(Montréal) Les ministères de l’Éducation ainsi que de la Santé et des Services sociaux travaillent actuellement sur un cadre de référence portant sur les soins en milieu scolaire, a appris La Presse Canadienne. Une partie de ce guide à l’attention des établissements d’enseignement portera sur la distribution et l’administration de médicaments en situation d’urgence, dont les injecteurs d’épinéphrine, connus par le nom de marque EpiPen.

Ce cadre de référence recommanderait aussi que chaque école se dote d’un injecteur ; à l’heure actuelle, quelques établissements en possèdent un, mais ce sont les élèves souffrant d’allergies qui ont légalement la responsabilité d’apporter le leur à l’école.

Cette mesure fait écho à une pétition déposée à l’Assemblée nationale par la députée caquiste de Mirabel, Sylvie D’Amours, et qui demande que la responsabilité de s’équiper en injecteurs incombe désormais aux écoles primaires. Les membres caquistes de la Commission parlementaire permanente sur la culture et l’éducation ont toutefois refusé de se saisir de la missive mercredi, en raison des travaux et réflexions déjà en cours sur le sujet, a indiqué dans un courriel le cabinet du whip en chef du gouvernement.

Actuellement, l’offre alimentaire est contrôlée dans les écoles pour éviter la présence d’aliments allergènes, aussi bien dans les cafétérias que les machines distributrices, mais aussi dans les collations apportées par les élèves ou les repas fournis par des services de traiteur, a précisé par courriel le service des relations de presse du ministère de l’Éducation.

Notons que neuf aliments sont responsables d’environ 90 % des réactions allergiques, souligne Allergies Québec, ce qui rend cette procédure « utopique ». « C’est presque impossible d’y aller en exclusion », affirme Dominique Seigneur, directrice aux communications et au développement de l’organisme.

Certains centres de services scolaires et commissions scolaires ont également implanté des protocoles d’intervention pour réagir en cas de choc anaphylactique.

Mais aucune mesure universelle n’est appliquée à l’échelle de la province, qui est la seule au pays à ne pas avoir légiféré en ce sens.

À la recherche d’un porteur de dossier

En ce moment, chaque école gère la situation comme elle le peut, selon Allergies Québec, qui milite depuis plus d’une quinzaine d’années pour l’adoption d’un encadrement standardisé et étendu.

Il en résulte « des pratiques douteuses, comme la conservation d’auto-injecteurs au secrétariat de l’école plutôt qu’à la portée immédiate de la personne allergique, ou encore des mesures inefficaces comme le bannissement de certains aliments et l’isolement d’élèves allergiques durant les repas », pouvait-on lire dans une lettre ouverte cosignée par l’organisme à l’occasion de la Journée québécoise des allergies alimentaires, le 21 mars dernier.

Allergies Québec note un « intérêt marqué » de la classe politique, tous partis confondus, pour la question, d’autant plus qu’on estime à 75 000 le nombre d’écoliers qui ont une ou plusieurs allergies alimentaires et qu’environ une réaction allergique sévère sur cinq survenait en milieu scolaire.

« Notre dossier est bien reçu et personne n’est contre ce désir d’encadrer les jeunes, mais c’est comme si on n’avait pas de porteur de dossier. On n’arrive pas à avoir le leadership nécessaire pour faire avancer les choses. C’est mystérieux », déplore Mme Seigneur.

En juin 2018, le Parti québécois, alors dans l’opposition, avait déposé un projet de loi pour que le Québec légifère pour imposer un protocole universel en cas de réaction allergique sévère. Le ministre de la Santé d’alors, le libéral Gaétan Barrette, avait lui-même évoqué l’idée de doter toutes les écoles d’un EpiPen.

En 2019, la ministre de la Santé sous la CAQ, Danielle McCann, s’était opposée à l’imposition d’un protocole unique et préférait plutôt « un guide des bonnes pratiques », rapportait le quotidien Le Soleil.

« Gros bon sens »

À la manière des défibrillateurs accessibles dans un nombre croissant de lieux publics, ou même des extincteurs en cas d’incendie, des injecteurs devraient être à la disposition des écoliers, comme le sont les trousses de premiers soins en cas de blessure mineure, estime le Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ).

« C’est une bonne idée à la base, je ne vois pas d’argument pour soutenir le contraire, commente en entrevue avec La Presse Canadienne Sylvain Martel, conseiller stratégique et porte-parole du RCPAQ. Il y a des idées qui n’ont pas besoin d’être réfléchies pendant des années pour faire du gros bon sens. »

M. Martel estime toutefois qu’il est faux de penser que d’offrir des injecteurs d’épinéphrine dans les écoles enlèvera aux élèves le fardeau d’en trimballer un, comme le suggère la pétition.

« C’est une très bonne idée d’en avoir dans les écoles, au cas où celui d’un élève est périmé, mais il faut garder en tête que les enfants qui ont vraiment besoin d’un EpiPen vont en traîner un avec eux partout où ils vont, que ce soit en marchant pour aller à l’école, dans l’autobus ou pour aller chez des amis. »

Entre 6 et 8 % des écoliers du primaire sont aux prises avec une allergie alimentaire.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.