(Québec) Le gouvernement Legault veut éviter de se retrouver encore avec des classes sans prof à la rentrée. Il offre un chèque de 12 000 $ aux 7000 enseignants admissibles à la retraite pour qu’ils acceptent de rester en poste à temps complet lors de la prochaine année scolaire.

En entrevue avec La Presse, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, révèle également que les primes versées aux infirmières et à d’autres travailleurs de la santé, qui devaient cesser le mois prochain, sont prolongées jusqu’à la fin de septembre. Elle veut « intensifier » pendant l’été les négociations pour le renouvellement des conventions collectives, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

« On est dans la période où les enseignants commencent à annoncer s’ils reviennent en septembre » ou prennent leur retraite. « Je veux les retenir », a affirmé Sonia LeBel.

Pour y arriver, elle sort le chéquier. Elle est prête à verser une somme forfaitaire de 12 000 $ aux 7000 enseignants admissibles à la retraite, sans pénalité, qui acceptent de repousser leur départ et de travailler à temps complet pendant l’année scolaire 2023-2024.

Cette mesure s’applique dès maintenant, donc en marge des négociations des nouveaux contrats de travail.

Sonia LeBel a laissé entendre qu’elle pourrait être renouvelée pour les prochaines années et qu’elle ferait partie des pourparlers avec les syndicats. « J’annonce aux syndicats que je l’applique dès maintenant parce que j’ai une urgence pour la rentrée scolaire », a-t-elle précisé, démontrant qu’un voyant rouge s’est allumé sur le tableau de bord de son collègue de l’Éducation, Bernard Drainville.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel

Dans le secteur de l’éducation, Sonia LeBel demande aux syndicats « plus de souplesse dans l’organisation du travail ». « Ça n’a pas de sens » que les enseignants en début de carrière soient majoritairement responsables des classes « les plus difficiles ». « Ce que ça a comme effet, c’est qu’on les perd dans les cinq premières années » de pratique, a-t-elle déploré. « Je ne veux pas jeter aux poubelles la question de l’ancienneté, mais je veux qu’on soit capable de discuter d’un meilleur équilibre entre les plus expérimentés et les nouveaux. »

L’attribution des classes aux enseignants se fait également trop tard, selon elle. « On arrive à la fin août, et les classes ne sont pas toutes attribuées », a-t-elle souligné. « Il faut parler de cette mécanique à la table de négociation » et obtenir, là encore, « plus de souplesse ».

Négociations cet été

À la fin de mars, Sonia LeBel avait annoncé que les primes versées aux infirmières et à d’autres travailleurs de la santé ne prendraient pas fin à ce moment, donc à l’échéance des conventions collectives. Elle les a prolongées jusqu’en juin, promettant de réévaluer la situation « selon l’avancement des négociations en cours ».

Comme elles n’ont pas tellement progressé et que l’été est un « moment critique » dans les hôpitaux, Sonia LeBel a décidé de maintenir les primes jusqu’à la fin de septembre. Ces primes salariales peuvent varier de 2 % à 4 %, en fonction des quarts de travail et des corps d’emploi, par exemple.

PHOTO JEAN ROY, LA TRIBUNE

Manifestation du front commun syndical samedi à Sherbrooke, où se tenait le congrès de la Coalition avenir Québec

Au début du mois, le front commun syndical a signalé en entrevue avec La Presse que le gouvernement devait bonifier son offre salariale sinon – et le mot a été prononcé pour la première fois – une grève serait envisagée à l’automne.

Les syndicats entament en effet une tournée de consultation de leurs membres pour obtenir un mandat afin d’« intensifier les moyens de pression » et d’avoir leur avis « sur une préparation à une grève éventuelle ». « Ils sont dans le processus d’obtention de leur droit de grève. C’est tout à fait leur droit », a réagi Sonia LeBel.

Il reste que c’est dans ce contexte que la présidente du Conseil du trésor dit maintenant vouloir « intensifier » les négociations durant l’été – une période traditionnellement plutôt calme dans les pourparlers.

« Je ne veux pas que les négociations ralentissent pendant l’été et j’offre de doubler s’il le faut, et même tripler » la disponibilité des négociateurs patronaux, a-t-elle affirmé, tout en disant que tout le monde pourra prendre un peu de vacances malgré tout.

Elle cible en particulier les pourparlers aux tables sectorielles de la santé et de l’éducation. Elle veut un rythme soutenu jusqu’à la fin de septembre. « Les syndicats ont dit que ça n’allait pas assez vite [dans les négociations], je les prends au mot. Je mets la pleine disponibilité pour tenir autant de rencontres que nécessaire », a-t-elle dit.

En entrevue, le front commun syndical (CSN, FTQ, CSQ et APTS), qui représente plus de 400 000 des 600 000 employés de l’État, déplorait la lenteur des négociations. Il reprochait au gouvernement de ne vouloir aborder que ses priorités et de ne pas être à l’écoute de ses demandes.

« Il n’y a pas d’animosité, mais on n’a pas de retour constructif » de la part des syndicats, a répliqué Sonia LeBel.

On assiste à un dialogue de sourds. Le fossé est gigantesque entre les parties.

L’offre et les demandes

Offre du gouvernement

  • Hausses salariales de 9 % en cinq ans (3 % pour 2023, puis 1,5 % par an)
  • 2,5 % sur la même période pour bonifier les conditions de travail de quelques catégories de travailleurs
  • Une somme forfaitaire de 1000 $ la première année

Demandes du front commun

  • Indice des prix à la consommation (IPC) + 2 % d’augmentation pour 2023
  • IPC + 3 % pour 2024
  • IPC + 4 % pour 2025

Note : les demandes syndicales représentent des hausses salariales totales d’environ 21 % si l’on tient compte de l’IPC enregistré lors de la dernière année et des prévisions inscrites dans le budget du gouvernement pour 2023 et 2024.