Stephen Harper semble avoir oublié le chantier Davie en affirmant que tous les chantiers maritimes canadiens «ont du travail par-dessus la tête» - une déclaration qui a fait sursauter dans la région de Québec.

Car plusieurs intervenants jugent que Davie est loin d'avoir eu sa part de contrats fédéraux.

En campagne en Ontario lundi, M. Harper s'en est pris à la promesse libérale d'annuler l'achat des F-35, de se procurer des avions militaires à un meilleur prix et de transférer les économies ainsi réalisées vers la construction de navires militaires. Voilà une idée «incompréhensible», a rétorqué le premier ministre sortant.

«Tous nos chantiers maritimes ont du travail par-dessus la tête, parce que nous avons le plus grand programme de construction navale de l'histoire», a-t-il lancé.

Or, même si les choses vont bien pour le chantier Davie, cela ne signifie pas pour autant qu'il est débordé, signale l'entreprise.

«Nous avons environ 1000 employés et avec la dernière entente pour le nouveau pétrolier ravitailleur d'escadre que nous livrerons en 2017, nous allons recruter de plus en plus d'employés au cours des prochains mois. À titre de plus important chantier maritime au Canada, vous ne pouvez jamais avoir assez de travail», a affirmé par courriel Alex Vicefield, président d'Inocea, le holding qui détient désormais Davie. M. Vicefield ajoute qu'il est toutefois satisfait de la façon dont les choses se déroulent au chantier ainsi que de sa relation avec le gouvernement du Canada.

Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, estime de son côté que Davie est loin d'avoir obtenu sa part du gâteau.

En juillet, Ottawa lui a confié la réparation d'un brise-glace de la garde côtière, mais il s'agit d'un contrat relativement mineur, lui procurant du travail pour 10 mois. Le gouvernement a également signé une lettre d'intention pour le projet Resolve, visant à transformer un navire commercial en navire de ravitaillement pour la marine. Mais il y a encore bien du potentiel de croissance, estime le maire Lehouillier.

«Le chantier Davie est loin d'être gavé au moment où on se parle. Soyons bien clairs là-dessus», a-t-il assuré en entrevue.

«Qu'on aille jusqu'à oublier le chantier, ça va avec la vieille tendance qu'on a au fédéral d'ignorer Québec, d'ignorer le chantier naval Davie», a-t-il déploré.

Ce n'est pas du tout l'avis du ministre conservateur et actuel député de la circonscription de Lévis-Bellechasse, Steven Blaney. Il croit que Davie a désormais sa juste part du gâteau quand il s'agit des contrats d'Ottawa. «Oui, absolument», a-t-il assuré en entrevue à La Presse Canadienne.

«Davie, maintenant, avec le projet Resolve, va chercher des contrats importants qui s'inscrivent bien dans la relance des activités du chantier», a-t-il indiqué.

En 2011, le chantier Davie avait été écarté des contrats des navires fédéraux d'une valeur de 33 milliards $, accordés plutôt à des chantiers de Vancouver et Halifax. Cela avait été très mal digéré dans la région de Québec.

«Au moment où le gouvernement canadien était dans un processus important d'appel d'offres, le chantier (Davie) était dans une position de vulnérabilité, alors je ne peux pas réécrire l'histoire», a expliqué M. Blaney.

Ses adversaires politiques croient toutefois que le député conservateur aurait pu être plus agressif à la table des ministres pour défendre Davie.

«Je pense que M. Blaney aurait dû faire beaucoup plus de représentations et de pressions auprès de son propre gouvernement. Malheureusement, sur la Rive-Sud de Québec, on a trois députés conservateurs et il semble que la marchandise ne se livre pas», a soutenu le candidat néo-démocrate dans Bellechasse-Les Etchemins-Lévis, Jean-Luc Daigle.

«La mauvaise farce dans le dossier des chantiers maritimes au Canada se poursuit», a renchéri Charles Mordret, candidat bloquiste dans Québec. «Davie est loin d'être pleinement occupé. Évidemment. Dans quelle réalité vit M. Harper?»

Par courriel, le candidat libéral Youri Rousseau dans Louis-Saint-Laurent a affirmé que la déclaration de M. Harper démontrait «à quel point il est déconnecté de la réalité des Québécoises et des Québécois».