Élections Canada doit faire plus d'efforts pour servir les Canadiens dans les deux langues officielles d'un bout à l'autre du pays. C'est la conclusion à laquelle arrive le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, dans un rapport publié vendredi.

Le rapport tombe à point. C'est dimanche que le premier ministre Stephen Harper doit déclencher la campagne électorale qui enverra les citoyens aux urnes le 19 octobre.

Le commissaire Fraser fait neuf recommandations à l'organisme qui administre le scrutin au pays. Le Directeur général des élections (DGE) refuse trois d'entre elles, ce que déplore le commissaire.

Parmi les trois recommandations rejetées par le DGE, celle de la mise en oeuvre d'un plan pour recruter des directeurs du scrutin et des agents de liaison en région qui soient tous bilingues.

À cela, le DGE répond qu'il n'est ni raisonnablement possible ni nécessaire d'exiger le bilinguisme des directeurs du scrutin et des agents de liaison en région.

M. Fraser, lui, est convaincu que la loi donne le droit à tous les électeurs de recevoir des services dans la langue officielle de leur choix partout au pays.

«J'ai toujours été bien conscient du défi que ça représente pour mobiliser autant de personnes pour travailler une seule journée», a expliqué Graham Fraser en entrevue avec La Presse Canadienne, vendredi.

«Je n'ai pas de mesures pour imposer mes recommandations. Il y a un désaccord entre Élections Canada et moi vis-à-vis leur obligation légale. Nous, on dit que le droit de vote est tellement important que ce service doit être disponible dans les deux langues partout au pays. Élections Canada dit plutôt qu'il s'agit d'un service qui doit être disponible quand il y a une demande suffisante», a résumé le commissaire.

En fin de journée, Michel Roussel, sous-directeur général des élections chez Élections Canada, a confirmé ce «point de désaccord».

«C'est un bon rapport qui a fait l'objet d'une bonne recherche. C'est bien fouillé. Nous sommes d'accord avec la grande majorité des recommandations qui ont été faites, a-t-il souligné. Le point de désaccord n'est pas sur l'objectif fondamental de la Loi sur les langues officielles. (...) S'il y a un désaccord, c'est sur la portée. Nous nous engageons à fournir un service égal, dans les deux langues, là où le nombre le justifie. On préfère prendre des engagements réalistes et qui peuvent être tenus.»

Les objectifs de cette vérification menée par le commissaire aux langues officielles étaient de garantir aux électeurs de pouvoir voter dans leur langue, s'assurer qu'il existe un mécanisme permettant de fournir une qualité égale des services en français et en anglais, tenir compte des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour l'embauche du personnel électoral et surveiller le rendement des services bilingues dans les bureaux de scrutin.

La vérification a été menée au cours de la dernière année et durant les élections partielles du 30 juin 2014 en Ontario et en Alberta.

«On s'est rendu compte qu'il n'y avait pas suffisamment d'informations pour les travailleurs, pas suffisamment de compréhension de la loi (sur les langues officielles) de la part des employés, pas suffisamment de reconnaissance du besoin d'évaluer la présence des communautés de langue officielle en situation minoritaire», a résumé le commissaire.

Le sous-directeur général aux élections a reconnu que certains électeurs ont pu faire face à certaines lacunes de la part d'Élections Canada.

«On est d'accord avec le fait que par le passé, notre agence n'a pas toujours montré un niveau de diligence suffisant pour assurer les services dans les deux langues partout où le nombre le justifiait et nous avons pris action, immédiatement, dès que ça a été porté à notre attention par le commissaire», a admis M. Roussel.

Élections Canada a affirmé avoir déjà apporté quelques changements, mais précise qu'il faudra attendre après le 19 octobre pour voir d'autres recommandations être mises en place.

Les directeurs de scrutin auront désormais des profils sociodémographiques pour leur circonscription, ce qui va leur permettre d'identifier les régions où ils doivent offrir un service de qualité égale dans les deux langues officielles. Ils devront communiquer avec les associations qui représentent les communautés linguistiques minoritaires pour y embaucher des fonctionnaires électoraux.

«Croyez-le ou non, on ne le faisait pas déjà, a lancé M. Roussel. Ce n'était pas une politique systématique par le passé, (...) maintenant c'est la politique d'Élections Canada.»

Le rapport du commissaire souligne qu'Élections Canada devra mettre en oeuvre le plus grand nombre possible de recommandations pour respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

«Nous sommes conscients des défis que doit relever l'institution pour respecter ses obligations linguistiques, considérant la courte durée des scrutins, les difficultés de recrutement et les nombreux postes de fonctionnaire électoral à doter partout au Canada. Nous estimons que l'institution pourrait mettre en place plusieurs mesures lui permettant d'obtenir des résultats concrets et de faire des progrès importants afin de respecter les droits linguistiques des Canadiens», peut-on lire dans le rapport du commissaire Fraser.

«Je suis optimiste quant au processus qui va être adopté. On va faire du progrès», a ajouté M. Fraser en entrevue.

Le commissaire aux langues officielles a souligné l'importance du bilinguisme dans cet exercice démocratique que sont les élections fédérales.

«C'est toujours un danger lorsque des électeurs pensent qu'ils n'auront pas la possibilité d'exercer leur droit de vote dans la langue de leur choix et ça peut être un facteur de découragement. Je ne pense pas cependant que ça peut être un facteur majeur, mais c'est un droit sacré dans une démocratie», a affirmé M. Fraser.

M. Fraser invite les citoyens à déposer une plainte s'ils n'ont pas reçu les services dans la langue officielle de leur choix lors des prochaines élections fédérales.