Vendredi, les camions de déménagement ont emporté les dernières boîtes de l’école primaire Sainte-Lucie vers un bâtiment tout neuf. C’est sans pincement au cœur ni nostalgie que l’équipe de cette école du quartier Saint-Michel, à Montréal, a quitté ses locaux qui devaient être temporaires, mais où elle est demeurée plus de sept ans.

Assis dans son bureau sans fenêtres, le directeur Christian Milliard tente de « faire une histoire courte ». « Ça devait être des rénos de deux ou trois ans… », commence-t-il.

Une employée du centre de services scolaire passe tout près, le directeur s’interrompt. « Le camion est déjà à l’autre école avec le stock d’éducation physique. Est-ce qu’on a quelqu’un là-bas ? », demande M. Milliard.

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Christian Milliard, directeur de l’école Sainte-Lucie

C’était en 2014, donc. Aux prises avec des moisissures, l’école Sainte-Lucie ferme pour des rénovations. En attendant, ses élèves sont relocalisés à quelques rues de là, à l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau, « faute de mieux », observe alors le Journal de Saint-Michel.

L’école primaire située sur le boulevard Saint-Michel n’était pas mûre pour de petites rénos, bien au contraire. Il a fallu la démolir et en reconstruire une nouvelle. C’est dans cette école construite au coût de 31 millions que les quelque 400 élèves et 50 membres du personnel déménagent.

Pendant sept ans, l’école Sainte-Lucie a occupé des locaux aménagés à même l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau, que certains surnomment le « bunker » parce qu’elle n’a pour fenêtres que des meurtrières.

« À part le fait qu’il n’y a pas de fenêtres, ça s’est bien vécu. C’était beau, frais peint, on a eu du mobilier neuf, donc pour ça, on a été gâtés », se rappelle l’enseignant Stéphane Lenoir en décrochant les décorations de Noël de sa classe.

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Stéphane Lenoir, enseignant, range son matériel en vue du déménagement dans la nouvelle école.

« Pour un an ou deux, c’est génial. C’est une vraie école transitoire », dit lui aussi le directeur.

La proximité entre élèves du primaire et du secondaire s’est faite sans heurts, chacun ayant sa propre entrée et ses heures de classe distinctes. La technicienne en éducation spécialisée Emmanuella Alexandre dit néanmoins qu’« il était temps » que les élèves aient leur école à eux.

« Des fois, des grands [du secondaire] qui ont des petits frères ou sœurs ici ont tendance à venir protéger les petits. “Pourquoi t’as fait ça à mon frère ?” Les petits sont toujours impressionnés… », dit-elle en riant.

Un contraste marqué

Les enfants devront attendre à janvier pour visiter le nouveau bâtiment conçu par la firme d’architectes BGLA, mais le personnel a eu droit à une visite la semaine dernière.

Il reste encore des travaux à réaliser d’ici la rentrée, mais le contraste entre l’école « transitoire » et la nouvelle est déjà marqué. Les plafonds sont haut, les fenêtres abondent. Un atrium ouvert sur trois niveaux sépare l’école en deux parties.

« Ce concept évoque le partage du quartier Saint-Michel entre les deux carrières et le boulevard Saint-Michel qui passe au cœur du quartier », écrit le centre de services scolaire de Montréal.

Mardi dernier, on avait l’air de petits enfants, on se promenait d’une classe à l’autre.

Linda Gosselin, enseignante

Simon-Pierre, élève de 6e année qui aidait son enseignante à faire des boîtes, se réjouit de pouvoir passer « au moins une demi -année » dans la nouvelle école. De l’extérieur, il la trouve « belle ». Quand il y entrera, il découvrira de hauts plafonds, un gymnase double, une terrasse sur le toit accessible à partir de la bibliothèque. Un système de traitement d’air qui apporte de l’air frais, des fenêtres qui s’ouvrent. Une glissoire entre deux paliers !

« Je suis ici depuis la maternelle, j’ai quand même des émotions de devoir quitter », ajoute Simon-Pierre.

Des jeunes qui ont fait tout leur primaire dans cette école transitoire « vont faire tout leur secondaire dans Louis-Jo », dit le directeur. Il y a de l’espoir pour le « bunker » : la première phase des travaux visant à apporter de l’éclairage naturel au bâtiment doit commencer le printemps prochain.

À quelques heures du grand départ, le directeur n’avait-il pas un soupçon de tristesse de quitter cette école secondaire devenue celle de ses élèves ?

Christian Milliard rit, lance un « non » sans équivoque. « On a hâte d’avoir des fenêtres, on a hâte d’être chez nous. »