Un vent d'inquiétude souffle sur l'avenir de Radio-Canada. Le Parti conservateur s'est défendu, hier, de vouloir sabrer les budgets de la société d'État, mais ces propos n'ont convaincu ni ses adversaires politiques, ni les employés de la société d'État, ni les artistes québécois.

Juste avant le déclenchement de la campagne électorale, le Parti conservateur a envoyé à ses membres un sondage dans lequel il remet en question le bien-fondé du milliard de dollars investi annuellement dans CBC et Radio-Canada.

 

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, craint que les conservateurs aient le projet inavoué de resserrer les budgets de Radio-Canada et de CBC.

«Quand on regarde ce qu'ils ont fait à la culture, quand on voit les discours du passé, quand on voit les moyens qu'ils viennent de prendre pour enquêter auprès de leurs militants, je ne prendrais pas de chance, moi», a dit M. Duceppe, de passage à Québec.

Le chef libéral Stéphane Dion a aussi condamné l'attitude du gouvernement Harper face à la chaîne de télévision publique. «Je somme Stephen Harper d'être honnête avec les Canadiens et d'admettre qu'il rêve de fermer Radio-Canada.» M. Dion a promis que Radio-Canada et la CBC recevraient d'un gouvernement libéral un financement stable et à long terme par l'entremise du Fonds canadien de télévision, «quelque chose que Stephen Harper a refusé de faire».

Un déni reçu avec scepticisme

Le premier ministre a balayé ces accusations d'un revers de main, hier, comme il l'avait fait vendredi à Farnham. La ministre responsable de Patrimoine Canada, Josée Verner, a dit qu'elle n'était pas inquiète de l'avenir de la société d'État. Avouant ne pas avoir vu le sondage controversé (mis en ligne sur le site de Radio-Canada), elle a répété à plusieurs reprises, lors d'une conférence de presse à Québec: «Il n'est écrit nulle part dans notre plateforme électorale de toucher au budget de Radio-Canada.»

Il en faudra toutefois davantage pour rassurer le président du syndicat des communications de Radio-Canada, Alex Levasseur. Il affirme que les conservateurs ont déjà commencé à réduire les budgets de la SRC en refusant d'indexer ses dépenses depuis qu'ils sont au pouvoir. «C'est une façon cachée de couper.»

Le président de l'Union des artistes, Raymond Legault, accuse les conservateurs d'avoir formulé la question de manière à favoriser les réponses négatives. «On ne demande pas «Êtes-vous satisfaits ou non de CBC?» mais «Êtes-vous prêt à y investir un milliard de dollars?» Les gens qui ont des difficultés financières vont nécessairement être tentés de répondre non.»

«Compte tenu des coupes récentes en culture, nous avons toutes les raisons d'être inquiets», a-t-il ajouté.

Au coeur de la tourmente, la Société Radio-Canada est restée prudente hier. «Nous sommes en campagne électorale. On ne veut pas présumer des intentions des conservateurs», a dit Pascale Montminy, directrice des relations publiques de Radio-Canada. Il reste que le sondage des conservateurs a «surpris» la direction radio-canadienne. «La question a été posée hors contexte. Il aurait été beaucoup plus approprié que notre financement soit mis en perspective.»

Mme Montminy a rappelé que les crédits versés par Ottawa sont de 33$ par habitant, ce qui classe le Canada au 15e rang des 18 pays de l'OCDE pour les subventions accordées à un diffuseur public.

Avec Malorie Beauchemin, Gilles Toupin et Hugo De Grandpré