Stéphane Dion n'a pas encore fait connaître ses intentions, mais dans l'esprit d'une grande majorité des libéraux, le chef du Parti libéral doit tirer sa révérence. Et parmi les aspirants à sa succession, on pourrait compter l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, a appris La Presse.  

Le Toronto Star affirme même, ce matin, que Stéphane Dion démissionnerait avant la fin de la journée. Le bureau du chef du parti libéral a toutefois émis un communiqué en début de journée pour dire que Stéphane Dion ne ferait aucune déclaration ni apparition publique aujourd'hui.

Le Parti libéral n'a remporté que 76 sièges au scrutin de mardi et obtenu que 26,2% des voix exprimées, ce qui représente le plus faible appui populaire de toute l'histoire de cette formation politique. En 1984, le Parti libéral dirigé par John Turner a récolté 28% des voix, mais remporté 40 sièges.

Après avoir encaissé la défaite, mardi soir, M. Dion a préféré ne pas rencontrer les médias hier, signe qu'il a entrepris une réflexion au sujet de son avenir.

«Le fait qu'il ne réagisse pas est un indice important (qu'il va tirer sa révérence)», a affirmé une source libérale hier. S'il décide de s'accrocher, M. Dion devra soumettre son leadership à un vote de confiance au congrès libéral prévu en mai prochain à Vancouver. Les chances qu'il puisse remporter un tel vote sont plutôt minces étant donné que M. Dion jouissait au départ de peu d'appuis au sein de son caucus.

Dans les coulisses, les aspirants à sa succession s'activent. Si les principaux adversaires de M. Dion dans la dernière course à la direction multiplient déjà les appels (notamment Bob Rae et Michael Ignatieff), d'autres libéraux influents estiment qu'aucun de ces deux prétendants au trône n'est l'homme de la situation.

McKenna pressenti

Plusieurs militants influents exercent d'ailleurs des pressions énormes sur l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, pour qu'il soit sur les rangs dès que Stéphane Dion aura confirmé son départ, a appris La Presse hier de plusieurs sources.

Selon nos informations, un noyau de partisans regroupant des gens d'affaires très influents, des organisateurs libéraux et des membres du caucus libéral a déjà vu le jour dans l'espoir de convaincre M. McKenna de reprendre du service à Ottawa. Ayant dirigé le Nouveau-Brunswick pendant 10 ans, M. McKenna jouit d'une bonne réputation parmi les gens d'affaires. Il a aussi été ambassadeur du Canada aux États-Unis durant le règne du gouvernement libéral de Paul Martin.

«Par respect pour le chef, M. McKenna ne fera rien, il n'organisera pas et il ne fera aucun téléphone avant que Stéphane Dion n'annonce ses intentions. Mais s'il annonce son départ, il y a de bonnes chances que Frank annonce sa candidature», a dit un libéral influent au fait des intentions de l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Division interne

Selon cette personne bien placée au PLC, les risques de division interne seraient beaucoup trop grands si le parti se lançait dans une course à la direction avec Bob Rae et Michael Ignatieff comme principaux candidats. «Il y a une crainte que Rae et Ignatieff replongent le parti dans une bataille semblable à celle qui a existé entre Martin et Chrétien», a-t-il confié.

Cette source fait valoir que seul Frank McKenna a les compétences pour diriger le parti en temps de crise économique. «Les gens craignent que l'expérience de Bob Rae soit reprise par Harper, a-t-elle dit. Quant à Michael Ignatieff, c'est un professeur de la Ivy League qui vient d'un milieu privilégié et qui n'a jamais même eu à faire équilibrer un carnet de chèques!»

Une autre source libérale a aussi affirmé que M. Rae et M. Ignatieff sont à couteaux tirés et que le parti ne peut se permettre une course au leadership qui laisse de vives plaies. «Rae a aussi un bilan qu'il sera impossible de faire oublier aux Ontariens. Et il est trop centralisateur. Ce serait un mauvais choix.»

Frank McKenna a été premier ministre du Nouveau-Brunswick de 1987 à 1997. Il est passé à l'histoire en remportant tous les sièges à ses premières élections en temps que leader libéral. Avocat et homme d'affaires, il a depuis été ambassadeur du Canada aux États-Unis et est président adjoint du Groupe financier de la Banque TD.

M. McKenna partirait cependant avec une longueur de retard sur Michael Ignatieff et Bob Rae, dont les équipes n'ont jamais arrêté de grenouiller depuis deux ans et qui ont recommencé à s'activer de manière encore plus intensive durant la fin de semaine dernière. «Le corps n'était pas encore froid», s'est même désolé une source.

L'opposition de l'ancien premier ministre à l'accord du lac Meech est aussi vue comme un handicap potentiel au Québec, où le parti doit rebâtir son organisation.

Les autres candidats potentiels à la succession de M. Dion sont l'ancien ministre des Affaires étrangères, John Manley, Gerard Kennedy, qui était candidat en 2005 et qui s'est rangé derrière M. Dion pour lui permettre finalement de l'emporter, et l'ancien ministre de la Justice Martin Cauchon.