Stephen Harper a été la cible de la plupart des attaques durant le débat des chefs en anglais mardi soir, notamment sur l'économie et sur le respect de la démocratie. Mais cela n'a pas empêché le chef conservateur de plaider pour que les Canadiens lui donnent un mandat majoritaire, le 2 mai.

En tête dans les sondages, M. Harper a été obligé de défendre plusieurs décisions controversées de son gouvernement, dont la baisse d'impôts consentie aux grandes entreprises, l'achat de nouveaux avions de chasse pour les Forces canadiennes et les dépenses entourant les sommets du G8 et du G20, l'an dernier.

Mais chaque fois, le chef conservateur a tenté de rediriger le débat vers la bonne tenue de l'économie et la nécessité d'obtenir une stabilité politique à Ottawa pour soutenir la reprise.

Le débat de deux heures comportait six thèmes, chacun alimenté par une question d'un électeur. Pour chacun de ces thèmes, 2 chefs s'affrontaient en face à face pendant 6 minutes, avant d'avoir un débat à 4 pendant 12 minutes.

L'affrontement le plus attendu a opposé Stephen Harper et Michael Ignatieff. Il a donné lieu à des échanges musclés, en particulier sur la façon dont M. Harper gouverne le pays.

«Nous avons des élections parce que M. Harper n'a pas dit la vérité au Parlement sur toutes ses promesses économiques, a lancé M. Ignatieff. Trente milliards pour des avions, treize milliards pour des prisons, six milliards pour des baisses d'impôts aux grandes entreprises...»

«M. Harper, vous ne méritez pas une majorité. Une majorité, cela se mérite. Vous devez mériter la confiance des Canadiens. Vous ne méritez pas la confiance des Canadiens», a-t-il martelé.

Gardant son calme et fixant la caméra, M. Harper a répliqué: «J'espère que les Canadiens vont élire un gouvernement majoritaire. Ce cycle d'élections après élections et de gouvernement minoritaire après gouvernement minoritaire est en train de mettre en péril les intérêts du pays.

«Si nous avons un autre gouvernement minoritaire, nous allons avoir les cinquièmes élections rapidement, et les sixièmes. À un moment, je pense que les Canadiens doivent prendre une décision et nous donner un mandat clair pour que nous puissions nous concentrer sur les affaires de la nation, soit l'économie.»

La soirée a commencé sur les chapeaux de roues, dans un duel entre Stephen Harper et Gilles Duceppe. Le chef du Bloc québécois a profité d'une question sur le bien-fondé des baisses d'impôts aux entreprises pour attaquer M. Harper sur les dépenses du sommet du G8. Il a pressé le chef conservateur de dévoiler le rapport final de la vérificatrice générale Sheila Fraser sur ces dépenses. Une ébauche de ce rapport a fait l'objet d'une fuite lundi et laisse entendre que Mme Fraser critique la gestion des fonds publics par le gouvernement Harper.

«Il semble que quelque 50 millions de dollars ont été dilapidés durant ces sommets. Vous avez le rapport entre les mains. Tous les chefs sont d'accord pour que vous le rendiez public. Allez-vous rendre ce rapport public?» a demandé M. Duceppe.

Manifestement surpris par cette attaque dès l'ouverture du débat, M. Harper a dit ne pas avoir vu le rapport en question et que seule la vérificatrice générale pouvait le divulguer.

«Ce que je peux dire aux Canadiens est très clair. Tous les projets dans ce fonds ont été proposés par les municipalités et approuvés par notre gouvernement. L'argent a été bien dépensé et tous les projets ont été rendus publics et vont servir les municipalités pendant des années», a-t-il souligné.

Le chef libéral a aussi mis grain son de sel dans cette controverse. «Votre gouvernement est le plus dépensier de l'histoire et plusieurs dépenses ont été du grand gaspillage. Le rapport de la vérificatrice générale porte là-dessus. (...) Les Canadiens ne vous font pas confiance pour gérer l'économie parce que vous gaspillez de l'argent des contribuables», a dit Michael Ignatieff.

Le chef du NPD, Jack Layton, a pour sa part soutenu que le chef conservateur a changé depuis qu'il a pris le pouvoir. «Je me souviens d'un Stephen Harper, il y a quelques années, qui voulait changer les choses à Ottawa. Il devait défendre les intérêts des gens ordinaires. Mais vous êtes devenu ce que vous dénonciez dans le passé. Vous avez changé», a-t-il tranché.

Outre l'économie et les gouvernements minoritaires, les autres thèmes portaient sur l'immigration, la politique étrangère du Canada, la santé et la loi et l'ordre.

Durant la soirée, Michael Ignatieff a exclu catégoriquement l'idée que son parti formerait une coalition avec les autres partis s'il perdait les élections.

M. Harper a aussi accusé ses adversaires de vouloir augmenter les impôts et les taxes, ce qui serait néfaste selon lui pour l'économie.

Ses trois adversaires ont pour leur part fait valoir les risques posés par une majorité conservatrice, dont une politique étrangère calquée sur celle de George W. Bush, un nouveau débat sur la peine de mort et un manque de respect envers les institutions démocratiques.

La soirée a enfin donné lieu à quelques affrontements entre Jack Layton et Michael Ignatieff, entre autres sur la prolongation de la mission des soldats canadiens en Afghanistan et sur la lutte contre les changements climatiques.

- Avec Malorie Beauchemin et Paul Journet