Des étudiants admissibles au nouveau programme de mobilité régionale n’ont appris qu’après la rentrée scolaire qu’ils ne recevraient pas la bourse de 7500 $ annoncée par le gouvernement. La Fédération étudiante collégiale du Québec réclame à l’avenir « plus de clarté et de transparence » dans l’attribution des bourses, laissée à la discrétion des cégeps.

« Quand on a vu la bourse, on s’est dit wow ! C’est vraiment une chance. Ç’a été un incitatif pour ma fille », témoigne Estelle Lagueux à La Presse.

Cette mère fait référence au nouveau programme de mobilité régionale Parcours annoncé en mai, dont l’objectif est d’attirer 5000 cégépiens en région d’ici 5 ans.

Depuis cet automne, les élèves qui s’inscrivent dans l’un des 18 cégeps de région sont admissibles à recevoir une bourse annuelle de 7500 $, et ce, tous programmes confondus.

Seules conditions : l’élève doit être inscrit dans un cégep qui se trouve à plus de 60 km de sa résidence et le programme ne doit pas être offert dans un établissement à l’intérieur de ce rayon.

La fille de Mme Lagueux, qui s’est inscrite en techniques cinématographiques et télévisuelles au cégep de Jonquière, respectait toutes ces conditions. C’est même l’annonce du programme Parcours qui l’a convaincue de migrer en région (sa fille avait aussi fait une demande d’admission dans une université montréalaise). Sauf qu’à la mi-septembre, surprise : elle a appris qu’elle n’était finalement pas admissible à la bourse.

Elle était déçue. Ça m’oblige à compenser pour elle, et elle a moins de latitude [financièrement].

Estelle Lagueux, mère d’une étudiante

« Ç’a été laborieux de savoir quels étaient les critères de sélection. Je ne trouvais pas que c’était vraiment transparent », ajoute-t-elle.

Sa fille n’est vraisemblablement pas la seule dans sa situation. Au cégep de Jonquière, « quelques centaines d’étudiants » étaient théoriquement admissibles au programme Parcours, indique l’établissement. Or, seulement 24 bourses ont été remises.

La Fédération étudiante collégiale du Québec déplore « le manque de clarté et de transparence » dans les critères de sélection, laissés à la discrétion des cégeps.

« Il y a des leçons à tirer » pour les prochaines années, croit sa présidente, Maya Labrosse.

« Il a fallu se donner un peu de temps »

C’est que les établissements admissibles se voient accorder un budget de Québec, qui correspond à un nombre limité de bourses Parcours.

Si le nombre de bourses offertes n’est pas suffisant, il revient à l’établissement de « privilégier certaines demandes d’admission », précise le ministère de l’Enseignement supérieur par courriel. C’est aussi indiqué sur son site.

Selon Québec, les cégeps ont été informés des montants qui leur seraient accordés dans le Régime budgétaire et financier des cégeps 2022-2023, adopté en mai.

Or, « il a fallu se donner un peu de temps pour mettre tout en place et déterminer les modalités d’administration de la bourse dans notre cégep », explique Sabrina Potvin, coordinatrice des communications pour le Cégep de Jonquière.

Elle précise qu’en juin, les élèves ont été avisés par courriel que le nombre de bourses offertes serait limité. Les critères de sélection, eux, n’ont été annoncés qu’après la rentrée : le cégep a mis en priorité six programmes d’études, incluant la technique en génie du bâtiment et la technique de procédés industriels, « en raison de leur faible effectif ». Le programme de techniques cinématographiques et télévisuelles n’en fait pas partie.

Un certain nombre de bourses a aussi été accordé aux élèves qui étaient déjà engagés dans l’ancienne mouture du programme de mobilité interrégionale.

Conséquence : « il restait très peu de bourses disponibles pour de nouveaux étudiants », affirme Mme Potvin.

Même que le cégep a pigé dans son propre budget pour s’assurer d’accorder une bourse à tous les élèves inscrits dans les programmes ciblés, au lieu de faire « un tirage au sort ».

Des bourses insuffisantes

Le cégep de la Gaspésie et des Îles avait lui aussi plus d’élèves admissibles que de bourses disponibles. « Nous aurions eu besoin de 148 bourses et nous en avions 66 », indique Marie Nowak, conseillère en communication.

L’établissement a mis en priorité les programmes en difficulté de recrutement et les élèves admis aux premier et deuxième tours d’admission. Les autres bourses offertes ont aussi été prises en compte dans la sélection.

Les boursiers ont majoritairement été avisés en juin, mais d’autres élèves ont reçu une bourse à l’automne, à la suite de désistements pendant l’été.

De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur fait valoir que 6,3 millions de dollars sont prévus pour la première année du programme, ce qui correspond à 1000 bourses. Pour l’instant, il semble que « l’ensemble des bourses devraient être allouées », précise-t-on par courriel.

Tirer des leçons pour l’avenir

La Fédération étudiante collégiale du Québec juge « compréhensible » la situation rapportée par La Presse. « C’est un beau programme, mais les établissements n’ont vraiment pas eu beaucoup de temps pour se préparer », remarque Maya Labrosse.

Elle demande toutefois qu’à l’avenir, les critères de sélection de chaque établissement soient indiqués clairement lors des demandes d’admission, comme ceux-ci peuvent varier d’un cégep à l’autre.

« On espère aussi que le nombre de bourses sera suffisant pour le nombre d’étudiants éligibles », ajoute-t-elle.

L’an prochain, le budget de Québec prévu pour le programme montera à 19,1 millions de dollars, puis il augmentera jusqu’à atteindre 37 millions de dollars en 2026-2027.