Assis à des tables à pique-nique en habits de neige, les pieds dans la quinzaine de centimètres de flocons tombés la veille, des élèves d’une école primaire d’Anjou révisaient leurs homophones, mercredi. La scène inusitée ne semblait pas impressionner un homme qui, de l’autre côté de la rue, passait sa souffleuse sans se soucier de la horde d’enfants. À croire qu’en ces temps de pandémie, plus grand-chose n’étonne.

Faire l’école dehors au moins une heure par jour, c’est le projet de l’enseignante de 6e année de l’école primaire Wilfrid-Pelletier, Vanessa Beaudry. Beau temps, mauvais temps, dans la neige comme sous la pluie, ses élèves sortent s’aérer, et pas seulement pour jouer. Le grand air, c’est aussi pour travailler.

Quelles matières peuvent être vues dehors ? Avec de l’adaptation et de la planification, toutes les matières, dit l’enseignante.

« On fait des apprentissages significatifs. Il y a des stimuli externes, c’est certain, mais je sens que les élèves sont plus concentrés. Les matières rentrent encore mieux quand les élèves peuvent toucher à du vrai matériel », explique Vanessa Beaudry. Les fractions, donne-t-elle en exemple, peuvent être rendues concrètes par des boules de neige qu’on sépare. La lecture ? Les élèves la font assis au pied de « leur arbre », dans un parc jouxtant l’école.

La pandémie et les risques de contagion à l’école n’ont fait que donner un peu de souffle au projet de l’enseignante de 29 ans.

Ça m’a poussée à aller dehors avec mes élèves tous les jours. À la base, je voulais sortir trois fois par semaine, mais on dit que le risque de contagion est beaucoup moins élevé à l’extérieur. Les élèves viennent cinq heures à l’école, c’est une heure de moins à l’intérieur.

Vanessa Beaudry, enseignante de 6e année à l’école Wilfrid-Pelletier

  • Les élèves utilisent des tapis de yoga pour couvrir les tables et s’assurent de ranger le matériel avant de revenir à l’intérieur.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Les élèves utilisent des tapis de yoga pour couvrir les tables et s’assurent de ranger le matériel avant de revenir à l’intérieur.

  • Les élèves s’installent avec leur matériel sur les tables de pique-nique et peuvent faire leur lecture assis au pied d’un arbre.

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    Les élèves s’installent avec leur matériel sur les tables de pique-nique et peuvent faire leur lecture assis au pied d’un arbre.

  • Adam Elmaadadi (à gauche) et Youssef El Idrissi (à droite) s’entraident lors d’un exercice.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Adam Elmaadadi (à gauche) et Youssef El Idrissi (à droite) s’entraident lors d’un exercice.

  • Rachel Dang (à gauche) et Kymia Yao (à droite) discutent de leurs travaux.

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    Rachel Dang (à gauche) et Kymia Yao (à droite) discutent de leurs travaux.

  • Les élèves de la classe de Mme Beaudry rechignent rarement à sortir et font des jaloux auprès des élèves des autres classes.

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    Les élèves de la classe de Mme Beaudry rechignent rarement à sortir et font des jaloux auprès des élèves des autres classes.

  • Vanessa Beaudry voit de multiples bienfaits à son projet : motivation accrue des élèves, diminution de l’anxiété, bien-être général.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Vanessa Beaudry voit de multiples bienfaits à son projet : motivation accrue des élèves, diminution de l’anxiété, bien-être général.

  • À la fin de la classe, l’enseignante organise un concours de construction de fort.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    À la fin de la classe, l’enseignante organise un concours de construction de fort.

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Un projet aux multiples bienfaits

Elle estime que plusieurs jeunes ne passent pas assez de temps dehors et qu’ils manquent de connaissances liées à la nature et à leur environnement. Beaucoup d’élèves, observe-t-elle également, n’ont pas accès à du matériel pour pratiquer le plein air ou ne savent tout simplement pas quoi faire dehors.

Vanessa Beaudry est pour l’instant la seule de son école primaire à passer autant de temps dehors avec ses élèves, mais d’autres enseignants songent à s’y mettre aussi. Mme Beaudry voit de multiples bienfaits à son projet : motivation accrue des élèves, diminution de l’anxiété, bien-être général.

Ça libère ton esprit, et être près de la nature au point que tu travailles dehors, c’est super cool.

Kymia Yao, élève de la classe de Vanessa Beaudry, 11 ans

Les élèves rechignent rarement à sortir. « Je les ai habitués : on a commencé quand il faisait vraiment beau, et avec le temps, on a continué. Il y en a parfois deux, trois qui n’ont pas envie, mais ils ne chialent jamais quand on revient de l’extérieur », dit Vanessa Beaudry, qui souhaite faire du plein air une habitude chez ses élèves. Les parents ont été avisés au début de l’année scolaire : les enfants devaient être bien habillés pour sortir.

Mercredi, les élèves interrogés convenaient que c’était une journée quasi parfaite pour faire l’école dehors. « On peut même travailler sans nos gants », a observé (mains nues) Adam Elmaadadi.

Les jours de pluie et de tempête sont les moins pratiques, a ajouté son ami Youssef El Drissi, observant que les cahiers se mouillent alors.

Et les élèves des autres classes ? « Des fois, ils sont un peu jaloux, ils disent : « Ah, vous avez de la chance ! » », dit Rachel Dang. « On est libres ! », scande en passant derrière elle un de ses camarades de classe.