Habitué à cibler le parti conservateur dans ses discours, Gilles Duceppe passe en mode défensif et n'épargne ni le NPD, ni son chef, Jack Layton. Si le NPD rêve de percer au Québec, Gilles Duceppe a répété, lors d'une entrevue éditoriale à La Presse son mantra: face aux conservateurs, le NPD ne peut rien.

«C'est évident que le NPD ne gagnera pas». Gilles Duceppe l'a dit lors du débat des chefs, mais le répète depuis le début de la quatrième semaine de campagne, entamée notamment avec la publication d'un sondage dans La Presse. Si le Bloc reste le parti que les Québécois préfèrent, le NPD et Jack Layton marquent des points auprès des électeurs.

Une menace suffisamment tangible pour que le chef du Bloc sorte de son habituelle réserve face aux sondages et passe à l'attaque. «Si ce n'était du NPD, on serait en mesure de battre les conservateurs dans Portneuf et Limoilou, observe Gilles Duceppe. Ailleurs, ils ne gagneront pas. Tout ça se joue serré.»

Selon des prévisions publiées hier dans La Presse, la montée du NPD se fait au détriment des Libéraux dans la région, mais les choses peuvent encore évoluer, notamment sous l'influence des radios populistes de Québec. «Les radios de Québec disent si vous n'êtes pas pour les conservateurs, vous êtes pour le NPD», constate Duceppe.

S'il se plie avec courtoisie au jeu des questions réponses, Gilles Duceppe laisse paraître une certaine fatigue, voire crispation. À peine s'est-il laissé aller à une boutade hier matin au micro de Paul Arcand en comparant le NPD au Parti de la loi naturelle. Gilles Duceppe tourne volontiers le NPD en dérision, tout comme son chef, qualifié de jovial.

Pourquoi une partie des électeurs préfère-t-elle le NPD au Bloc? Pourquoi le message du Bloc ne les séduit-il plus? Gilles Duceppe esquive les réponses à ces questions. Il se contente de rappeler qu'au-delà «de la sympathie et de la bonne bouille de Jack», le NPD partage plusieurs traits communs avec le PLC ou le PCC.

«Quand j'ai vu leur cadre financier, j'ai constaté qu'ils prennent le même que les libéraux et les conservateurs», dit-il, en allusion à l'utilisation proposée par les trois partis fédéralistes des surplus de la caisse de l'assurance emploi pour financer le déficit.

Les trois partis fédéralistes ont soutenu le financement des lignes électriques à Terre-Neuve contre lesquelles Québec s'est unanimement opposée. Une opposition relayée à Ottawa par le Bloc. Le Bloc s'est aussi positionné en faveur de l'utilisation du bois dans les édifices fédéraux. «Le Bloc, c‚est le seul parti qui fondamentalement défend nos intérêts», souligne Duceppe.

Contrairement à la précédente élection, peu après les importantes compressions dans la culture, le Bloc ne semble pas avoir trouvé de thème fort sur lequel capitaliser cette année. Le chef répète ainsi des idées déjà véhiculées au cours des précédentes campagnes, notamment l'utilisation du français dans les édifices fédéraux. «Tout n'arrive pas du jour au lendemain, et on n'aura pas tout. Moi, mon option, c'est de devenir un pays», réplique-t-il.

Le passage de Gilles Duceppe au Congrès du PQ cette fin de semaine a d'ailleurs ramené la souveraineté non seulement dans la campagne du Bloc, mais aussi dans le discours de Stephen Harper. Le premier ministre sortant prétend que seul un gouvernement conservateur majoritaire peut empêcher la tenue d'un referendum. «Il va faire quoi, il va empêcher un referendum? Il va faire une loi spéciale? On lui demande comment il va faire, et on n'a pas un mot», s'emporte Duceppe. Un gouvernement majoritaire n'a pas empêché la tenue de deux referendums, rappelle-t-il.

Pour bloquer les conservateurs, les électeurs ne peuvent pas compter sur les libéraux, soutient Gilles Duceppe. «Je suis désolé, mais les libéraux au Québec c'est «je suis pas capable». Ils sont incapables de battre les conservateurs au Québec. C'est peut-être bête, c'est peut-être désolant. Mais c'est la réalité. Ils sont discrédités, et ils ont des gens qui font à peine campagne. Moi je suis réaliste, et les seuls capables de les battre, c'est nous autres.»

Le message du Bloc peut-il encore séduire les électeurs? Le chef veut le croire. «On verra dans chaque comté, mais moi je ne tiens pas les choses pour acquises. Je parle franchement et je ne fais pas croire aux gens des choses qui sont impossibles.»