« On n’a pas envie d’arriver sur le marché du travail et d’être déjà à bout », lâche Sabrina Beaudoin, une aspirante prof. En grève depuis près d’un mois, des milliers d’étudiants en enseignement à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) revendiquent de meilleures conditions de stage, dont un salaire, et plus de protection contre le harcèlement.

Depuis la mi-octobre, plus de 5000 étudiants de la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM sont en grève, et ce, jusqu’au 20 novembre.

Au cœur de leurs revendications : les aspirants profs réclament une meilleure protection contre le harcèlement pendant leurs stages.

Plus spécifiquement, ils demandent que le Bureau de la formation pratique, qui supervise les stages en enseignement, publie une politique contre le harcèlement des stagiaires avant la fin de la session.

Précisons qu’une politique contre le harcèlement existe déjà à l’UQAM, de même que dans la nouvelle loi pour la protection des stagiaires en milieu de travail.

Malgré cela, les étudiants qui sont victimes de harcèlement durant leur stage sont trop souvent « laissés à eux-mêmes », déplore Sabrina Beaudoin, étudiante en 3année en enseignement de l’univers social au secondaire.

C’est ce que raconte avoir vécu Alissa Groux. L’an dernier, l’étudiante de 3année en enseignement du français langue seconde aurait subi du « harcèlement psychologique » lors de son stage, affirme-t-elle.

L’enseignante qui la supervisait lui aurait donné une charge de travail excessive et l’aurait menacée de la faire échouer quelques jours après le début de son stage, raconte Alissa.

À plusieurs reprises, l’étudiante a sollicité l’aide de son superviseur de stage, qui l’aurait tout de même encouragée à terminer son stage de six semaines. « On nous dit tout le temps : s’il y a un problème, parlez à votre superviseur. Moi, j’en ai parlé, et on m’a répondu : “Reste là” », déplore l’étudiante, qui avait demandé d’être changée de classe, sans succès.

Et son histoire est loin d’être l’exception, souligne-t-elle : « Ça arrive à chaque stage, dans toutes les cohortes. »

Pour éviter qu’un étudiant « tombe entre les craques », l’Association des étudiantes et des étudiants de la faculté des sciences de l’éducation (ADEESE) réclame la mise en place d’un comité de révision pour évaluer les demandes de transferts de milieu de stage en cas de harcèlement.

C’est d’autant plus crucial que les jeunes enseignants sont déjà nombreux à quitter la profession, reconnaît Sabrina Beaudoin. « Tout ce qui se passe dans le milieu du stage, ça alimente le fait que les jeunes décrochent », croit-elle.

Alissa Groux est du même avis. « C’est sûr que si je vis un stage comme le dernier, je m’enfuis. Je ne veux pas être dans le système scolaire ici », laisse-t-elle tomber.

De son côté, l’UQAM assure que les stagiaires peuvent aussi bénéficier d’« un accompagnement, du soutien et des conseils » du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement. « Aussi, en fonction de la situation, des mesures d’accommodement pourront être mises en place », indique la porte-parole Jenny Desrochers par courriel.

Salarisation des stages

Revendication de longue date, la salarisation des stages figure aussi sur la liste des demandes de l’ADEESE.

L’Association réclame que la faculté des sciences de l’éducation et le Bureau de la formation pratique appuient également la lutte.

Durant leur formation, les étudiants doivent réaliser quatre stages non rémunérés. Une bourse de 3900 $ était toutefois offerte pour le dernier stage du baccalauréat, mais elle a été subitement remplacée par le nouveau programme de bourses Perspective Québec. Les étudiants en enseignement toucheront ainsi 2500 $ par session à temps plein.

Or, les bourses Perspective Québec sont conditionnelles à certains critères, dont celui d’étudier à temps plein, ce qui pourrait nuire à des étudiants, craint Sabrina Beaudoin.

Par courriel, le gouvernement rappelle que le programme Perspective Québec est « plus généreux que les autres programmes de bourses qu’il remplace ». Le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) planche également sur une solution pour les étudiants « potentiellement désavantagés » par le nouveau programme.

La nouvelle ministre Pascale Déry a rencontré lundi l’association étudiante « afin d’initier le travail vers une résolution des problèmes soulevés par ses membres », ajoute Bryan St-Louis, porte-parole du MES.

« Pas d’ouverture » de l’UQAM

Les profs en herbe réclament aussi des accommodements pour les parents étudiants, une charge de travail réduite, et que le déplacement en transport collectif vers le lieu du stage n’excède pas une heure.

La faculté des sciences de l’éducation est « en contact constant » avec l’Association depuis plus d’un an « sur les questions relatives aux stages », assure toutefois Jenny Desrochers. « Les échanges se poursuivent et les canaux de communication demeurent ouverts », dit-elle.