Gilles Duceppe demande à Stephen Harper des explications sur son ingérence présumée dans la nomination du PDG du Port de Montréal en 2007. «Je trouve ça très inquiétant, on parle de pressions, menaces, mensonges. C'est grave et le chef conservateur doit expliquer aux Québécois ce qui s'est passé», a-t-il dit ce matin.

Hier, une enquête du Globe and Mail et de Radio-Canada a révélé que Dimitri Soudas, l'un des proches collaborateurs de Stephen Harper, a exercé des pressions sur les membres du conseil d'administration du Port de Montréal pour qu'il nomme Robert Abdallah. En 2008, Dimitri Soudas a nié, sous serment, avoir évoqué ce sujet avec les membres du CA.

«Il a témoigné au comité sous serment, et a dit qu'il n'avait jamais rencontré ces gens. Mais il a modifié son témoignage. Donc il a parlé de cette question, croit Gilles Duceppe. M. Harper a la réputation de tout contrôler, pour cela il doit répondre à toutes les questions.»

D'après l'enquête, l'une des membres du conseil d'administration Diane Provost a même perdu ses fonctions pour ne pas avoir favorisé M. Abdallah, qui était aussi le candidat de la ville de Montréal. L'affaire est remontée en cour et Mme Provost a depuis pu réintégrer son poste.

De son côté, Dimitri Soudas nie avoir exercé des pressions. Au terme de ce bras de fer, Patrice Pelletier a été nommé PDG du port de Montréal, avant d'être renvoyé, en 2009.

L'ingérence politique n'en est pas moins grave, soutient Gilles Duceppe. «Quelqu'un qui est en train de faire un vol ce serait moins grave parce qu'il ne réussit pas? Allez plaider ça devant un juge. On parle d'ingérence politique. L'attitude est impardonnable.»

Ce n'est pas la première fois que Gilles Duceppe évoque le scandale des commandites au cours de la campagne. Selon lui, le gouvernement conservateur accumule les dossiers discutables.

Ces affaires sont-elles l'arbre qui cache la forêt ? «Je pense qu'il y a des interventions et celle-là est très concrète. Il y a eu des cas nébuleux dans le passé. Alors, il y a un arbre, et on va parler de l'arbre. On doit répondre à ces questions», répond Gilles Duceppe.

En conférence de presse à Rivière-du-Loup, le chef conservateur Stephen Harper a défendu les actions de M. Soudas, considérant normal qu'un gouvernement «fasse connaître sa préférence».

«C'est le conseil d'administration dans plusieurs agences fédérales, dont celle-ci, qui nomme son président, a expliqué M. Harper. Ce n'est pas inhabituel pour un gouvernement d'exprimer sa préférence. C'est ce que nous avons fait. Le conseil d'administration a choisi une autre personne.»

«Nous respectons la décision et on travaille avec le conseil et son président», a-t-il ajouté.

Layton en faveur d'une enquête

Jack Layton est en faveur d'une enquête. «Une enquête serait justifiée. Qu'un directeur des communications s'implique directement... Si les allégations sont vraies, on a un grand problème», a-t-il réagi devant quelque 100 militants réunis dans une étable d'Essex en Ontario.

Il n'y voit qu'un «symptôme» du patronage qui aurait été érigé en système à Ottawa. «On voit les mêmes anciens jeux : le gouvernement essaie de promouvoir ses amis. Les proches du gouvernement se retrouvent dans les postes très intéressants, bien rémunérés et avec du pouvoir. C'était la même chose avec les libéraux, et ce n'est pas acceptable.»

M. Layton répète qu'il était en faveur d'une commission sur les nominations. «Nous avons une loi qui dit que de telles nominations doivent être faites sans influence du gouvernement. (...) Mais M. Harper n'a pas rempli le poste de président de cette commission. Il ne croit pas à ses propres paroles là-dessus», dénonce-t-il.

Des explications avant le 2 mai

Michael Ignatieff a réclamé des explications dès maintenant. «Nous sommes en élections, a-t-il rappelé. C'est une question électorale qui doit être réglée maintenant, pas après une enquête qui prendra des mois et des mois.»

Selon le chef libéral, l'affaire soulève plusieurs questions, dont certaines concernant le témoignage de Dimitri Soudas en comité parlementaire. «Il y a des gens autour de cette histoire, comme M. Accurso, qui ont une notoriété bien connue, a-t-il ajouté. M. Soudas a le devoir, l'obligation de dire la vérité devant les citoyens aussi tôt que possible.»

M. Ignatieff a tracé un parallèle entre cette affaire et les autres controverses qui ont éclaboussé le bureau du premier ministre au cours des derniers mois. «Il y a quatre membres de son équipe qui sont accusés de fraude électorale, a-t-il noté. Il y a M. Carson, qui est un escroc...»

«C'est la responsabilité de M. Harper de nous donner des explications pour la conduite de son équipe», a-t-il insisté.