Stephen Harper a demandé au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, de retirer sa déclaration selon laquelle le plan des conservateurs d'imposer des peines de prison plus sévères aux adolescents les exposerait à des prédateurs sexuels.

«C'est de la jeune chair, on ne se contera pas d'histoire», a affirmé le chef bloquiste à Montréal hier matin. Des journalistes lui demandaient de réagir aux mesures de loi et d'ordre annoncées plus tôt cette semaine par les conservateurs.

 

«On le sait qu'il y a des problèmes en prison de ce genre, et y envoyer des jeunes, c'est terrible», a ajouté M. Duceppe, qui a pris soin de préciser qu'il n'accusait pas le premier ministre d'être lui-même un pédophile.

Mais dans un discours prononcé en fin de journée, Stephen Harper s'est dit outré par les paroles de son adversaire. Selon lui, M. Duceppe est allé beaucoup trop loin. «M. Duceppe me prête des intentions, a-t-il lancé d'entrée de jeu. Il dépasse les limites.»

Il a qualifié ses déclarations d'«extrêmes, irresponsables et inacceptables». «En tant que politicien expérimenté, M. Duceppe devrait faire la bonne chose et retirer ses propos», a conclu M. Harper.

Dans la foulée de ces incidents, les conservateurs ont souligné que les changements qu'ils proposent au système pénal sur les jeunes contrevenants ne parlaient pas de détention d'adolescents dans des prisons pour adultes.

Ce plan, qui vise à remplacer la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents par une loi plus sévère, vise notamment à permettre aux juges d'emprisonner à vie des jeunes contrevenants coupables de meurtres prémédités ou non prémédités. À l'heure actuelle, la peine maximale est de 10 ans.

Les conservateurs veulent aussi imposer des peines plus sévères pour les jeunes reconnus coupables d'infractions violentes, comme des agressions sexuelles. Par ailleurs, il est à noter qu'au Québec, les adolescents de 16 ans et plus seraient visés par ces changements, contrairement à l'ensemble du Canada, où le seuil est de 14 ans.

L'université du crime

Or, Gilles Duceppe s'est dit en désaccord avec l'esprit des changements proposés par les conservateurs. Selon lui, condamner des enfants de 14 ans à des peines de prison à vie est le meilleur moyen d'en faire des criminels endurcis. «La prison, c'est l'université du crime», a-t-il martelé.

Encouragé par les critiques des avocats, des juges, des policiers et des partis politiques à Québec, qui ont tous dénoncé les mesures proposées par les conservateurs, le chef du Bloc a indiqué qu'il fallait davantage privilégier les centres jeunesse et les soins psychiatriques pour les jeunes contrevenants qui commettent des crimes très graves.

Dans une allocution devant la chambre de commerce de Montréal, hier midi, le chef du Bloc en a rajouté, disant que les troupes de Stephen Harper suivaient un modèle idéologique. «L'université du crime, ça coûte plus cher que l'université du savoir. Ça ne rapporte rien d'autre que des ennuis, de la violence, des crimes supplémentaires, a-t-il dit. Tous les gens sérieux donnent tort au chef conservateur. C'est une folie, une folie réformiste.»

Pour accentuer la lutte contre les gangs de rue, le Bloc propose de rendre illégal le port de symboles, de signes ou de représentations identifiant des membres d'une organisation criminelle reconnue. «Stephen Harper nous dit qu'il va mettre les jeunes délinquants en prison APRÈS qu'ils ont commis un crime violent. Est-ce que quelqu'un peut lui expliquer que ce que nous voulons, c'est d'intervenir AVANT que la violence n'éclate?»

M. Harper a répondu qu'il est «évident que la population du Canada et même du Québec pense que la vraie sentence pour un tel crime n'est pas la garde d'enfants. C'est évidemment nécessaire, même pour de jeunes contrevenants, d'avoir des sentences qui sont appropriées pour les crimes commis.»