Une dizaine de projets d’écoles primaires et secondaires sont « mis sur pause » par Québec, à peine deux semaines après l’élection provinciale. Le centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) dit en effet observer « une baisse importante du nombre d’élèves » dans plusieurs secteurs.

Selon le CSSMB, ces constructions et opérations d’agrandissements d’écoles avaient été planifiées en raison d’une « hypercroissance » qui ne s’est finalement jamais produite.

« Il y a encore une autre vague d’exode : des familles ont quitté l’île et il y a eu un certain exode vers le privé », explique Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES). L’an dernier, c’est le centre de services scolaire de Montréal qui avait été particulièrement touché par l’exode des familles, selon elle. Entre 2020 et 2021, l’île de Montréal a perdu 4500 élèves.

Au total, huit projets sont ainsi mis sur pause par le ministère de l’Éducation, de concert avec le CSSMB : une école primaire à Mont-Royal, l’agrandissement de l’école secondaire Mont-Royal, une école primaire à Saint-Laurent et Saint-Laurent Ouest, l’agrandissement des écoles des Berges-de-Lachine, de Très-Saint-Sacrement et de l’Eau-Vive, ainsi que la construction d’une école primaire-secondaire à L’Île-des-Soeurs, tel que le rapportait jeudi La Presse.

Le centre de services scolaire affirme que ce sont les secteurs de Mont-Royal et L’Île-des-Sœurs qui sont particulièrement touchés par « ces changements démographiques récents » sur l’île de Montréal.

Cela fait plus d’un an que des discussions ont lieu dans Mont-Royal au sujet de l’arrivée d’une nouvelle école primaire francophone. L’administration, frappée par un bouleversement démographique qui a engendré un nombre important de nouveaux élèves francophones, en était venue à la conclusion qu’elle devait se doter d’une quatrième école primaire.

Une solution avait été lancée dès le départ : construire cette école sur un terrain adjacent à l’école Dunrae Gardens, établissement primaire anglophone. Cet espace, propriété de la commission scolaire English-Montréal (CSEM), a toutefois été écarté depuis. Selon nos sources, le parc Ernest-B. -Jubien a ensuite été considéré comme une avenue possible.

Or, en 2022, les écoles primaires [de Mont-Royal] « ont accueilli près de 100 élèves de moins que prévu et les projections gouvernementales laissent présager de nouvelles baisses au cours des prochaines années », écrit la directrice générale adjointe du centre de services, Danielle Roberge, dans une lettre envoyée aux parents. Pourtant, dès juin 2019, le ministère de l’Éducation confirmait dans son Plan québécois des infrastructures 2019-2029 « qu’une nouvelle école primaire allait être construite à Mont-Royal ».

Selon Mme Roberge, « 88 groupes composaient nos écoles primaires de Mont-Royal en 2020 ». « En 2021-2022, nous en avions 84 au sein de ces établissements. Finalement, au 30 septembre, le CSSMB comptait 81 groupes. Le contexte pandémique, de même que les conditions économiques, semblent avoir frappé de plein fouet le secteur de Mont-Royal », soulèvent les directrices. Même les unités modulaires – soit des classes mobiles pour accueillir plus d’élèves – « ne seraient plus nécessaires d’ici quelques années ».

Appel à plus de collaboration

Joint par La Presse, le maire de Mont-Royal, Peter Malouf, a dit « comprendre la décision » du CSSMB. « Les gouvernements devraient toutefois être un peu plus à jour dans leurs statistiques, et travailler de plus près avec les villes », a-t-il toutefois réclamé, en appelant à des analyses démographiques plus « régulières » pour éviter les aller-retour du genre.

Avec la pandémie, avec le nombre de personnes qui sont allées dans les banlieues, avec les coûts de résidences qui ont augmenté significativement, et surtout avec le nouveau rôle d’évaluation, la donne a beaucoup changé.

Peter Malouf, maire de Mont-Royal

Au lendemain de l’annonce aux parents de L’Île-des-Sœurs de la suspension d’un projet d’école dans leur secteur, la nouvelle députée de Verdun Alejandra Zaga Mendez, elle, a réclamé une rencontre d’urgence avec le ministère de l’Éducation et le Centre de services scolaires Marguerite-Bourgeoys.

« L’accès à l’éducation publique, ça ne devrait pas être mis sur pause ! Par cette nouvelle, la CAQ laisse à l’abandon des enfants qui suivent encore leurs cours dans des tours à bureaux, des jeunes du secondaire sans école à proximité et des enfants qui ont besoin de classes d’accueil. Il faut répondre aux besoins criants du milieu : avoir de nouvelles infrastructures scolaires est une nécessité », a indiqué l’élue de Québec solidaire.

Si des projets de construction d’école sont mis sur pause par Québec, qu’on investisse l’argent ailleurs, demande quant à elle Kathleen Legault. « Les ressources en éducation ne sont pas infinies. Peut-être qu’on pourrait mettre davantage d’argent sur les rénovations dont on a bien besoin », poursuit Mme Legault.

Avec Vincent Larin