À l’approche d’une rentrée scolaire où les autobus menacent de ne pas passer, bien des parents se préparent à jouer les chauffeurs de taxi. Pour ceux qui ont des enfants ayant des besoins particuliers, c’est une tuile de plus qui s’abat sur un quotidien souvent chargé.

« Ça nous complique la vie, pour faire changement. »

À compter de vendredi, Isabelle Perrin se prépare à perdre plusieurs heures dans la circulation, en traversant l’île de Montréal du nord au sud, matin et soir, en pleine heure de pointe.

Son fils Thomas, 18 ans, fréquente l’école spécialisée Irénée-Lussier, située dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. Cette école accueille 250 élèves âgés de 12 à 21 ans qui présentent une déficience intellectuelle moyenne, grave ou profonde.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE PERRIN

Thomas Belarbi, 18 ans

Comme bien d’autres, les parents de cette école ont appris cette semaine que « malgré les négociations intensives menées depuis plusieurs mois », le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) est sans contrat avec la plupart de ses transporteurs.

Les deux dernières années ont été très difficiles, on a eu peu de soutien, très peu de répit, très peu de camps de jour. La rentrée scolaire, pour la plupart des parents, c’est un ‘‘ouf’’. Et là, on apprend qu’on doit s’arranger.

Isabelle Perrin, mère de Thomas

Christine Landry, dont la fille de 20 ans fréquente aussi l’école Irénée-Lussier, est quant à elle prise dans un dédale administratif à quelques jours de la rentrée.

« C’est du délire », dit-elle.

Fannie a été placée cet été dans une ressource d’hébergement située à Anjou, sur le territoire du centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île. Sa mère doit la réinscrire au service de transport de ce centre de services scolaire. Ce qu’elle tente en vain de faire depuis dix jours.

Elle ne sait toujours pas comment sa fille se rendra à l’école. « Le fait que les transporteurs n’aient toujours pas signé de contrats ajoute une couche de complexité », dit la mère.

« Ils ont fait quoi cet été ? »

Mère de deux garçons autistes de 17 et 19 ans qui fréquentent des écoles spécialisées différentes, Johanne Leduc dit qu’elle ne peut pas « se diviser en deux » pour aller reconduire ses garçons.

« Il faut penser que les élèves à besoins particuliers sont rarement scolarisés dans leur quartier », dit Mme Leduc, qui vit à Lachine.

Dans la lettre [du centre de services], ils nous disent de trouver un autre moyen de transport. D’accord, mais quoi ?

Johanne Leduc, mère de deux garçons autistes

Qui a fait quoi cet été dans les négociations avec les transporteurs scolaires ? demande-t-elle. « Quand tu sais que ça risque d’être chaud, tu t’arranges d’avance », dit Mme Leduc.

Son fils de 17 ans, qui s’accroche pour terminer son secondaire, risque de ne pas pouvoir aller à l’école si le transport n’est pas offert.

À la veille de la rentrée, l’idée d’être privé de transport « pour une durée indéterminée » vient assombrir le bonheur de retourner à l’école des élèves handicapés, note Isabelle Perrin.

« Ce sont des enfants qui n’ont pas beaucoup de réseaux sociaux : leurs amis, c’est l’école. C’est leur vie, c’est là que ça se passe. Je trouve ça terrible de penser aux jeunes qui attendent la rentrée et qui ne pourront pas la vivre », dit Mme Perrin, qui s’est offerte pour transporter des collègues de classe de son fils.

Encore l’impasse dans plusieurs régions

Il y a moins d’une semaine, Québec se félicitait de la conclusion d’une entente de principe avec les transporteurs scolaires. Dans les faits, plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas signé de contrat avec les centres de services scolaires, jugeant l’offre insuffisante.

Encore mercredi, de nombreux centres de services scolaires, dont celui de Laval et celui des Grandes-Seigneuries, sur la Rive-Sud de Montréal, ont avisé les parents qu’à moins d’une entente dans les prochains jours, ils devraient s’organiser pour le transport de leurs enfants.

Car autobus ou pas, école en personne il y aura, avertit-on.

Gaétan Dupras, lui, se demande comment il pourra aller travailler s’il doit reconduire sa fille autiste à l’école secondaire située à 20 minutes de la maison, à Beauharnois.

À 12 ans, tu ne peux pas faire cette distance à pied ou à vélo.

Gaétan Dupras, père d’une fille autiste

Le centre de services scolaire de la Vallée-des-Tisserands l’a informé mercredi que les transporteurs avaient refusé l’offre sur la table.

« Si ça ne se règle pas la semaine prochaine, mon employeur va devoir accepter que je travaille quatre heures par jour. Il pourra appeler le ministre [de l’Éducation] pour lui dire que ses employés doivent travailler plus que ça », ironise Gaétan Dupras.

Vendredi dernier, Jean-François Roberge estimait que l’entente de principe conclue avec les transporteurs favorisait « une plus grande stabilité dans le secteur du transport scolaire ».

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    Nombre d’élèves du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) qui utilisent le transport scolaire
    Source : cssdm