Le nombre d’employés des écoles ayant reçu des indemnisations de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) consécutives à de la violence subie au travail a bondi de 54 % en 2021 par rapport à 2019, année prépandémique.

Ces données ont été obtenues par La Presse auprès de la CNESST.

Entre 2017 et 2020, en chiffres bruts, le nombre de cas est passé de 519 à 554. Mais ces 554 lésions professionnelles de 2020 – alors que les écoles ont fermé pendant plusieurs semaines entre mars et juin – laissaient déjà entrevoir un mouvement à la hausse.

En 2021, la CNESST en était à 911 cas.

Antoine Leclerc-Loiselle, conseiller en relations publiques à la CNESST, précise que c’est la catégorie englobant notamment les bousculades, coups de pied et volées de coups qui est le plus en augmentation.

Des 911 dossiers de 2021, 556 se retrouvent dans la catégorie des « éducateurs de personnes inadaptées » (l’appellation est de la CNESST).

Il s’agit par exemple de techniciens en éducation spécialisée souvent appelés en renfort dans une classe quand un enfant est en crise.

Des études seront nécessaires pour tenter de comprendre ce qui explique cette hausse d’accidents de travail à l’école consécutifs à un acte de violence.

Manque de personnel

Le centre de services scolaire des Laurentides indique notamment que dans la majorité des cas, la violence observée à l’égard du personnel n’est pas liée nécessairement à la délinquance, mais qu’elle est le plus souvent le fait d’élèves en situation de handicap ou de difficulté d’adaptation.

De fait, les rapports d’accidents de différents centres de services scolaires qu’a pu consulter La Presse ces derniers jours en rendent aussi compte.

La question sera donc de voir dans quelle mesure par ailleurs la délinquance et le contexte difficile dans lequel se trouvent les écoles sont respectivement en cause.

Annie Charland, présidente du secteur scolaire à la Fédération des employés du secteur public, croit que le manque de personnel n’est sans doute pas étranger aux données de la CNESST.

Pour elle, le manque d’expérience de beaucoup de personnes en place joue certainement.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Annie Charland, présidente du secteur scolaire à la Fédération des employés du secteur public

Dans les services de garde, il manque tellement de monde que l’on se retrouve souvent avec du personnel non qualifié. C’est aussi le cas pour les techniciennes en éducation spécialisée.

Annie Charland, présidente du secteur scolaire à la Fédération des employés du secteur public

Tamara Lemerise, psychologue de l’éducation, croit aussi qu’il faut explorer la piste du manque de personnel. Car de tout temps, quand un remplaçant se trouve devant les élèves plutôt que l’enseignant habituel, l’indiscipline s’installe et les choses peuvent rapidement dégénérer.

Cette violence est lourde pour le personnel, mais tout autant pour les enfants qui sont témoins de ces gestes au quotidien. « Beaucoup de recherches sont menées sur l’importance d’un bon climat social dans la classe. Pour apprendre, un enfant a besoin d’un environnement apaisant », fait observer Camil Bouchard, chercheur en psychologie et ex-politicien qui a consacré sa vie au mieux-être des enfants.

Pistes de solution

Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente environ 125 000 employés en éducation, n’est pas surpris des données qu’on lui a soumises. « C’est aussi l’écho que nous avons du personnel de l’éducation dans le réseau, et ce, malgré les plans de lutte contre l’intimidation et la violence. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec

« Il faut que des actions soient mises en place rapidement dans nos établissements scolaires parce que la violence, sous toutes ses formes, est inacceptable […] Il faut aussi que cesse la banalisation des gestes de violence, tout particulièrement chez les plus jeunes élèves. »

Ce n’est certainement pas dans ces conditions qu’on va retenir le personnel à bout de souffle et attirer la relève !

Éric Gingras, président de la CSQ

Justement, à quel point faut-il médiatiser la violence du personnel scolaire ?

Annie Charland croit qu’il ne faut certainement pas la taire. « De toute façon, il suffit d’une journée sur les lieux de travail pour s’en rendre compte, dit-elle. Il faut en parler et il faut travailler à améliorer la situation. »

Mme Charland s’inquiète aussi de ce qu’il y a au-delà des statistiques d’arrêts de travail.

« Elles n’englobent pas par exemple toute la violence verbale vécue au quotidien. Et les insultes à l’égard du personnel, les petits, dans la classe, ils les entendent aussi. »

Notons que la CNESST n’est pas en mesure de dire à quel point la hausse récente des indemnisations dans le réseau scolaire coûte au régime.

En savoir plus
  • 4,85 millions
    Somme totale du soutien aux écoles en matière de prévention de la violence et de l’intimidation en 2021-2022
    Source : RÈGLES BUDGÉTAIRES du gouvernement du Québec, ÉDUCATION PRÉSCOLAIRE ET ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE