Avec l’aide de l’avocate Anne-France Goldwater, près de 2000 familles qui font l’école à la maison tenteront la semaine prochaine de faire invalider par la cour un règlement qui force depuis cette année leurs enfants à passer les examens obligatoires du ministère de l’Éducation en fin d’année.

La poursuite est financée par les familles membres de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED), un regroupement qui dit représenter au total environ 4000 des quelque 10 000 enfants qui font l’école à la maison. Elle affirme que l’obligation pour ces enfants de subir les épreuves ministérielles est « une atteinte antidémocratique à la liberté éducative des parents », qui « vide de sa substance tout l’intérêt d’une éducation à domicile ».

En entrevue avec La Presse, MGoldwater, qui pilote le recours, a soutenu que les enfants qui font l’école à la maison reçoivent « en moyenne » une éducation de meilleure qualité que ceux qui fréquentent les établissements scolaires publics.

Le gouvernement peut bien défendre ses examens, c’est un secret de polichinelle que la qualité de l’éducation dans le système public laisse à désirer, sinon, on n’aurait pas des statistiques épouvantables montrant que 54 % des adultes québécois de souche sont fonctionnellement analphabètes. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système.

L’avocate Anne-France Goldwater

Au Québec, la Loi sur l’instruction publique permet aux enfants qui reçoivent un « enseignement approprié » à la maison d’être dispensés de fréquentation scolaire. Des réformes réglementaires apportées par le gouvernement Legault obligent cependant maintenant tous les enfants qui font l’école à domicile, de niveau équivalent aux 4e et 6années, ainsi que 2e, 4e et 5secondaire, à se soumettre aux examens obligatoires de fin d’année du Ministère. Les résultats de la première cohorte qui a dû suivre ces examens en juin dernier n’ont pas encore été rendus publics par le gouvernement.

Pénalisations injustes et « préjudice irréparable »

Selon la poursuite, ces examens obligatoires pénalisent particulièrement les enfants de 4e et de 5secondaire en leur imposant « une anxiété et un stress importants dus au fait que la note obtenue à l’épreuve ministérielle constituera [100 % de leur] note » finale, alors qu’elle ne compte que pour 50 % de la note globale des élèves qui fréquentent l’école.

L’AQED plaide par ailleurs que « plus de 50 % des enfants scolarisés à domicile présentent des troubles d’apprentissage ou des problèmes de santé physique ou mentale auxquels le système d’éducation publique ne peut répondre adéquatement ». S’ils ne subissent pas ces examens obligatoires, ces enfants peuvent théoriquement être forcés de réintégrer l’école. Cela les exposerait à un « préjudice irréparable », parce que ces « écoles ne sont pas munies des ressources nécessaires pour soutenir leur éducation », affirme la poursuite.

Pour certains enfants, qui ont quitté le cursus éducatif classique pour des raisons de phobie scolaire, c’est pour eux renouer avec le lieu qui les a traumatisés.

Les plaignants de l’AQED

MGoldwater, qui a elle-même étudié dans une école publique d’Outremont quand elle était enfant, dit que son éducation primaire a été « une catastrophe ». « J’avais appris à lire à 3 ans, pensez-vous que j’allais apprendre en maternelle et en première année à faire des dessins comme des petits bébés dans un berceau ? », demande-t-elle.

La bouillante avocate reconnaît que certains parents n’ont pas les compétences pour enseigner à domicile un cursus suffisamment costaud à leurs enfants. Mais pour ces cas, soutient-elle, les portfolios qui sont déjà exigés par le ministère de l’Éducation, deux fois par année, pour témoigner du cheminement de l’enfant sont suffisants pour intercepter les cas de carences éducatives.

MGoldwater affirme que pendant la pandémie, ses propres petites-filles ont été éduquées dans son cabinet d’avocats, par deux enseignantes – « une anglophone et une francophone » – qu’elle a embauchées pendant une année complète à la suite de la fermeture des écoles. « Quand un parent fait la même chose à la maison, l’enfant n’a pas besoin de passer toute la journée à l’école. Vous savez, le but de l’école publique, c’est aussi de permettre aux parents d’aller travailler », lance l’avocate.

Ses petites-filles, dit-elle, fréquentent maintenant une école publique de Westmount. « Elles ne sont pas au privé, parce que j’ai aussi l’inquiétude qu’elles ne fréquentent pas que les riches et qu’elles connaissent le vrai monde », dit MGoldwater.

Enseigner à la maison

Selon le ministère de l’Éducation, les parents souhaitant que leur enfant reçoive un enseignement à la maison sont tenus de :

  • soumettre un « projet d’apprentissage » en début d’année ;
  • soumettre un « portfolio » témoignant de la progression de l’enfant ou se soumettre à une évaluation annuelle par un enseignant accrédité ;
  • faire des rencontres de suivi avec un agent de la Direction de l’école à la maison ;
  • passer les examens obligatoires du Ministère en 4e et 6e année, ainsi qu’en 2e, 4e et 5e secondaire.
En savoir plus
  • 10 000
    Nombre d’enfants, environ, bénéficiant présentement d’une « dispense de fréquentation scolaire ».
    source : ministère de l’Éducation