Avec un diplôme d’études secondaires, il est possible de devenir… enseignant. Quatre personnes n’ayant qu’un DES ont obtenu l’an dernier une autorisation de Québec pour enseigner dans une école primaire ou secondaire. Une situation qui montre à quel point les écoles sont « mal prises », disent les directions.

Au cours de l’année scolaire 2020-2021, la pénurie d’enseignants a amené plus de 3700 personnes sans brevet d’enseignement dans les classes en vertu d’une « tolérance d’engagement » accordée par le ministère de l’Éducation.

Dix l’ont obtenue sur la base de leur seul diplôme d’études secondaires (DES), a appris La Presse à la suite d’une demande d’accès à l’information. Six ont été embauchées à la formation professionnelle, quatre à la formation générale des jeunes, précise le Ministère.

Voilà qui prouve à quel point « on est mal pris » dans les écoles, dit Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

« Je l’ai déjà vu : des étudiants qui ont fini leur secondaire l’année d’avant, qui étudient au collégial et qui viennent donner leur nom. Souvent, ça va être pour des suppléances à court terme, pas des contrats à long terme. Mais ça arrive. On en est là », dit M. Prévost.

De quoi donner lieu à des scènes inusitées. « Tu peux te retrouver à gérer tes amis, qui étaient en troisième ou quatrième secondaire l’année d’avant et qui sont en cinquième. Et toi, t’es au cégep », illustre le président de la FQDE.

En octobre 2020, le quotidien Le Droit avait rapporté qu’un récent diplômé du secondaire avait été embauché pour donner des cours de mathématiques dans une école secondaire du centre de services scolaire au Cœur-des-Vallées (CSSCV), en Outaouais.

« Avant cette année, généralement, nous n’embauchions pas de gens qui n’avaient pas minimalement un [diplôme d’études collégiales] pour enseigner. Pour la première fois, on a dû réviser à la baisse notre critère », avait alors expliqué le secrétaire général du CSSCV, Jasmin Bellavance, au journaliste Daniel Leblanc.

« Pas un service optimal »

Le nombre d’enseignants non légalement qualifiés dans les écoles du Québec n’a jamais été aussi élevé en 10 ans. « On en a des très bons, mais on en a aussi qui ne font pas la job. C’est aussi simple que ça », dit Nicolas Prévost.

Pour le ministère de l’Éducation, un « bris de service » est l’absence d’enseignant dans une classe. La FQDE voit les choses autrement.

« Si je me retrouve avec une personne non légalement qualifiée qui n’a pas les outils pour enseigner en troisième année, est-ce que l’élève a un service optimal ? La réponse est non », dit son président.

Accepterait-on une telle situation dans d’autres professions ? demande-t-il.

Il n’y a pas beaucoup de corps d’emploi, à ma connaissance, où on prend Pierre, Jean, Jacques et on dit : go dans la classe.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Y a-t-il eu des profs avec un simple diplôme d’études secondaires dans les écoles primaires et secondaires cette année ? Au ministère de l’Éducation, on nous informe que les plus récentes données sur les enseignants non qualifiés sont celles de l’an dernier.

Les chiffres obtenus par La Presse, qui incluent les enseignants tant à la formation générale des jeunes qu’à la formation professionnelle, indiquent aussi que 300 personnes qui ont obtenu une autorisation provisoire d’enseigner étaient titulaires d’un diplôme d’études professionnelles. Près de 400 autres avaient un diplôme d’études collégiales.

La majorité des enseignants non légalement qualifiés (2055) sont titulaires d’un baccalauréat.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

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    Nombre d’enseignants non légalement qualifiés dans les écoles du Québec en 2020-2021
    Source : ministère de l’Éducation du Québec