En 2021, 72 % des aspirants enseignants ont échoué à leur premier essai

Les étudiants en enseignement primaire à l’Université du Québec à Rimouski n’auront plus à réussir une épreuve de mathématiques pour décrocher leur diplôme. Le test sera remplacé par un cours de mathématiques obligatoire.

Au Québec, tous les enseignants en herbe sont soumis à un test normalisé de français pour obtenir leur brevet, mais pas à un test de mathématiques.

L’Université du Québec à Rimouski (UQAR) exigeait toutefois un test d’entrée de mathématiques aux candidats au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire.

La réussite de l’épreuve n’était une condition pour être admis, mais elle était obligatoire pour accéder au dernier stage, à la quatrième année de la formation. Les étudiants qui n’obtenaient pas la note de passage de 75 % à leur premier essai devaient suivre un cours de maths hors programme et repasser le test annuellement, jusqu’à ce qu’ils le réussissent.

Autant d’échecs en maths qu’en français

Comme d’autres universités avant elle, l’UQAR change maintenant d’approche. En 2021, le taux d’échec du test d’entrée de mathématiques était de 72 %, selon des données fournies par l’établissement. « C’est très comparable à la réussite du test diagnostique de français », note Virginie Martel, directrice du module d’éducation préscolaire et d’enseignement primaire à l’UQAR.

Plus de la moitié des étudiants qui avaient échoué à l’examen la première fois le réussissaient au deuxième essai.

Ultimement, moins de 5 % des étudiants quittaient le bateau, n’ayant jamais réussi l’épreuve de maths (et bien souvent aussi le test de français).

L’anxiété, de plus en plus grande chez les jeunes, nuisait peut-être à la performance des étudiants, observe Mme Martel. Chose certaine, « c’est dommage quand un étudiant qu’on sait très bon ne se rendra pas au bout pour une règle administrative de passation d’examen ».

Dès la prochaine rentrée, l’examen sera remplacé par un cours de savoirs mathématiques de 45 heures obligatoire pour tous, qui s’ajoutera aux quatre cours de didactique des maths de la formation.

L’objectif ? « Favoriser un rapport positif aux savoirs mathématiques et à l’importance de leur enseignement au primaire », explique Mme Martel.

« On continue de soutenir très fort l’idée du développement des compétences mathématiques, mais on veut le faire autrement, [avec] un cours obligatoire, où on va asseoir des bases communes pour tous les étudiants, plutôt qu’un examen qui implique parfois des conséquences sur la diplomation », ajoute-t-elle.

Former avant d’évaluer

Si le piètre français des futurs enseignants fait régulièrement les manchettes, le président de l’Association mathématique du Québec, Frédéric Gourdeau, n’aime pas parler de « lacunes » en maths.

À leur entrée à l’université, de nombreux aspirants professeurs n’ont pas touché à la discipline depuis le secondaire. Et très souvent, les maths étaient leur bête noire.

« Il y a un stigma, une anxiété mathématique », fait remarquer M. Gourdeau, qui est aussi professeur titulaire au département de mathématiques et de statistique de l’Université Laval.

L’Université de Montréal a retiré son test d’entrée de maths depuis belle lurette. À l’époque, on avait jugé la méthode « pas très pédagogique », rapporte la doyenne de la faculté des sciences de l’éducation, Pascale Lefrançois.

Quand ils arrivent en première année, certains étudiants sont rouillés, d’autres avaient peut-être certaines lacunes dans leur formation antérieure. L’essentiel, c’est qu’ils soient compétents quand ils sortent de la formation.

Pascale Lefrançois, doyenne de la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

À la place du test, l’établissement a ajouté un cours de maths obligatoire pour tous les étudiants en éducation préscolaire et enseignement primaire, en adaptation scolaire et en enseignement du français langue seconde.

Dans de rares cas, un étudiant qui échoue à deux reprises au cours de maths – comme n’importe quel cours, d’ailleurs – est exclu du programme. « Mais la plupart d’entre eux le réussissent », affirme Mme Lefrançois.

« Il faut travailler sur l’affectivité par rapport aux maths. C’est aussi une science humaine. Les maths ne sont pas faites pour être apprises comme un robot », ajoute Frédéric Gourdeau.

Le test jugé discriminatoire en Ontario

En 2021, le gouvernement de l’Ontario a introduit un test de maths obligatoire pour les aspirants enseignants, dans l’espoir d’améliorer leurs compétences médiocres.

En décembre, la Cour supérieure a toutefois invalidé l’examen, sur la base qu’il discriminait les candidats racisés. Dans sa décision, elle a souligné les « disparités importantes » entre la réussite des candidats blancs et celle des candidats racisés.

À peine 70 % des candidats noirs avaient passé le test avec succès, contre 90 % des étudiants blancs. La Cour a aussi fait état d’un taux de réussite des candidats francophones nettement inférieur à celui des anglophones.

Le gouvernement ontarien, qui suggère que la Cour a commis des erreurs juridiques, tente maintenant de faire appel de la décision.

« Pour n’importe quel examen professionnel, il existe des outils pour aider les gens. Mais on n’a eu absolument aucune ressource. C’est devenu une source de stress et de panique », déplore Bella Lewkowicz, l’une des étudiantes qui ont mené l’affaire devant les tribunaux.

PHOTO FOURNIE PAR BELLA LEWKOWICZ

Bella Lewkowicz, membre fondatrice du Ontario Teacher Candidates' Council

Prudence toutefois, avant de se comparer avec l’Ontario. Au Québec, les étudiants doivent faire quatre ans d’études universitaires en enseignement. La formation ontarienne dure deux ans après l’obtention d’un baccalauréat dans une autre discipline que l’enseignement.

Plusieurs acteurs du milieu de l’éducation en Ontario critiquent tout de même l’approche choisie par leur gouvernement… et regardent ce qui se fait ici.

« Pourquoi est-ce que le gouvernement de l’Ontario ne demande pas au ministère de l’Éducation du Québec ce qu’il fait ? Clairement, leur succès devrait être une source d’inspiration », lance Mme Lewkowicz.

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  • 53 %
    Taux de réussite au test de certification en français écrit pour l’enseignement, obligatoire pour l’obtention du brevet d’enseignement, en 2016
    Source : La Presse