ci le souffle chaud de son adversaire conservatrice? «Non. Franchement, nous avons une organisation solide. J'ai une grosse équipe de bénévoles qui s'est empressée d'installer mes pancartes tandis que, pour mon adversaire, j'ai vu des camions commerciaux avec des grues à l'oeuvre. Ce n'étaient pas des bénévoles qui installaient les affiches», dit-il.

Signe que la lutte se jouera essentiellement entre libéraux et conservateurs, le Bloc et le NPD présentent tous deux des étudiants dans la circonscription (Maxime Clément et Daniel Quinn).

2. AHUNTSIC

Bakopanos-Mourani, troisième manche

Le Bloc et le Parti libéral se livrent depuis deux élections une partie de pingpong serrée dans cette circonscription du nord de l'île. Maria Mourani, la candidate bloquiste sortante, l'a emporté par 834 voix sur la libérale Eleni Bakopanos en 2006. Deux ans plus tôt, le scénario inverse s'était produit : la libérale avait recueilli 1200 votes de plus que son adversaire bloquiste.

La troisième manche du duel s'annonce serrée une fois de plus. Deux grosses organisations s'affrontent ici. Lors d'une visite mardi aaprès-midi au bureau bourdonnant de Mme Mourani, La Presse a compté plus d'une vingtaine de bénévoles qui multipliaient les coups de fil. Quelques heures plus tard, à l'inauguration du local de campagne de Mme Bakopanos, boulevard Saint-Laurent, plus d'une centaine de militants s'y étaient entassés pour écouter le discours de la candidate libérale.

Mme Bakopanos, fougueuse fédéraliste d'origine grecque, a promis de se battre pour s'assurer que les deux langues officielles soient soutenues au pays.

Maria Mourani, auteure d'un livre sur les gangs de rue, mène sa campagne autour des thèmes de la sécurité et de la création d'une «patrouille de rue» composée de jeunes délinquants réhabilités chargés de «désamorcer les conflits» entre gangs. Elle reconnaît que sa nouvelle notoriété, due à son passage à l'émission Tout le monde en parle, facilite sa campagne.

3. PAPINEAU

La star et la rieuse

En arrachant par tout juste 1000 voix la circonscription de Papineau à l'ex-ministre Pierre Pettigrew, la bloquiste Vivian Barbot a réussi, en 2006, à mettre fin à plus de 50 ans de règne libéral.

La députée d'origine haïtienne a maintenant fort à faire pour rééditer son exploit.

Son adversaire libéral, Justin Trudeau, mène campagne depuis plus d'un an dans la circonscription. Et le jeune candidat, immensément populaire, n'a pas à faire de gros efforts pour approcher les électeurs. Quand il sillonne les rues pour serrer des mains, les gens fondent littéralement sur lui. Vêtu comme une carte de mode, le fils de l'expremier ministre Pierre Elliott Trudeau impressionne aussi lorsqu'il fait du porte-à-porte. Un sourire de surprise éclaire instantanément le visage de ceux qui lui répondent.

Mais, assis dans les gradins du parc François-Perrault, près de l'autoroute Métropolitaine, Justin Trudeau est le premier à reconnaître que sa spectaculaire notoriété, qui découle en grande partie de l'héritage politique de son père, n'est pas nécessairement un atout. «Dans la circonscription, il y a beaucoup de gens, entre autres les membres de la communauté grecque et italienne, qui ont toujours été très attachés à mon père et à ce que représente le nom de Trudeau. Il y a aussi beaucoup de Québécois francophones avec qui, pour les mêmes raisons, j'ai un peu de difficultés. Le défi pour moi, c'est d'arriver à dépasser la notoriété que porte mon nom pour expliquer mes propres idées», dit-il.

Dans l'organisation de la candidate bloquiste Vivian Barbot, on admet qu'un «certain effet jet set» pourrait jouer. «Le vote peut partir d'un bord ou de l'autre. Mais il reste que le seul fait qu'il s'appelle Trudeau, c'est pour nous une puissante machine pour inciter nos partisans à voter», estime l'organisateur Louis-Mathieu Loiselle.

L'ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec, qu'on voit souvent aux côtés du chef Gilles Duceppe, n'est pas non plus une inconnue. Les gens la reconnaissent comme étant «la femme qu'on voit sur les poteaux». Tout en écoute et blagueuse, elle mène sa campagne avec un style bien différent de son adversaire libéral. Elle en vient rarement à vendre la ligne politique de son parti. La plupart du temps, un simple «je peux compter sur vous, là?» lancé en riant, lui suffit.

Avec ses 9 km carrés, ce qui en fait la plus petite circonscription au pays, Papineau englobe le quartier Parc-Extension et sa dense population d'immigrés. Les deux adversaires y font campagne essentiellement sur les thèmes du manque de logements sociaux, qu'il faut à leurs yeux construire en plus grand nombre, et sur l'intégration des immigrés, qu'il faut mieux organiser.

Dans la bouche des deux candidats, la question de la nation québécoise n'est presque jamais évoquée. Pour Justin Trudeau, c'est même un «dossier clos» «Les gens ne me parlent pas de ça, ici», assure-t-il.

Pour contrer M me Barbot et M. Trudeau, les conservateurs mettent de l'avant Mustaque Sarker, qui baragouine à peine le français. Le NPD compte quant à lui sur Costa Zafiropoulos, un candidat nommé cette semaine. Ingrid Hein, gestionnaire de projets web, représente le Parti vert.

4. WESTMOUNTVILLE-MARIE

Marc Garneau se prépare à atterrir

Au tout début de l'élection complémentaire déclenchée cet été dans WestmountVille-Marie, le sondeur Christian Bourque, de Léger Marketing, avait affirmé que cette circonscription était prenable pour le NPD. Mais l'ancien astronaute Marc Garneau, véritable star, semble attirer la sympathie de l'électorat comme un trou noir. Peut-être pas, cependant, au point d'éclipser totalement l'aura de l'animatrice de radio Anne Lagacé Dowson, qui défend les couleurs du NPD.

5. JEANNE-LE BER

Où sont les libéraux?

Si on se fie à ce que dit le candidat du Bloc Thierry St-Cyr, qui a dérobé la circonscription à Liza Frulla par 3000 voix en 2006, les libéraux ne sont même pas dans la course, cette fois.

Il est vrai que le choix du candidat libéral, Christian Feuillette, copropriétaire d'une petite maison d'édition qui publie notamment des livres astrologiques et des romans philosophiques, a fait couler beaucoup d'encre. Opposé à l'homme d'affaires Mark Bruneau pour l'investiture, M. Feuillette est le protégé de Raymond Lavigne, ce sénateur expulsé du caucus libéral qui a été accusé en 2007 de fraude et d'abus de confiance après avoir demandé à un de ses employés politiques de couper une quinzaine d'arbres sur sa résidence, en Outaouais.

Sollicité à maintes reprises cette semaine, M. Feuillette a refusé d'accorder une entrevue à La Presse. «Il est complètement pris. Nous préférons passer notre tour», a justifié son attachée de presse, Suzanne Harvey.

Pendant ce temps, sur le terrain, M. St-Cyr, lui, n'hésite pas à qualifier son adversaire libéral d'«homme de main» du sénateur Lavigne. «Ma cible, ce n'est pas les libéraux. Il ne reste plus rien de leur organisation», assure-t-il. Sa campagne vise plutôt son adversaire conservateur, Daniel Beaudin, un agent immobilier de Verdun qui sillonne la circonscription depuis plus d'un an. Un certain nombre de militants de l'organisation libérale de JeanneLe Ber, frustrés que Mark Bruneau ait été écarté malgré son engagement dans le parti, se sont joints à M. Beaudin. Ils préfèrent travailler pour les conservateurs plutôt que de voir Marc Feuillette remporter l'élection.

Le candidat conservateur fait essentiellement campagne pour démontrer que Thierry St-Cyr et le Bloc québécois sont «confinés aux estrades» à Ottawa. «Ils ont déposé 255 projets de loi qui n'ont rien donné», dit-il.

M. St-Cyr, quant à lui, lors d'une rencontre cette semaine avec un groupe de femmes dans les bureaux de l'organisme communautaire de Saint-Henri, misait sur le thème du libre choix en matière d'avortement, menacé selon lui par le projet de loi privé C-484. Ce projet de loi du député conservateur Ken Epp est mort au feuilleton et visait à faire reconnaître comme une infraction le fait de blesser ou de causer la mort d'un enfant encore non né.

Fait cocasse, lors de l'entrevue, un citoyen de 30 ans, Sébastien Denault, a apostrophé le candidat du Bloc pour lui demander si une alliance Bloc-NPD est possible. «Je veux voter contrer Harper, mais je me questionne sur la pertinence du Bloc, qui ne peut pas prendre le pouvoir. En même temps, le côté centralisateur du NPD me dérange un peu», aa-t-il expliqué. Ironiquement, le matin même, on a appris que M. St-Cyr avait installé dans sa circonscription plusieurs affiches portant l'inscription «Dans Jeanne-Le Ber, 1 vote pour le NPD = 1 vote pour Harper». Rien de plus, a-t-il assuré, qu'un «clin d'oeil» à l'ouverture récente du bureau de campagne du candidat néo-démocrate Daniel Breton, bien connu dans les milieux environnementalistes.

6. OUTREMONT

La percée néo-démocrate tiendra-t-elle?

Presque un an jour pour jour après avoir conquis Outremont, Thomas Mulcair, le «lieutenant» de Jack Layton au Québec, est de retour à la case départ. Mais cette fois, les militants néo-démocrates de l'Ontario et d'un peu partout au Canada qui lui avaient prêté main-forte le jour de l'élection complémentaire de 1997 ne seront pas là pour stimuler le vote.

Cela n'inquiète pas l'exministre provincial de l'Environnement. «Tous les jours, on recrute de nouveaux bénévoles en faisant notre pointage», assure-t-il. Quelques nouvelles recrues, comme Kariann Aarup, citoyenne d'Outremont, offrent aussi spontanément leurs services lorsqu'il cogne à leur porte, a constaté La Presse. «Les gens me connaissent beaucoup mieux que l'année dernière. Ils sentent que c'est possible d'élire le NPD», lance M. Mulcair. Sa campagne cible beaucoup les communautés d'origine étrangère, très nombreuses dans le secteur de Côte-des-Neiges. La reconnaissance des diplômes des travailleurs immigrés un sujet qu'il a défendu devant la commission Bouchard-Taylor lui tient particulièrement à coeur.

Son adversaire libéral, le comédien Sébastien Dhavernas, risque cependant de s'attirer un bon capital de sympathie. Rencontré jeudi en fin de journée dans son local électoral, où les lignes téléphoniques n'étaient pas encore branchées, le candidat dit avoir passé «pas mal de temps» à s'intéresser aux enjeux locaux de la circonscription. «Je me suis fait de petites fiches mémoire», dit-il en montrant une pile de cartons attachés avec un élastique. Sur la fiche du dessus, le mot «valeurs» est écrit en gros. «J'ai quitté le Parti québécois en 1996, et c'est un cheminement qui m'a mené à me joindre au Parti libéral, explique-t-il. C'est le seul parti qui, actuellement, peut créer une coalition qui va bloquer les conservateurs et les petites sphères d'égoïsme qu'ils sont en train de créer dans notre société.»

La candidate bloquiste, Marcela Valdivia, pourrait aussi surprendre. En 2006, le parti de Gilles Duceppe, représenté par Jacques Léonard, avait récolé 29% des voix.

7. LASALLE-ÉMARD

Candidate libérale de dernière minute

Voyant la retraite politique de Paul Martin arriver à grands pas, les militants libéraux ont fait des pieds et des mains en 2007 pour attirer Liza Frulla dans ce fief libéral. Plusieurs centaines de militants ont même signé une pétition. Jusqu'à la semaine dernière on a tenté de convaincre l'animatrice et ex-ministre du Patrimoine canadien, défaite dans JeanneLe Ber en 2006, de revenir à la politique. En vain.

Pressentie personnellement par l'ancien premier ministre Martin, Lise Zarac, conseillère d'arrondissement et membre de longue date du conseil d'administration de l'association libérale de LaSalle, a donc accepté le poste la semaine dernière. Mme Zarac promet de se battre pour «améliorer la qualité de vie dans la circonscription» et de s'attaquer au problème du vieillissement de la population. Cette semaine, Paul Martin l'a accompagnée dans son porte-à-porte. «Il va nous donner un coup de main; nous allons le revoir», a dit la candidate hier.

Son adversaire conservatrice, Béatrice Guay-Pepper, est la compagne de Michel Crête, ancien directeur de cabinet du premier ministre Jean Charest. La consultante en communications, qui vit son baptême en politique fédérale, mène sa campagne sur les thèmes de la sécurité et de la lutte contre la criminalité, ainsi qu'autour du «respect du noyau familial».

Le candidat du Bloc, Frédéric Isaya, concentre pour sa part ses énergies sur les organismes communautaires, qui ont selon lui été «complètement délaissés» par M. Martin, «qui n'était jamais dans la circonscription». Le Bloc québécois, représenté par une candidate enceinte, avait obtenu 28% des voix en 2006.

1 Lac-Saint-Louis

PLC Francis Scarpaleggia

PC Andrea Paine

Bloc Maxime Clément

NPD Daniel Quinn

Parti vert Peter Graham

2 Ahuntsic

Bloc Maria Mourani

PLC Eleni Bakopanos

PC Jean Précourt

NPD Alexandra Bélec

Parti vert Lynette Tremblay

3 Papineau

Bloc Vivian Barbot

PLC Justin Trudeau

PCC Mustake Sarker

NPD Costa Zafiropoulos

Parti vert Ingrid Hein

4 Westmount-Ville-Marie

PLC Marc Garneau

NPD Anne Lagacé Dowson

PC Guy Dufort

Bloc Charles Larivée

Parti vert Claude William Genest

Député sortant: Lucienne Robillard (libéral)

5 Jeanne-Le Ber

Bloc Thierry St-Cyr

PLC Christian Feuillette

PC Daniel Beaudin

NPD Daniel Breton

Parti vert Véronik Sansoucy

6 Outremont

NPD Thomas Mulcair

PLC Sébastien Dhavernas

Bloc Marcela Valdivia

PC Lulzim Laloshi

Parti vert François Pilon

7 Lasalle -Émard

PLC Lise Zarac

PC Béatrice Guay-Pepper

Bloc Frédérick Issaya

NPD Amy Darwish

Parti vert à déterminer

Député sortant: Paul Martin (libéral)

Le nom du député sortant est en gras