Comme les feuilles orange à l'automne, la vague orange de 2011 au Québec n'aura duré que le temps d'une saison. Après s'être détournés massivement du Bloc québécois, les électeurs ont servi la même médecine au Nouveau Parti démocratique (NPD), lundi soir, en votant en bloc pour le Parti libéral. Une véritable « descente aux enfers » pour les troupes de Thomas Mulcair, qui avaient pourtant démarré en lion cette campagne électorale.

Malgré quatre années de domination politique, le NPD n'a pas relevé son plus grand défi: s'enraciner de façon permanente dans le coeur des Québécois, estime André Lamoureux, professeur de science politique à l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Selon lui, les valses-hésitations du NPD sur la question du niqab et du pipeline Énergie Est ont fait très mal au parti, alors que Justin Trudeau a charmé les Québécois avec des propositions séduisantes pour les familles.

Mais au-delà des promesses électorales, Thomas Mulcair a surtout échoué à gagner la cruciale bataille de la confiance contre le chef libéral. « On a senti que les gens lui [Justin Trudeau] faisaient plus confiance qu'à Mulcair. Il acceptait d'admettre qu'il faisait des erreurs. Je pense que les Canadiens ont aimé cette façon d'être. »

L'épineux débat sur le port du niqab lors de la prestation de serment de citoyenneté qui a enflammé la deuxième moitié de la campagne n'a pas été déterminant dans la déroute du NPD, avance toutefois Alain G. Gagnon, professeur titulaire au département de science politique à l'UQAM. « La plupart des gens font référence à la question du niqab, mais c'est la même question qui a permis aux libéraux de prendre les devants de la course. »

Au final, le NPD a été victime de sa plateforme électorale trop semblable à celle du Parti libéral, selon André Lamoureux. « Beaucoup d'électeurs se sont dit que tant qu'à prendre la copie, on va prendre l'original. Le NPD a perdu sa pole position dans ce mouvement de changement. C'est presque le pire des scénarios qui pouvaient arriver pour le NPD. »

À la fin du marathon électoral, les Québécois qui avaient voté pour Jack Layton en 2011 se sont ainsi tournés vers Justin Trudeau pour s'assurer de ne pas diviser le vote en faveur des conservateurs, analyse Alain G. Gagnon. « Il y a beaucoup, beaucoup de personnes, à la dernière minute, qui ont décidé de ne pas faire confiance au NPD, parce que c'est une confiance qui est très récente. Il n'y a pas une longue histoire d'amour, c'est une affiliation politique qui est très fragile », explique l'expert.

Le NPD a mené une bonne campagne, mais n'a pas réussi à incarner le vent de changement dans la dernière ligne droite, explique un stratège néo-démocrate. « C'est l'image miroir de 2011. Quand il y a une vague, il y a une vague », résume-t-il, soulignant l'enracinement du parti au Québec, comme le démontre la dizaine de députés élus.

Le NPD pourra-t-il surmonter cette défaite crève-coeur et demeurer une force politique incontournable au Québec? Impossible à prédire, soutiennent les experts. « La sympathie du peuple québécois envers le NPD est fortement refroidie pour un bout de temps. Cette défaite-là va avoir un effet pour quelques années. Est-ce que le NPD va être capable de rebondir? Peut-être que oui, peut-être que non. C'est un choc pour ce parti par rapport aux attentes. Ça va être une défaite qui va être assommoir pour le NPD », explique le politicologue André Lamoureux.

Les deux experts croient que Thomas Mulcair sera monté du doigt pour l'écroulement du parti. « Ça va être très difficile pour lui de demeurer chef, non seulement en raison des reculs subis au Québec, mais des reculs subis au Canada. Je pense qu'il n'a pas beaucoup d'autre choix que de laisser sa place », indique André Lamoureux.