Ce n'est pas un appel au boycottage, mais ce n'en est pas loin: Ghislain Picard, le porte-parole des autochtones au Québec, dit qu'il ne votera pas. «Je ne décourage aucun autochtone de le faire, mais je n'encourage pas la chose non plus.»

Président de l'Assemblée des premières nations pour le Québec, Ghislain Picard sait bien que ce faisant, il entre en contradiction avec le chef national de l'Assemblée des premières nations, Phil Fontaine. Et il assume complètement. «Phil Fontaine a fait de la promotion avec Élections Canada pour inciter les autochtones à voter, mais moi, je ne peux pas aller dans ce sens-là. Je dois représenter le sentiment général des chefs au Québec, et la majorité ne voit pas l'utilité de voter.»

M. Picard dit qu'il aurait besoin de croire en la sincérité des leaders, «et ça, c'est difficile à faire», note-t-il, donnant tout au plus de bons points à Jack Layton, qui n'a cependant aucune chance de devenir premier ministre.

N'est-ce pas un cercle vicieux? Les autochtones ne votent pas, car les partis traditionnels leur accordent peu d'attention, mais se peut-il que les partis traditionnels ne fassent pas grand cas des autochtones parce qu'il n'y a pas grand vote à gagner de ce côté? «Écoutez, on nous a seulement accordé le droit de vote en 1960 au Canada, répond M. Picard. Notre premier député autochtone à la Chambre des communes a été élu en 1968. Et qu'est-ce qui est arrivé en 1969? Le livre blanc de Jean Chrétien, qui proposait l'assimilation des peuples autochtones à l'ensemble canadien.»

Considéré comme un modéré et très engagé dans la société civile, M. Picard en est tout de même là. Désabusé.

«Pour moi, la question autochtone devrait être placée au-dessus de tout enjeu partisan, dit M. Picard. De la même manière que pour les enjeux de sécurité nationale, la question autochtone devrait faire l'objet d'une résolution du Parlement.»

«Ghislain Picard dit qu'il ne votera pas? Bravo! lance Max Gros-Louis, grand chef de la nation huronne-wendat. Quand on vote pour un gouvernement, ça veut dire qu'on lui donne des droits sur nous, qu'on lui permet de légiférer en notre nom et pour moi, c'est non. On leur porte autant d'intérêt qu'ils nous en portent...»

Mike Delisle, le grand chef de Kahnawake pense de même. «Nous ne sommes ni Québécois ni Canadiens, pourquoi voterions-nous?»