L’arrivée massive d’immigrants engorge le système scolaire, qui peine à les intégrer. Pendant plus de quatre semaines, les enfants d’une Québécoise récemment rentrée d’un long séjour en dehors du pays n’ont pas été scolarisés, faute de place dans les classes d’accueil.

Après plusieurs années aux États-Unis, Isabelle Roy est revenue vivre au Québec à la mi-décembre. Depuis, elle a dû remuer ciel et terre pour trouver une place en classe d’accueil pour ses deux enfants de 9 et 14 ans, qui ne parlent pas le français.

Il n’y avait à Laval aucune école prête à les accueillir. Son fils et sa fille ont donc passé plusieurs semaines à la maison, avant de finalement commencer l’école cette semaine.

Le fils de 9 ans de Mme Roy a pu intégrer une classe d’accueil. Sa fille a commencé à fréquenter l’école secondaire, mais est toujours en attente d’une place dans une classe d’accueil, qui doit ouvrir la semaine prochaine.

J’ai su avant le pauvre directeur de l’école secondaire qu’il devait ouvrir une classe d’accueil. Il cherche une prof.

Isabelle Roy, mère de deux enfants

Pendant plusieurs semaines, elle a multiplié les contacts auprès du ministère de l’Éducation, des écoles concernées et de son député, avant de finalement joindre La Presse.

« Ces deux écoles-là ont fait leur possible, mais elles manquent de ressources. Ça fait mal », dit Isabelle Roy.

Des délais qui s’allongent

La pénurie d’enseignants n’est pas étrangère à la difficulté d’ouvrir des classes pour les élèves allophones. Au centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), on a ouvert depuis septembre l’équivalent de sept nouvelles écoles primaires.

En conséquence, il est de plus en plus difficile de maintenir le rythme d’accueil des nouveaux élèves, dit Alain Perron, porte-parole du CSSDM, qui ajoute que « la pression se fait forte ». On reçoit environ 150 nouvelles familles chaque semaine qui viennent inscrire leurs enfants.

Dans les périodes les plus achalandées, les élèves de classe d’accueil sont généralement accueillis de 10 à 15 jours ouvrables après le moment où ils se sont inscrits auprès du centre de services scolaire.

C’est le manque d’enseignants qui pose problème.

On pourrait augmenter le personnel d’accueil, mais si en bout de ligne on n’a pas d’enseignant en classe… C’est de plus en plus difficile de trouver des enseignants.

Alain Perron, porte-parole du CSSDM

« Il y a un nombre très grand de classes d’accueil qui ouvrent. On en a peut-être ouvert 200 depuis la rentrée scolaire sur l’île de Montréal. Chaque fois qu’on ouvre une classe, ça prend un prof », abonde Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire.

Au seul centre de services scolaire de Montréal, c’est 2000 élèves de plus qu’on a accueillis depuis la rentrée. « On a fait en trois mois, de septembre à décembre, ce que nous faisions avant de septembre à juin », observe Alain Perron, porte-parole du CSSDM.

Le centre de services scolaire de Laval (CSSDL), comme d’autres, doit composer avec une importante augmentation du nombre d’élèves qui doivent fréquenter des classes d’accueil.

Cette semaine seulement, 36 nouveaux élèves sont arrivés sur le territoire du CSSDL. Ils se sont ajoutés aux 112 qui étaient arrivés depuis la fin de novembre.

L’arrivée [en grand nombre] de ces nouveaux élèves représente certainement un défi en matière de ressources humaines, surtout dans le contexte actuel de pénurie.

Annie Goyette, porte-parole du CSSDL

Elle précise qu’il y a actuellement trois postes d’enseignement à l’accueil à pourvoir, dont deux au primaire et un au secondaire.

Isabelle Roy se demande quel est le plan de Québec pour venir en aide aux écoles qui doivent composer avec cette augmentation du nombre d’élèves.

Elle parle parfaitement le français, a cogné « à toutes les portes » pour tenter de scolariser ses enfants le plus rapidement possible et s’inquiète pour les parents demandeurs d’asile qui viennent d’arriver au pays sans ressources.

« Ils sont déplacés de leur pays, ne connaissent pas la langue, sont dans un nouvel environnement. C’est préoccupant, c’est très préoccupant », dit-elle.

Qu’est-ce qu’une classe d’accueil ?

Les classes d’accueil ont été créées en 1969 et visent à favoriser l’intégration linguistique des nouveaux arrivants pour que les jeunes puissent ensuite poursuivre leur parcours dans une classe ordinaire en français. Ces classes ont gagné en importance au tournant des années 2000 afin de s’adapter aux nouvelles réalités de l’immigration québécoise.