Le réseau collégial doit tirer des leçons des « ratés » survenus lors des confinements récents de trois cégeps, plaident des syndicats d’enseignants. Dans une sortie à La Presse, ils interpellent les directions afin qu’elles soient mieux préparées au pire.

Problèmes de communication, interventions policières « traumatisantes » : les syndicats déplorent plusieurs « mauvais coups » dans le déroulement des récents confinements.

« C’est sur une base constructive qu’on souhaite faire cette sortie. On veut que les choses changent, parce qu’on n’est pas à l’abri de ces situations », lance d’emblée Yves de Repentigny, vice-président de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) responsable du regroupement cégep.

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Confinement au collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, le 18 novembre dernier

Le 18 novembre, un mineur qui déambulait avec une arme-jouet près du collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, a forcé le confinement des élèves et du personnel de l’école pendant près de quatre heures.

« Ce qui est beaucoup ressorti, c’est la confusion du début jusqu’à la fin », soutient Denis Paquin, président du syndicat des enseignantes et des enseignants du collège Lionel-Groulx.

En effet, les élèves et le personnel ont d’abord reçu la consigne de se barricader ou d’évacuer le bâtiment. Conséquence : la majorité des élèves se sont précipités vers les sorties.

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Denis Paquin, président du syndicat des enseignantes et des enseignants du collège Lionel-Groulx

Plusieurs enseignants se sont dit qu’ils auraient peut-être mis la vie de leurs étudiants en danger si un tireur avait été à l’extérieur. Ils ont vécu beaucoup de culpabilité.

Denis Paquin, président du syndicat des enseignantes et des enseignants du collège Lionel-Groulx

De plus, ce n’est pas tout le monde qui a entendu la consigne, les interphones se trouvant dans les corridors, ajoute-t-il.

Selon le syndicat, la dernière formation sur les tireurs actifs offerte aux enseignants remonte à plusieurs années. Un protocole d’urgence est publié en ligne, mais il est difficile à trouver.

« C’est comme si on apprenait au fur et à mesure ce qu’on devait faire. Ce n’est pas le temps d’apprendre quand il arrive ce genre de situation », déplore Denis Paquin, qui salue néanmoins la présence d’intervenants psychosociaux, dépêchés rapidement sur place.

Dans une recommandation votée fin novembre, la FNEEQ demande aux directions de cégeps qu’elles mettent à jour leurs plans de mesures d’urgence et qu’elles s’assurent que ceux-ci soient transmis en début de session.

Elle interpelle aussi Québec pour qu’il accorde des sommes dédiées à l’achat d’équipements visant à assurer la sécurité des étudiants et du personnel, par exemple, des interphones bidirectionnels et des trousses d’urgence en classe.

Des « classes aquariums »

« Il y a des endroits où ce n’est pas possible de se confiner », lance à son tour Amélie Therrien, présidente du syndicat des enseignantes et enseignants du collège Montmorency.

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Amélie Therrien, présidente du syndicat des enseignantes et enseignants du collège Montmorency

Début novembre, des centaines de personnes avaient été confinées pendant quatre heures dans le collège situé à Laval. Des coups de feu avaient été tirés dans un parc à proximité, blessant quatre personnes qui se sont ensuite réfugiées à l’intérieur de l’établissement.

Certains étudiants avaient trouvé refuge dans des « classes aquariums » presque complètement vitrées. « C’est souvent dans ces classes que le mobilier est fixé au sol. Comment peut-on se barricader ? », soulève Mme Therrien.

De plus, plusieurs enseignants ne connaissaient pas la marche à suivre, les dernières formations « remontant à trop longtemps ».

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Intervention policière au collège Montmorency à Laval, le 11 novembre dernier

Le syndicat déplore aussi le manque de communication pendant l’opération policière. Les personnes confinées à l’intérieur de l’école sont restées dans le noir pendant des heures, consultant les réseaux sociaux pour s’informer.

« Il y a une classe qui est sortie avant la fin du confinement. La professeure n’était pas capable de retenir les étudiants, parce qu’ils ne recevaient pas d’informations », relate Amélie Therrien.

Des interventions « traumatisantes »

Quelques heures plus tôt, une scène semblable se déroulait au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu.

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Un individu qui avait proféré des menaces avait été arrêté sur le terrain du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, le 11 novembre dernier.

Un individu qui avait proféré des menaces avait été arrêté sur le terrain de l’école. Pendant plus de trois heures, des centaines d’élèves ont reçu la consigne de se confiner entre les murs de l’établissement.

Selon le syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, les policiers « tentaient d’entrer dans les locaux sans s’annoncer pour s’assurer qu’ils étaient barricadés ».

« Ça a traumatisé autant les enseignants que les jeunes. Ça a provoqué des crises d’anxiété », déplore sa présidente, Vanessa Pelland.

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Vanessa Pelland, syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu

Il faut aller voir les corps policiers pour savoir comment ils opèrent sur le terrain pour être capables de mieux préparer la communauté collégiale.

Vanessa Pelland, syndicat des enseignantes et des enseignants du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu

« Un souci partagé », dit la Fédération des cégeps

Les constats soulevés par les syndicats sont « un souci partagé qui a déjà été pris en charge par les établissements », affirme le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.

« Je pense que [les confinements] se sont fort bien déroulés. Par contre, il reste qu’il faut faire un bilan et qu’il faut tous être sensibilisés au fait que ces situations peuvent et vont probablement se reproduire », souligne-t-il.

M. Tremblay ajoute que les cégeps « ont fait le point » sur le déroulement des confinements lors d’une rencontre récente. Le ministère de l’Enseignement supérieur a également transmis une lettre à tous les établissements, leur enjoignant de revoir leur plan de mesures d’urgence.