Stephen Harper et Stéphane Dion ont croisé le fer dès les premières minutes du débat anglais jeudi soir alors que le chef conservateur a accusé son homologue libéral d'avoir «paniqué» la veille en annonçant de nouvelles mesures économiques en plein débat des chefs.

«Hier soir, Stéphane, vous avez paniqué, a attaqué M. Harper. Je sais pourquoi vous avez fait cela. Regardez votre plateforme. Vous voulez taxer le carbone et faire montrer les prix à la consommation. Nous, nous pensons qu'il faut plutôt garder les impôts le plus bas possible.»

La débandade de jeudi sur les marchés financiers a ainsi sans doute modifié la conception qu'ont les gens du rôle du gouvernement. M. Dion y a vu là une occasion et annoncé mercredi soir les gestes qu'il ferait immédiatement pour protéger l'économie s'il prenait le pouvoir.

Ainsi, comme la veille, le débat sur l'économie a dominé les échanges jeudi soir.

«Vous ne savez pas quoi faire, a contre-attaqué Stéphane Dion en s'adressant au chef conservateur. Vous déformez notre programme. Vous ne faites rien alors qu'il faut agir. Ne rien faire n'est pas un choix!»

M. Dion a encore accusé le chef conservateur d'avoir mené le pays à la pire performance économique des pays du G8. Il a comparé sa conception du rôle de l'État dans l'économie à celle du président américain George W. Bush une conception du «laisser-faire», a-t-il dit.

Tout comme la veille, lors du débat en français, les quatre chefs de l'opposition ont uni leurs tirs contre M. Harper.

«Un premier ministre doit rassurer le public canadien, a dit la chef du Parti vert, Elizabeth May, il doit démontrer qu'il y a une différence entre le Canada et les États-Unis. Moi, je gèlerai immédiatement, par exemple, la mainmise étrangère sur nos grandes entreprises#». Mme May a insisté sur la nécessité de favoriser de nouveaux investissements au Canada.

Jack Layton, le chef du NPD, a également insisté sur la nécessité d'agir en période de crise. «Les baisses d'impôt de Harper pour les entreprises et les taxes de Dion ne sont pas une bonne voie à suivre.»

Quant au chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, il a affirmé que Stephen Harper ne prenait pas la situation économique actuelle au sérieux, «comme Bush il y a plusieurs mois».

«Ils partagent la même idéologie, a-t-il ajouté, le laisser-faire économique. Il croit à la main invisible et cette main c'est celle des pétrolières.»

M. Harper a défendu son bilan, affirmant qu'il avait fait des choix, baissé les impôts, baissé la dette nationale, créé des emplois et pris des mesures pour protéger les hypothèques des gens.

Jack Layton a de son côté profité du débat hier soir pour envoyer quelques piques au chef libéral. «Pourquoi avez-vous gardé M. Harper au pouvoir aussi longtemps si vous n'êtes pas d'accord avec lui?»

M. Dion a rabroué M. Layton à son tour en lui reprochant de vouloir augmenter les impôts des entreprises. M. Dion estime que de baisser les impôts des entreprises est un stimulant pour l'économie. «Et ce n'est pas une politique de droite M. Layton», a-t-il lancé à son adversaire néo-démocrate.

«Il faut ramener les emplois de la forêt, du secteur manufacturier», a pour sa part insisté Elizabeth May. Dion a à son tour saisi l'occasion pour dire aux téléspectateurs en regardant la caméra que leurs emplois étaient importants pour lui. «Nous avons un plan pour le secteur manufacturier», a-t-il insisté.

M. Harper s'est défendu en rappelant que son gouvernement investissait dans l'automobile, la foresterie, le secteur manufacturier, etc. «Nous faisons exactement ce que vous dites que nous ne faisons pas», a-t-il lancé à ses quatre rivaux. Il a ajouté qu'il était préoccupé lui aussi par les pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, mais qu'il fallait se rendre à l'évidence que le Canada ne vivait pas la crise qui frappe les États-Unis en ce moment.

M. Layton a par la suite apostrophé M. Harper: «Vous dites que vous avez un plan. Où est-il? Sous votre gilet?»

La question de la lutte contre les changements climatiques a par la suite donné lieu à de nouveaux échanges musclés entre M. Harper et M. Dion. Le chef conservateur a affirmé que tout gouvernement responsable se doit de tenir compte de la santé de l#économie canadienne en élaborant son plan pour protéger l'environnement.

M. Harper a aussi a soutenu que la promesse des libéraux d'imposer une taxe sur le carbone, conjuguée à une baisse des impôts, se traduira par une hausse nette du fardeau fiscal des Canadiens.

«C'est un mensonge», a répliqué immédiatement Stéphane Dion, qui a donné quelques exemples de la baisse des impôts pour certaines familles. «Ne croyez pas cet homme. Nous n'avons plus besoin de leaders comme lui», a-t-il vociféré.

Au moment de mettre sous presse, les leaders n#avaient pas encore abordé les questions de la culture, de la justice et de la place du Canada dans le monde.

Le débat d'hier devrait donner le ton au dernier sprint de la campagne électorale. À 11 jours du scrutin, le Parti conservateur détient toujours une avance d'une dizaine de points sur le Parti libéral.

M. Dion devait offrir une performance marquante hier soir afin de stopper l'érosion du vote libéral au profit du NPD et du Parti vert dans le reste du Canada, notamment en Ontario et en Colombie-Britannique.

Les chefs des cinq partis reprennent à toute vapeur ce matin le sentier électoral.