Le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) cherche des profs non légalement qualifiés pour enseigner à des élèves du primaire ou du secondaire « à risque », des postes généralement réservés à des orthopédagogues. Dans les écoles cette année, le nombre d’enseignants qui n’ont pas de brevet est plus élevé que jamais, disent les directions.

L’offre d’emploi publiée cette semaine s’adresse précisément aux profs qui n’ont pas de brevet : « enseignant-e-s NON légalement qualifié-e-s en adaptation scolaire », lit-on dans le titre.

« Le rôle principal […] consiste à soutenir les apprentissages d’élèves du primaire (4 à 12 ans environ) ou du secondaire (12 à 21 ans) à risque, en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) en vue de favoriser leur réussite personnelle, scolaire et sociale », explique la description de tâches.

IMAGE TIRÉE DU SITE EMPLOIS.CA.INDEED.COM

Le poste affiché par le CSSDM s'adresse aux candidats qui ne détiennent pas le brevet d'enseignement.

Le nombre d’enseignants non légalement qualifiés dans les écoles n’a jamais été aussi élevé, observe Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

La qualité des gens qui sont ainsi recrutés diminue d’autant. « On en a de très bons, mais à force de gratter dans le fond du baril, la qualité des gens engagés diminue beaucoup. On se rend compte qu’ils ne sont pas capables de faire le travail, ça fait un roulement incroyable pour les élèves », dit M. Prévost.

« C’est pire que jamais », abonde Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES). « C’est un stress quotidien de s’assurer qu’il y ait un prof dans chaque classe », ajoute-t-elle.

En conséquence, « ce n’est pas vrai qu’on a un service de qualité pour nos élèves », dit Nicolas Prévost. Les parents sont quant à eux confrontés à des ruptures de services.

« On l’a vu dans certaines classes, où les suppléants se succèdent. On voit des profs qui ne restent pas, ils partent après un ou deux mois », dit pour sa part Kathleen Legault.

En point de presse la semaine dernière, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a relevé que « le nombre d’enseignants non légalement qualifiés est en forte augmentation ». « Aux dernières nouvelles, je pense qu’on était autour de plus de 4000 », a-t-il dit.

À la FQDE, on estime que ce nombre est d’au moins 4800.

« En moyenne » 150 postes à pourvoir

La présidente de l’Alliance des professeurs de Montréal affirme que le fait de voir une offre d’emploi « aussi explicite, ça envoie le message que le CSSDM est lucide et reconnaît qu’il a un problème à recruter des profs qualifiés ».

« Le choc, on l’a eu il y a quelques années avec des annonces d’autres centres de services qui demandaient un 5e secondaire pour faire de la suppléance », rappelle Catherine Beauvais St-Pierre.

Au CSSDM, on se défend de chercher « spécifiquement des profs non légalement qualifiés ».

« Nous cherchons des enseignants et nous ouvrons la porte aux NLQ… petite nuance », nous écrit son porte-parole, Alain Perron.

Dans les compétences requises, on demande par exemple aux candidats d’avoir un baccalauréat en psychologie et une année d’expérience pertinente avec des élèves HDAA.

Dans ce seul centre de services, il y a « en moyenne près de 150 affectations d’enseignants à temps plein ou temps partiel à combler principalement en adaptation scolaire ».

Les classes d’adaptation scolaire sont celles où il manque le plus d’enseignants, confirme le président de la FQDE. « Ce sont nos élèves les plus fragiles », dit Nicolas Prévost, qui note que le roulement de personnel « ne fait qu’exacerber les problèmes qu’ils ont déjà ».

Les profs qui enseignent habituellement à ces élèves sont formés en adaptation scolaire à l’université.

« Je suis formée pour enseigner en classe ordinaire, si demain matin on me demande de jouer l’orthopédagogue, je vais me débrouiller, mais je ne serai certainement pas la meilleure pour faire ce travail-là », illustre Catherine Beauvais St-Pierre. « Si on parle de gens qui n’ont pas de baccalauréat en enseignement, on part d’encore plus loin », ajoute-t-elle.

Chez les directions, on anticipe des années à venir encore plus difficiles en matière de recrutement.

La semaine dernière, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a réitéré sa volonté de s’attaquer à la pénurie de personnel dans les écoles, mais à l’AMDES, on dit qu’on « voudrait voir des gestes plus forts qui vont avoir un impact dès que possible ». On cite par exemple le paiement des stages en éducation, voire le remboursement complet des études universitaires.

« Pour l’instant, je ne suis pas certaine qu’on réalise à quel point ce qu’on vit dans les écoles, c’est urgent. C’est problématique et ça va affecter la réussite de nos élèves si on ne réagit pas », dit Kathleen Legault.

En savoir plus
  • 489
    Postes d’enseignants à temps partiel à pourvoir
    92
    Postes d’enseignants à temps plein à pourvoir
    source : ministère de l’Éducation, collecte du 7 décembre 2022