Le NPD prévoit engranger 3,6 milliards de dollars dès la fin du prochain exercice financier grâce à un marché de carbone qui n'existe pas encore. Un échéancier qui ne serait «pas crédible», pensent les libéraux.

«Il a fallu plusieurs années à l'Union européenne pour mettre sur pied son marché. Nous aussi, nous voulons développer un marché du carbone. Mais il faut être sérieux. Ce ne pourrait pas être complété en seulement 10 mois», soutient Marc Roy, stratège libéral.

La montée historique du NPD force ses rivaux à examiner plus attentivement ses promesses et ce qui permet de les financer.

Le NPD utiliserait ces 3,6 milliards pour financer une dizaine d'initiatives vertes dès 2011-2012. Ces initiatives coûteraient 3,485 milliards.

Comme les libéraux, le Bloc milite pour un marché de crédits de carbone. Mais il reste également sceptique des promesses du NPD. «Nous aussi, on souhaite un règlement rapide. On pense même qu'on pourrait adopter la réglementation dès la rentrée parlementaire. Mais le délai que se donne le NPD me semble un peu court pour pouvoir mettre en place tous les mécanismes nécessaires», explique Bernard Bigras, porte-parole en Environnement et candidat dans Rosemont-La Petite Patrie.

En plus d'adopter la législation et de lancer la mise aux enchères, le gouvernement fédéral devra aussi négocier avec les provinces. Comme les libéraux, le NPD s'engage à retourner aux provinces l'argent perçu à ses entreprises. «On va réinvestir chaque sou dans la province», assure Peter Puxley, responsable des politiques du NPD. Le parti de gauche ne redonnerait toutefois pas l'argent directement aux provinces. Il négocierait avec elles pour choisir les projets.

M. Puxley assure par ailleurs que les entreprises et les provinces comme le Québec qui ont déjà réduit leurs émissions seraient compensées.

Les libéraux pensent que le NPD sous-estime la complexité de la réglementation à adopter. «Par exemple, si on obtient des crédits pour avoir planté une grande quantité d'arbres, pendant combien d'années doit-on s'engager à ne pas les couper? Et que fait-on pour les entreprises à l'étranger? Il faut développer un système de vérification pour elles», dit M. Roy.

«On ne part de nulle part, réplique M. Puxley. D'autres pays ont déjà défriché le terrain. Et en plus, on en discute au Canada depuis plusieurs années.»

Une analyse que partage Clare Demerse, directrice des changements climatiques à l'Institut Pembina. «L'échéancier du NPD est audacieux. C'est certainement plus rapide que ce qu'on a vu ailleurs. Mais c'est possible, car on bâtit à partir du travail déjà fait ailleurs. Et surtout, je dirais que c'est nécessaire si on veut atteindre nos objectifs de réduction d'émissions.»

D'où viendra l'argent?

Le NPD fixerait à 45 $ le prix de départ minimal de la tonne de carbone. Plus de 700 entreprises -les grands émetteurs comme le secteur pétrolier, manufacturier et le charbon- devront participer au marché.

La première année, près du quart d'entre elles participeraient aux enchères. Les autres recevraient des permis gratuitement. La proportion de participants à l'enchère augmenterait graduellement. Les derniers permis gratuits seraient donnés en 2024.

Le prix de 45$ est conséquent avec le marché, juge le NPD. «Par exemple, Shell comptabilise 40$/tonne d'émission dans ces décisions d'investissements. Les entreprises sont déjà prêtes», dit M. Puxley.

«C'est un chiffre un peu gonflé, car le marché du carbone bat de l'aile présentement», répond M. Bigras.

Les conservateurs sont les seuls à s'opposer au principe même d'un marché de crédits d'émission. Plus tôt durant la campagne, leur leader parlementaire, John Baird, a qualifié la mesure «d'anti-canadienne » et de «divisive».