Avec les débats des chefs dans quelques jours, c'est le moment ou jamais pour les partis de cibler les groupes qui pourraient être tentés de «virer capot».Quels coeurs restent à prendre? Voici un portrait-robot des partisans de chaque parti et quelques indications sur ce que disent les derniers sondages par catégories d'électeurs.

La conquête de l'Ouest, c'est chose faite pour les conservateurs. Mais l'Ouest, ce n'est rien: ce qu'il leur faut, c'est conquérir les femmes, qui sont de plus en plus présentées comme l'enjeu clé des élections.

 

Le magazine Maclean's en a fait la page couverture de sa dernière livraison. En titre: «Will women decide the election»? (Les femmes décideront-elles des prochaines élections)?

Et les sondeurs de prendre et de reprendre le pouls des femmes pour voir si elles ont vraiment viré conservatrices cette fois.

C'est aussi simple que ça. «Les libéraux l'emportent si les femmes votent pour eux», avance Peter Donolo, porte-parole de la firme de sondages Strategic Counsel.

André Blais, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal, dit que, à tout le moins, aux dernières élections fédérales, «les femmes ont empêché les conservateurs d'avoir un gouvernement majoritaire».

Le vote des femmes semble particulièrement déterminant depuis deux ou trois élections, croit pour sa part Bruce Anderson, président de la firme Harris/Décima.

«On note que les hommes sont nombreux à ne jamais changer de camp, à adopter un parti et à toujours voter pour lui, dit-il. Les femmes, elles, peuvent changer de parti si certains candidats ou certaines idées véhiculées par l'un ou par l'autre parviennent à les séduire.»

Les conservateurs l'ont bien noté, d'où «ce changement de look de Stephen Harper, cet adoucissement de son profil». Plus de sourires, plus de chandails couleur pastel.

De façon générale, en Amérique du Nord, note le professeur André Blais, les hommes sont de 5% à 10% plus nombreux que les femmes à voter pour les conservateurs. Ce scrutin fera-t-il exception à la règle? Encore difficile à dire, dit-il: les conservateurs gagnent du terrain un peu partout, mais il n'est pas impossible que, en bout de piste, les femmes leur accordent un appui moindre que les hommes.

En tout cas, la Fédération des femmes du Québec ne prend pas de risque. Inquiète de la tournure que prend cette campagne, la Fédération des femmes du Québec a fait une rare sortie publique, la semaine dernière, pour appeler les Québécoises (et les Québécois) à battre les conservateurs.

Aux yeux de cet organisme, les conservateurs ont fait faire plusieurs reculs aux femmes depuis qu'ils sont au pouvoir. La Fédération n'a pas du tout apprécié qu'ils cherchent à donner un statut juridique au foetus, qu'elle voit comme une atteinte au droit à l'avortement. Les coupes dans le budget de l'organisme Condition féminine Canada n'ont pas non plus été appréciées.

À en croire Jean-Marc Léger, une bonne stratégie pour les partis aurait peut-être été de recruter encore plus de candidates pour obtenir un maximum de votes féminins. «Pendant longtemps, les hommes étaient plus disposés à voter pour des candidates féminines que les femmes elles-mêmes, relève le sondeur Jean-Marc Léger. Maintenant - et ça s'est particulièrement vérifié avec Pauline Marois - les femmes sont de 4 ou 5% plus nombreuses que les hommes à voter pour une candidate.»

Le vote au féminin

Le nerf de la guerre, c'est la femme, «et plus particulièrement la citadine de 35 à 40 ans», dit Bruce Anderson, président de la firme de sondage Harris/Décima.

Où en sont les partis dans leurs campagnes de séduction?

Selon un sondage Environics réalisé pour la CBC une semaine avant le lancement de la campagne, les femmes favorisaient les conservateurs à 35% et les libéraux à 28%.

La firme Strategic Counsel a cependant noté la semaine dernière une érosion de l'appui des femmes aux conservateurs. Depuis le début de la campagne, selon cette firme, le pourcentage de femmes qui ont l'intention de voter pour les conservateurs serait passé de 40 à 34%.

Les libéraux n'ont cependant pas su profiter de cette érosion. Toujours selon le dernier sondage Harris/Décima commandé par The Globe and Mail, la proportion de femmes qui ont l'intention de voter pour les libéraux serait la même qu'au début de la campagne, à 27%; plusieurs d'entre elles optent davantage aujourd'hui qu'en début de campagne pour le Bloc, le NPD ou le Parti vert.

Au Québec, les libéraux auraient l'appui de 22% des hommes et de 22% des femmes. Le Parti conservateur, lui, aurait la faveur de 27% des hommes et de 23% des femmes.

En Colombie-Britannique, l'écart hommes-femmes dans l'appui au Parti conservateur est particulièrement marquant: 51% des hommes de cette province seraient prêts à voter pour ce parti, comparativement à seulement 35% des femmes.

Le choix des gais

C'est le Parti libéral qui a obtenu le plus d'appui des gais lors des élections fédérales de 2006, relève le chercheur Barry Kay dans une analyse pour l'Institut pour l'étude de l'opinion publique et des politiques de l'Université Wilfrid-Laurier, en Ontario.

Le jour même des élections de janvier 2006, la firme de sondage Ipsos Reid avait fait un coup de sonde révélateur, sur lequel s'est penché M. Kay.

Les gais, note-t-il, n'ont été que 8% à appuyer le Parti conservateur aux élections de 2006, alors qu'ils ont été 36% à voter pour les libéraux et 33% à voter pour le NPD.

«Plus de 40% des homosexuels ont mentionné que les questions morales sont leur principale préoccupation, alors que ce n'est le cas que de 10% des électeurs hétérosexuels», a ajouté M. Kay.

Les jeunes

Selon un sondage réalisé par Innovative Research Group entre le 10 et le 15 septembre auprès de 1000 Canadiens de 18 à 25 ans, le Parti libéral qui obtient légèrement plus d'appui des jeunes, à 24%. Le Parti conservateur et le NPD arrivent à égalité, à 21%. Pas moins de 11% des jeunes étaient indécis.

Au Québec, à en croire un sondage Segma publié le 19 septembre dans La Presse, 60% des jeunes de 18 à 30 ans sont indifférents à la politique.

Les riches, les pauvres

Comme l'explique André Blais, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal, la scolarisation et le revenu jouent beaucoup sur le taux de participation aux élections, mais peu sur les partis que l'on favorise selon que l'on est pauvre, riche, très scolarisé ou très peu.

Le sondage Ekos réalisé le 18 septembre confirme la chose. Même le Parti vert a autant d'appui chez les gens qui gagnent plus de 80 000$ que chez ceux qui gagnent moins de 40 000$.

Les immigrés

Aux dernières élections fédérales, 58 % des immigrés ont voté pour le Parti libéral. C'est 13 % de moins qu'en 2000, a calculé Étude électorale canadienne, un groupe de recherche de l'Université McGill.

Comme le rapportait la semaine dernière le National Post, les non-chrétiens - les juifs, les musulmans et les hindous, notamment - ont encore largement voté pour les libéraux en 2006 (selon l'Institut pour l'étude de l'opinion publique et des politiques de l'Université Wilfrid-Laurier, qui se fonde sur des sondages Ipsos-Reid de 2006).

PORTRAITS-ROBOTS

Le partisan du Parti conservateur:

Homme

De l'Ouest

Habite à la campagne

Protestant

Blanc

Hétérosexuel

De droite

Le partisan du Parti libéral:

Citadin ou citadine

Typiquement de 65 ans et plus

Ontarien ou des provinces maritimes et souvent francophone hors Québec

Catholique

Issu d'une minorité visible

Le partisan du NPD:

Femme

Syndiquée

Diplômée universitaire

Athée

Le partisan du Bloc québécois:

Québécois francophone

Peu religieux

Âgé de 25 à 44 ans

Revenu familial dans les 60 000$

A un numéro de téléphone qui commence par 450

Le partisan du Parti vert:

Étudiant ou retraité

Albertain opposé au Parti conservateur

A déjà voté pour le NPD

Sources: Institut pour l'étude de l'opinion publique et des politiques de l'UniversitéWilfrid-Laurier, en Ontario; sondage Ipsos Reid; le politologue André Blais de l'Université de Montréal; Harris/Décima; le sondeur Jean-Marc Léger; Innovative Research Group; Ekos