La défense nationale a provoqué des échanges acrimonieux entre les libéraux et les conservateurs au 50e jour de la campagne électorale, dimanche, tandis que le passé est revenu hanter Thomas Mulcair, encore une fois.

Le chef libéral Justin Trudeau a pris de flanc une des positions les plus vulnérables du gouvernement Harper: le controversé programme d'achat des chasseurs F-35 pour remplacer les vieux CF-18 des Forces armées canadiennes.

M. Trudeau a promis de renoncer à l'achat de ces appareils pour les remplacer par des avions moins coûteux. L'argent ainsi économisé serait réinvesti dans la marine et les chantiers maritimes à Halifax et à Vancouver.

De passage à Halifax, où les chantiers maritimes sont un rouage important de l'économie locale, M. Trudeau a dit qu'il mettra au rebut l'achat prévu des 65 avions furtifs F-35 qui, selon des experts, coûterait au Trésor public quelque 44 milliards $ au cours des quatre décennies pendant lesquelles ces appareils doivent être en service.

«Les chantiers maritimes de Halifax et de la côte Ouest ont besoin qu'on leur garantisse qu'on continuera d'investir, a-t-il déclaré. Nous construirons ces navires. Nous empêcherons les retards dans les embauches, la formation et les investissements afin de s'assurer que ces navires soient livrés dans les délais, tout en respectant les budgets. C'est sur quoi les libéraux se concentrent et nous allons y parvenir.»

Thème sécuritaire

Pour le chef conservateur Stephen Harper, les engagements de M. Trudeau prouvent que les libéraux ne prennent pas la question de la sécurité des Canadiens au sérieux.

Il a souligné que l'aviation canadienne avait besoin de ces appareils et de leurs capacités pour remplacer les CF-18 qui participent à l'intervention militaire contre le groupe armé État islamique en Syrie et en Irak.

«Permettez-moi d'être clair: nous n'abandonnerons pas notre lutte contre l'État islamique, nous n'abandonnerons pas nos alliés, nous n'abandonnerons pas la population de cette région, nous n'abandonnerons pas les capacités de notre force aérienne et nous n'abandonnerons pas notre industrie aérospatiale», a-t-il lancé.

De son côté, le chef du Nouveau parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, a promis de rouvrir le Centre secondaire de sauvetage maritime de la capitale de Terre-Neuve fermé par le gouvernement en mai 2012.

Un passé hantant

Le passé est revenu hanter M. Mulcair, dimanche, et deux fois plutôt qu'une.

M. Mulcair s'est notamment excusé pour avoir utilisé l'expression «Newfie» lors d'un échange houleux à l'Assemblée nationale, il y a près de 20 ans, et a dû revenir sur sa démission du conseil des ministres de Jean Charest en 2006.

Samedi, des anciens collègues libéraux de M. Mulcair, Monique Gagnon-Tremblay et Pierre Reid - tous deux députés de la région de l'Estrie -, ont contredit la version du chef néo-démocrate en affirmant au quotidien «La Presse» que c'est lui qui, le premier, avait proposé de vendre des terrains du parc provincial du mont Orford à des promoteurs privés.

Ces allégations ont sidéré Thomas Mulcair.

«C'est assez curieux. Le tout est tellement public depuis une dizaine d'années (...). J'ai refusé de signer le décret (autorisant la vente). J'ai quitté le conseil des ministres en me tenant debout sur cette question de principe (...). Ce décret a été signé à la première réunion du conseil des ministres après mon départ», a-t-il réitéré.

Promesse conservatrice

De leur côté, les conservateurs ont promis de dépenser jusqu'à 100 millions $ pour aider les entreprises manufacturières à lancer leurs produits sur le marché.

L'argent ne sera toutefois pas disponible à court terme. Les conservateurs prévoient lancer leur Stratégie d'allégement fiscal et d'équilibre budgétaire pour la fabrication au cours de l'exercice financier 2017-2018. Elle s'étendra ensuite sur cinq ans.

Le nouveau Fonds de démonstration des technologies de fabrication de 100 millions $ sera mis à la disposition des sociétés privées collaborant avec des petites et moyennes entreprises, des universités ou des cégeps pour commercialiser un projet ou une idée «dans le secteur manufacturier de pointe».

Selon les conservateurs, ce fonds aidera les entreprises canadiennes à maintenir le rythme de leurs concurrentes japonaises, allemandes, coréennes et britanniques sur les marchés mondiaux.

«Avec notre plan, les Canadiens vont bénéficier de nouveaux investissements majeurs dans la recherche et le développement industriels, et notre secteur manufacturier va rester concurrentiel sur le marché mondial», a fait valoir M. Harper dans un communiqué.

Le chef conservateur a fait cette promesse alors qu'il menait campagne à Windsor, en Ontario, une région qui compte un important secteur automobile.

Défendre la culture

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a de son côté déploré le manque d'engagement de ses adversaires dans le domaine de la culture, qui demeure «fragilisé» au Québec, selon lui.

M. Duceppe, qui a annoncé les mesures culturelles qui seront mises de l'avant par son parti à Sorel-Tracy, dimanche, estime que l'enjeu suscite trop peu de discussions depuis le début de la campagne électorale fédérale.

«Pourtant, c'est un moteur économique énorme. Le dollar investi en culture rapporte plus que la plupart des autres secteurs», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

Le chef bloquiste, qui semble tracer un bilan peu reluisant du gouvernement conservateur, a souligné que le secteur culturel devait de plus en plus «produire avec moins de moyens».

«C'est plus fragile parce qu'il y a moins d'argent alors que les coûts ont augmenté. La concurrence internationale est très vive (...). Prenez les films. Il y a les créateurs, les acteurs les techniciens. Mais on doit acheter de la nourriture, on doit engager des menuisiers, il y a du travail (administratif) aussi, etc. C'est énorme», a-t-il soutenu.

Le Bloc québécois souhaite notamment augmenter la contribution du gouvernement fédéral au Conseil des arts du Canada de 182 à 300 millions $. M. Duceppe rappelle qu'il avait réussi à convaincre le gouvernement minoritaire de Paul Martin, en 2005, de réserver 301 millions $ à la société d'État.

«On veut revenir à ça. En dollars constant, on a baissé d'encore plus», a-t-il fait remarquer.

Note aux lecteurs: Bien lire «les avions chasseurs F-35» dans les manchettes et les paras 2 et 4. Dans la version précédente, nous avions indiqué F15 par erreur.