Le NPD fait «miroiter» des changements constitutionnels au Québec selon le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe, qui somme Jack Layton de dévoiler sa plateforme constitutionnelle.

«Jack Layton fait miroiter l'ouverture possible de négociations constitutionnelles. Il a le devoir d'être clair. Il doit nous dire comment et sur quelles bases il veut réintégrer le Québec dans la Constitution. Pas des voeux pieux, mais clairement. Les Québécois ont droit de le savoir avant le 2 mai», a dit Gilles Duceppe ce matin lors de son passage dans une ferme horticole du comté de Chamby-Borduas, sur la Rive-Sud.

Au lendemain d'un sondage Angus Reid-La Presse donnant une avance de neuf points au NPD au Québec (38% contre 29% pour le Bloc), Gilles Duceppe a martelé plusieurs attaques à l'endroit de Jack Layton, à qui il demande de la «cohérence» au plan constitutionnel.  «On doit être cohérent. «Je veux bien négocier», dit Layton. D'accord, sur quoi? Il ne veut pas le dire. Ça n'a pas de sens. Disons-le, débattons-en. Mulroney l'a fait, d'autres l'ont fait. Qu'il (Layton) propose, on verra (...) On ne peut pas négocier sans proposition», dit Gilles Duceppe.

Le chef du Bloc québécois n'a pas voulu s'avancer à savoir s'il pourrait appuyer une réforme constitutionnelle néo-démocrate. «Je considère chaque proposition à sa valeur propre, d'où qu'elle vienne, dit M. Duceppe. On ne juge pas l'étiquette, on juge si c'est bon pour le Québec. J'aimerais bien juger, mais je ne vois rien actuellement. Je ne peux pas donner mon appui à des propositions inexistantes. C'est le temps (pour le NPD) de les faire.»

Gilles Duceppe prévient toutefois les électeurs québécois tentés de faire confiance au NPD. «À chaque qu'il y a eu des propositions faites à Ottawa, ils (les néo-démocrates) se sont branchés de l'autre côté, dit Gilles Duceppe. Comment peut-on faire confiance à quelqu'un qui dit : « j'ai des choses à proposer mais je ne vous le dit pas». Au Bloc québécois, nous ne faisons pas de vagues promesses. Nos engagements sont clairs, nos positions connues. Il y a un seul parti qui se range du côté du Québec et c'est le Bloc.»

Le chef du Bloc québécois admet néanmoins être surpris par l'ampleur de la  vague orange. «On ne les voyait pas à cette hauteur, et je ne suis pas le seul, dit M. Duceppe. Cela dit, il faut voir ce que les partis proposent. On ne peut pas rester dans un flou artistique.»

Le Bloc, qui a remporté 47 sièges en 2008, espère toujours récolter une «majorité» de sièges au Québec, soit au moins 38 des 75 comptés. Gilles Duceppe se défend de revoir les attentes à la baisse. «L'objectif de la majorité des sièges, j'ai toujours dit ça à chaque campagne», dit-il.

Invité à commenter la campagne de la candidate néo-démocrate de Berthier-Maskinongé Ruth-Ellen Brosseau, présentement en vacances à Las Vegas, le chef du Bloc québécois a préféré vanter les mérites des candidats bloquistes. «Je peux vous dire qu'on n'est pas en vacances, dit-il. On travaille très fort, on est au Québec, mais pas dans les casinos. On rencontre les gens parce qu'on pense que les élections, c'est sérieux, et qu'il faut débattre.»

Signe que les appuis bloquistes s'effritent, Gilles Duceppe a commencé sa journée dans le comté de Chambly-Borduas, acquis au Bloc depuis 1993. «Il ne vient pas beaucoup dans notre comté parce qu'il dit qu'on est bon pour se débrouiller tout seul», a dit le candidat bloquiste Yves Lessard à la blague en présentant son chef.

En plus du NPD, le Bloc québécois doit se méfier dans Chambly-Borduas de l'humoriste et animateur de télévision Jean-François Mercier, qui donne vie au personnage du «gros cave». Une candidature dont Gilles Duceppe se serait bien passé. «Ce n'est pas de cette façon qu'on fait grandir l'importance de la démocratie dans la population», dit-il.

Pas tout de suite, dit Layton

Comment un gouvernement néo-démocrate aiderait le Québec à réintégrer le giron constitutionnel?

«La première chose à faire, c'est de débarrasser Ottawa du gouvernement de Stephen Harper. Il ne respecte pas les familles du Québec. C'est la première étape importante. Ensuite, il faut répondre aux besoins des Québécois avec des initiatives à la Chambre des communes pour améliorer leur sort», a répondu M. Layton ce matin en point de presse.

Ces initiatives, ce sont essentiellement deux projets de loi déjà présentés par des députés néo-démocrates: exiger que les juges de la Cour suprême soient bilingues, comme le propose Yvon Godin. Et renforcer le français au Québec dans les entreprises et institutions de compétence fédérale (transport aérien et maritime, télécommunications et banques), comme le propose Thomas Mulcair.

«Le projet de loi (de M. Mulcair) est appuyé par M. Duceppe », a soutenu le chef du NPD ce matin. En fait, le Bloc voudrait que le NPD aille plus loin et applique intégralement la loi 101  aux entreprises et institutions qui relèvent d'Ottawa.

M. Layton n'a pas voulu dire quand il lancerait une nouvelle ronde de discussions constitutionnelles, ni ce qu'il pourrait consentir au Québec.

Il a déjà déclaré que de telles discussions seraient pour l'instant « prématurées » et qu'elles ne figuraient pas parmi ses priorités.

M. Layton n'a pas spécifié s'il voudrait reconnaître le Québec comme nation dans la constitution ou soustraire la province au multiculturalisme, inscrit dans la Charte.

L'approche du NPD est «tout à fait différente» de celle du Bloc, a-t-il rappelé. «Nous partageons le concept d'un Canada et d'un Québec ensembles, forts. Nous sommes des rassembleurs, pas des diviseurs.»

Le NPD ajoute défendre le fédéralisme asymétrique, avec ses propositions sur le logement social ou les garderies qui offrent au Québec le droit de retrait avec pleine compensation.