Les élections se succèdent tellement rapidement que, d'une campagne à l'autre, on n'a pas grand-chose de neuf à raconter sur les chefs. Néanmoins, 30 mois, c'est long, en politique. Il convient donc de faire une petite mise à jour du profil de nos chefs. D'autant plus que deux d'entre eux, Stéphane Dion et Elizabeth May, n'avaient pas le statut de leader au scrutin de 2006.Portraits impressionnistes de gens que l'on voit beaucoup sans les connaître vraiment.

La vie d'Elizabeth May n'a jamais rien eu d'un long fleuve tranquille.

Alors qu'elle est encore dans la vingtaine, elle s'engage à corps perdu dans une guérilla contre une papetière qui vaporisait des produits chimiques sur de vastes étendues de forêts. La forestière l'emporte devant les tribunaux, et les parents d'Elizabeth May, déjà peu nantis, perdent une bonne partie de leur propriété en Nouvelle-Écosse en raison des frais juridiques. Dans une entrevue à CBC en septembre dernier, Elizabeth May confiera que cette perte a été, au plan personnel, le plus dur coup qu'elle ait jamais encaissé.

 

En 1988, après avoir agi comme conseillère du ministre de l'Environnement sous le gouvernement Mulroney, elle démissionne avec fracas, furieuse du processus peu orthodoxe ayant donné le feu vert à la construction d'un barrage en Saskatchewan. En prime, elle remet à des groupes environnementaux et à des journalistes des documents gouvernementaux, une information que confirme sans ambages aujourd'hui son attachée de presse Camille Labchuk.

En 2001, alors qu'elle est directrice du Sierra Club, elle fait une grève de la faim de 17 jours devant le parlement canadien pour faire reloger des familles vivant près d'étangs bitumineux à Sidney (dont on craint qu'ils peuvent accroître les risques de cancer).

Dans un portrait intitulé «Could The Queen of Green be Mean?» publié l'an dernier, la journaliste Anne Kingston du magazine Maclean's dépeint une Elizabeth May qui est loin de faire l'unanimité. Pour les uns, écrit-elle, elle est une brute, un visage à deux faces. Pour d'autres, c'est Erin Brokovitch, version canadienne.

Devenue chef des verts en août 2006, Mme May conclut quelques mois plus tard une entente avec Stéphane Dion. «Par respect mutuel, et dans l'intérêt de notre engagement commun au service d'un Canada plus vert, le Parti libéral du Canada ne présentera pas de candidat dans ma circonscription, et le Parti vert du Canada n'en présentera pas dans la sienne.»

Depuis, les rumeurs d'alliances secrètes plus profondes entre les libéraux et les verts se multiplient. Deux candidats verts québécois ont bien demandé jeudi à leurs partisans de voter pour le Parti libéral, mais le Parti vert continue de nier qu'il y ait mariage de raison.

«Au Canada anglais, certains parlent d'Elizabeth May comme d'une Dona Quichotte, note Nelson Wiseman, professeur de sciences politiques à l'Université de Toronto. Mais si elle était vraiment logique avec elle-même et complètement dévouée à sa cause verte, elle recommanderait à tous les partisans verts de voter pour le Parti libéral. Tout ce que le Parti vert fait, pour l'instant, c'est diviser le vote et faciliter la vie à Stephen Harper, qu'elle abhorre pourtant.»

Bien que le Parti vert n'ait fait élire aucun député vert lors des dernières élections et malgré un français très approximatif, Elizabeth May s'est battue pour être des débats télévisés, et sa garde rapprochée s'est assurée pendant cette campagne que son parti ait sa part du gâteau médiatique.