Un organisateur conservateur de l'est de Montréal vient de déposer une plainte à la police: il affirme avoir été menacé après avoir dénoncé le «financement illicite» de la campagne électorale de son propre candidat.

Yann DesRosiers affirme avoir d'abord été congédié de son poste de directeur de l'organisation de la campagne de Gérard Labelle, candidat conservateur dans la circonscription d'Honoré-Mercier.

Questions embarrassantes

Selon sa version des faits, M. DesRosiers aurait posé des questions sur les prix très bas qu'auraient consentis des commerçants pour fournir un local, des véhicules et des dépliants à M. Labelle.

«J'ai aussi posé des questions sur la facilité avec laquelle des billets à 250$ avaient été vendus pour une soirée de financement, qui s'est tenue au restaurant Prima Luna le 18 avril», a dit M. DesRosiers.

Selon lui, ces billets avaient été vendus en quelques jours par Jimmy Gianosis, qui s'occupait exclusivement de la campagne de souscription pour l'association conservatrice locale.

«Le matin du 18 avril, on m'a dit que je n'étais plus le DOC (directeur de l'organisation de la campagne). J'ai dit au candidat que j'allais parler de la situation à des journalistes.»

M. DesRosiers affirme que M. Gianosis a proféré des menaces à son égard, d'abord le mercredi 20 avril, puis vendredi dernier. Il s'est alors rendu au poste de police, où un agent lui aurait conseillé de rédiger une plainte.

Démenti

Joint hier, M. Gianosis a démenti catégoriquement avoir menacé ou intimidé M. DesRosiers. Il a aussi affirmé que les allégations de financement illicite étaient non fondées. «Tout ce que dit M. DesRosiers est faux», a-t-il déclaré à La Presse, lorsque nous lui avons lu la plainte déposée à la police.

Dans cette plainte, M. DesRosiers affirme que M. Gianosis et un inconnu l'ont abordé près de chez sa conjointe mercredi dernier. «En me rendant à l'épicerie vers 20h, deux individus m'attendaient dans une voiture. Un des deux hommes était Jimmy Gianosis. On me donna l'ordre de me fermer la «gueule» avec les journalistes, sinon ce ne sera pas bon pour moi et mauvais pour ma santé. En me bousculant, on me disait: «Va pas jouer là, tu sais qui on est.»»

M. DesRosiers affirme qu'il est allé au local électoral de son candidat deux jours plus tard. Le candidat Gérard Labelle lui a remis un chèque pour ses services. Insatisfait de la somme, M. DesRosiers affirme qu'il a demandé des explications à l'agente officiele du parti, Marie-Christine Houle. M. Gianosis était dans son bureau et l'aurait de nouveau menacé, affirme-t-il dans sa plainte. M. Gianosis a remplacé M. DesRosiers comme directeur de l'organisation de la campagne.

«Depuis mon départ de l'organisation du Parti conservateur Honoré-Mercier, je me sens suivi et j'ai peur pour ma sécurité, écrit M. DesRosiers dans sa plainte. J'ai peur de la situation parce que je possède des informations pouvant prouver des irrégularités dans le financement de la campagne qui a été amassé par Jimmy Gianosis.»

«Si M. DesRosiers affirme que j'ai fait du financement illégal, je vais donner un mandat à un avocat pour qu'il prenne des mesures judiciaires, nous a dit M. Gianosis. Je ne vais pas laisser ça comme ça.»

L'agente officiele, Mme Houle, a refusé de répondre à nos questions. En revanche, son père, Richard Houle, bénévole dans la campagne électorale avec sa fille, a dit que l'association locale conservatrice respectait la loi à la lettre et ne faisait aucun financement illégal. «M. DesRosiers a été remplacé comme directeur de l'organisation de la campagne parce qu'il travaillait mal, a-t-il ajouté. Je crois qu'il fabule quand il dit qu'il a reçu des menaces.»

Entente de confidentialité

M. DesRosiers affirme par ailleurs avoir reçu un appel de Marc-André Leclerc, responsable des opérations politiques pour le Québec au siège social du Parti conservateur à Ottawa. Selon lui, M. Leclerc aurait tenté de le dissuader de parler à des journalistes, en vertu d'une présumée entente de confidentialité. «Je n'ai signé aucune entente», nous a dit M. DesRosiers.

Nous avons laissé deux messages à M. Leclerc, mais celui-ci ne nous a pas rappelés. Le candidat Gérard Labelle n'a pas non plus répondu à notre demande d'entretien.

Lors des élections de 2008, Gérard Labelle était candidat pour le Bloc québécois. Il avait été battu par le candidat libéral Pablo Rodriguez. Le candidat conservateur avait emporté 15% des voix.

Avec Vincent Marissal