La candidate du NPD Françoise Boivin nie fermement avoir été expulsée du Parti libéral en 2008 parce qu'elle aurait engagé sa conjointe à son bureau, ce qui contrevient aux règles éthiques du Parlement.

«Je n'ai qu'un message à envoyer: que ces sources anonymes sortent de l'ombre et aient le courage de défendre ces allégations. (...) Plus cheap que ça, tu meurs!», a-t-elle lancé, visiblement courroucée, lors d'un point de presse ce matin.

Ces allégations ont été publiées aujourd'hui dans le quotidien Le Devoir. Mme Boivin prévoit envoyer une mise en demeure à la journaliste. «Je connais les règles parlementaires, je les ai respectées», a-t-elle soutenu devant les journalistes.

Le NPD avait prévu une rencontre éditoriale avec Le Devoir la semaine prochaine. Cette rencontre a été annulée ce matin. Le NPD prétend malgré tout qu'il s'agit seulement d'une coïncidence. Un stratège s'est contenté de dire que le parti devra alors prêter main-forte à sa candidate dans Scarborough-Rouge River.

Colocataire et employée Mme Boivin

Mme Boivin engageait Ursula Strolenberg à son bureau, mais elle indique qu'il s'agissait seulement de sa colocataire, et non de sa conjointe. Elle avait déjà répondu à la même allégation en 2004, 2005 et 2007. Et elle maintient encore sa version. «Dans mon livre à moi, c'est un règlement de compte. (...) Ça arrive à deux semaines d'un vote», a-t-elle dénoncé.

Elle souligne qu'aucune plainte n'a jamais été déposée au Parlement. «Si quelqu'un soupçonnait quelque chose, tout ce qu'il avait à faire, c'était de déposer une plainte», a-t-elle ajouté.

Mme Boivin a toujours dit avoir quitté le Parti libéral à cause de différends idéologiques. Les libéraux auraient renié leurs valeurs, justifiait-elle. Or, selon l'article, elle en aurait plutôt été expulsée pour avoir violé un règlement éthique en engageant Mme Strolenberg à son bureau de député entre 2004 et 2006.

Selon l'article, en 2007, Stéphane Dion aurait été informé de l'irrégularité. Il aurait alors demandé qu'on vérifie la situation. Après avoir obtenu une confirmation, on aurait donc empêché Mme Boivin de se présenter à nouveau pour les libéraux dans Gatineau en 2008. C'est alors qu'elle serait passée dans le camp du NPD.

Mme Strolenberg reste encore proche de Françoise Boivin. En 2008, elle était sa directrice de campagne. Cette année, elle est son agente officielle. Elle a aussi déjà travaillé à son cabinet d'avocat. Le Devoir rapporte d'ailleurs que lorsque Mme Strolenberg a fait des dons à un parti politique, elle a utilisé l'adresse de ce cabinet. Les colocataires ont aussi siégé ensemble sur des conseils d'administration.

Course serrée

La nouvelle survient alors que les dernières projections de siège placent Mme Boivin en tête dans Gatineau, et que le NPD est désormais deuxième dans les intentions de vote au Québec.

En 2008, le bloquiste Richard Nadeau avait gagné avec seulement 29% des votes, tout juste devant Mme Boivin (26%) et le candidat libéral (25%). Une véritable course à trois se dessine cette année encore dans Gatineau.

Mme Boivin raconte que ses adversaires essaient de «porter atteinte à (sa) réputation» depuis le début de la campagne. Mais elle ne cible que les libéraux et le Bloc. «Je tiens à remercier mes adversaires conservateurs et verts de mener une campagne propre et respectueuse», a-t-elle tenu à souligner.

Layton dégoûté, Ignatieff surpris

Jack Layton est venu à la défense de sa candidate. «C'est une attaque tout à fait inacceptable», s'est-il indigné ce matin lors d'un court point de presse après une interview à CTV.

Il n'a pas clairement indiqué si Mme Boivin avait engagé sa conjointe et contrevenu ainsi au règlement. «Il n'y a aucun problème ici, a-t-il simplement indiqué. (L'accusation) est un exemple de comment ça ne fonctionne pas à Ottawa.»

La polémique favorisera-t-elle le candidat du Bloc Richard Nadeau? Le chef bloquiste Gilles Duceppe rappelle que les jeux ne sont pas faits, mais que Mme Boivin devra s'expliquer. «Encore une fois je ne tiens rien pour acquis, mais il y a des règles et Mme Boivin devra s'expliquer. Est-ce qu'elle les a suivies? Je n'ai pas fait enquête», a-t-il commenté lors d'une rencontre éditoriale avec La Presse.

Michael Ignatieff a quant à lui réagi prudemment à la nouvelle. «Ça m'a surpris, franchement. Parce que j'ai toujours gardé, à mon avis, de bonnes relations personnelles avec Mme Boivin. Parce qu'elle était autrefois dans notre famille», a-t-il affirmé.

«Ce que je peux dire, c'est que nous avons un candidat, Steven McKinnon, qui est fort. Je ne voudrais pas faire d'attaques personnelles sur qui que ce soit. Il y avait des questions avec Mme Boivin qui ont été réglées avant mon arrivée comme chef du parti. Mais je veux dire haut et fort à quel point j'ai du respect personnel pour Mme Boivin. Le seul problème est qu'elle est partie de notre famille et c'est matière à regret pour moi»

-Avec Anabelle Nicoud et Hugo De Grandpré