Les services de garde dans les écoles manquent à ce point de personnel que certains demandent aux parents de désinscrire leurs enfants pour laisser la place aux plus jeunes. Les groupes d’élèves grossissent : il n’est pas rare qu’une éducatrice soit responsable de 35 ou 40 jeunes, soit deux fois le ratio recommandé par Québec.

Quelques jours après le début des classes, le service de garde d’une école primaire de Québec a lancé un « appel à l’aide » aux parents. Serait-il possible de garder les plus vieux à la maison pour accommoder les petits de la maternelle 4 et 5 ans ? demandait-on dans un courriel. Faute de personnel, une dizaine de places devaient être libérées.

Si on parle souvent de la pénurie d’enseignants, celle dans les services de garde est encore pire, dit Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE).

On recherche des solutions, mais on est encore en pleine pénurie. Certaines écoles ont dû demander aux parents de faire dîner leurs enfants à la maison.

Carl Ouellet, président de l’AQPDE

Dans bien des écoles, ajoute-t-il, le ratio gouvernemental de 20 élèves par éducatrice n’est pas respecté.

C’est en augmentant le ratio qu’on « règle » le problème de pénurie, observe-t-on à la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ).

« Est-ce que la sécurité est adéquate, quand on a 30, 35 enfants par éducateur ? À 15 élèves de plus, il faut avoir des yeux tout le tour de la tête », dit son président, Éric Pronovost, qui a lui-même été éducateur dans les écoles.

Technicienne en service de garde dans une école primaire de la Rive-Sud de Montréal, Rachel Gagnon se considère comme chanceuse d’avoir trouvé toutes ses éducatrices cette année, même si, lundi, il lui manquait le tiers de son personnel habituel. Des absences « sporadiques », dit-elle.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Rachel Gagnon

L’année passée, je l’ai vécue à la dure. Il a manqué de personnel de septembre à juin. Je me suis retrouvée avec des ratios de 40 élèves [par éducatrice] à l’heure du dîner. La direction de l’école est venue aider, la secrétaire aussi.

Rachel Gagnon, technicienne en service de garde

Dans certaines écoles, il arrive que ce soit le concierge qui vienne prêter main-forte le midi.

À certains endroits, on a non seulement demandé aux parents de garder leurs enfants à la maison, mais aussi encouragé les plus vieux à suivre des cours de gardien averti pour être en mesure de rester seuls, rapporte le président de la Fédération des comités de parents du Québec.

« Ce n’est pas normal ! On n’est plus dans les années 1980, quand c’était fréquent de voir des parents à la maison le midi. La société a changé, le service de garde, c’est un service essentiel », poursuit le président.

Recrutement

Jeudi, le centre de services scolaire des Patriotes invite des candidats à une journée de « recrutement éclair » pour le service de garde de ses écoles à Varennes.

« Vous aimez les jeunes et êtes confortables avec des élèves présentant certains défis ? », demande-t-on dans une annonce publiée sur Facebook.

On offre aux éducatrices de 7 à 20 heures par semaine, à un taux horaire « minimum » de 22,18 $, et les candidates doivent être disponibles du lundi au vendredi.

Au centre de services scolaire de la Capitale, à Québec, il restait la semaine dernière 77 postes à pourvoir. Au CSS Marie-Victorin, sur la Rive-Sud de Montréal, on indique que si tous les élèves peuvent accéder au service de garde, 43 postes sont toujours vacants.

La technicienne en service de garde Rachel Gagnon rappelle que les conditions de travail n’aident pas au recrutement. Qui peut se permettre de travailler moins de 20 heures par semaine ? demande-t-elle.

Dans ce contexte, bien des éducatrices nouvellement formées choisissent d’aller travailler à temps plein dans les garderies ou centres de la petite enfance.

« Il faudrait peut-être sortir des carcans qu’on connaît et essayer de donner des tâches à temps plein [aux éducatrices dans les écoles] », observe Kévin Roy, de la Fédération des comités de parents.

C’est aussi l’avis d’Éric Pronovost.

Tant qu’on va offrir des postes précaires et qu’on n’inclura pas le personnel en service de garde pour participer aux projets de l’école, on va toujours manquer du monde.

Éric Pronovost, président de la FPSS-CSQ

Après presque trois décennies passées dans une école, Rachel Gagnon s’inquiète pour l’avenir des services de garde, malgré toute la bonne volonté de ceux qui y œuvrent.

« C’est organisé, mais moins que ce qui est demandé par le gouvernement. Les exigences baissent », dit-elle.

Mme Gagnon se dit encore heureuse d’aller travailler chaque matin. Mais vu les conditions actuelles, « si c’était à refaire, je ne sais pas si je choisirais de travailler dans une école », ajoute-t-elle.

En savoir plus
  • 52,1 %
    Proportion des enfants québécois qui fréquentent un service de garde avant ou après l’école
    source : Statistique Canada, Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes, 2019
    340 381
    Nombre d’enfants qui, en 2020-2021, fréquentaient un service de garde au Québec
    source : Association québécoise de la garde scolaire
  • 667 139
    Nombre d’élèves inscrits au préscolaire et au primaire au Québec en 2020-2021
    source : gouvernement du Québec