Les demandes de soutien psychologique ont explosé dans les universités pendant la pandémie. Même si leur nombre tend à diminuer, les étudiants qui demandent de l’aide demeurent plus nombreux qu’avant la COVID-19. Et l’anxiété est l’un des principaux motifs de consultation.

« Il y a des semaines où je faisais juste pleurer. Chaque fois que j’allais devant mon ordinateur, je pleurais », se souvient Valérie Bessette.

Avant la pandémie, la candidate au doctorat en géographie à l’Université Laval allait bien. Son anxiété était maîtrisée. Son moral était bon.

« La pandémie a tout chamboulé », lâche l’étudiante. Ses problèmes sont revenus en force. À la recommandation de sa médecin de famille, elle a mis ses études sur pause pendant plusieurs mois.

La jeune femme est retournée à l’université cet automne, toujours fragilisée par la pandémie. « Je me sens mieux, mais je ne me sens pas revenue complètement comme avant », confie l’étudiante.

Et elle est loin d’être la seule étudiante dont la santé mentale a été mise à rude épreuve pendant la pandémie.

À l’Université de Montréal, les demandes de soutien psychologique ont presque doublé en trois ans, grimpant de 1250 demandes en 2019 à 2340 demandes en 2022. Environ 75 % d’entre elles avaient comme motif principal de consultation l’anxiété ou des symptômes dépressifs, contre 55 % avant la pandémie.

L’établissement a récemment changé la façon dont il reçoit les demandes d’aide, ce qui peut expliquer en partie la forte hausse, nuance Virginie Allard-Cameus, directrice du Centre de santé et de consultation psychologique des services à la vie étudiante.

Mais la détresse étudiante est bien réelle, observe-t-elle. Et elle est même en hausse.

L’hiver dernier, son équipe a reçu 149 demandes jugées « très urgentes », c’est-à-dire des étudiants qui exigent une prise en charge immédiate, parfois même un transfert à l’hôpital. « C’est beaucoup. Ce n’est pas des chiffres qu’on avait avant », souligne-t-elle.

Bond de 29 % de l’anxiété

Pendant la pandémie, « les étudiants composaient avec tous les stress habituels d’un étudiant universitaire, mais aussi avec tous les autres facteurs de stress liés » à la COVID-19, explique Lina Di Genova, directrice de la stratégie et de l’évaluation des services aux étudiants à l’Université McGill, qui a récemment corédigé un rapport sur la santé mentale sur les campus.

L’étude a recueilli les observations des responsables des affaires étudiantes sur la santé mentale des étudiants dans près de 70 universités au pays.

Leurs impressions ? Ils ont signalé un bond de 29 % de l’anxiété chez les étudiants depuis 2018. Et une hausse de 14 % des difficultés d’apprentissage et des troubles de l’attention et de la concentration.

Entre 2020 et 2021, ces professionnels ont aussi noté un taux élevé de fatigue liée à la pandémie chez les étudiants, « associée à l’anxiété, l’isolement social, le stress financier et une charge [scolaire] accrue ».

Légère baisse de la demande

La demande d’aide psychologique commence toutefois à baisser. « On a encore un effet de la vague pandémique, mais on voit qu’elle s’estompe », observe Louise Careau, directrice du Centre d’aide aux étudiants à l’Université Laval.

L’an dernier, son équipe a traité 3064 demandes d’aide, soit environ « le tiers de plus » qu’en 2019. Depuis juillet, le nombre de demandes s’élève à 981.

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) observe aussi « une légère baisse » de la demande ce trimestre, après une hausse enregistrée dans les deux dernières années.

Perte de motivation, anxiété, difficulté à se concentrer : malgré le retour en présentiel, de nombreux étudiants sont toujours affectés par les bouleversements causés par la pandémie.

Linda avait l’habitude de faire des crises d’angoisse à l’école secondaire, mais jamais de cette intensité. Jamais au point d’avoir le souffle coupé et une douleur aiguë à la poitrine.

« J’ai déjà quitté des examens pendant une crise sans rien écrire sur la feuille », confie l’étudiante en droit à l’UQAM, qui n’a pas souhaité être identifiée par son nom complet. Et la jeune femme est « encore plus stressée » depuis son retour sur le campus.

« Je ne suis pas toute seule à faire des crises. Je ne connais personne dans mon entourage qui n’en a pas », dit Linda.

« Peu de personnes étudiantes ont évoqué la pandémie comme principal motif de consultation. Toutefois, plusieurs ont rapporté que le contexte pandémique exacerbait des enjeux déjà existants. Le stigma lié à la demande d’aide semble aussi s’atténuer, de sorte que les personnes étudiantes s’autorisent davantage à solliciter les services qu’auparavant », remarque de son côté Bruno Collard, directeur du service de psychologie et d’orientation à l’Université de Sherbrooke.

À son bureau, les demandes pour des consultations ponctuelles ont bondi de 42 % dans les trois dernières années. Quant aux demandes de psychothérapie (qui s’échelonne habituellement sur huit rencontres), elles ont augmenté de 27 %. Dans les deux cas, « des pics historiques ont été atteints dans la dernière année ».

« J’ai toujours eu des symptômes légers d’anxiété et de dépression, mais tout a été exacerbé. J’avais beaucoup de difficulté à être fonctionnelle », confie Claudine, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille.

Au début de la pandémie, l’étudiante en sciences et technologies des aliments à l’Université Laval n’a pu faire autrement que d’abandonner deux cours.

Elle pouvait passer des heures devant des problèmes mathématiques « qu’on apprend au primaire », incapable de les résoudre, ou quitter la classe en plein milieu d’un cours, prise de panique. Aujourd’hui, l’étudiante se porte mieux, mais l’anxiété n’est jamais partie.

« Il faut que je fasse très attention pour garder cet équilibre. Je ne suis jamais loin d’avoir des soucis », laisse-t-elle tomber.