Si les élèves ontariens et français retournent en classe après le congé des Fêtes, les petits Allemands et les petits Anglais, hormis quelques exceptions, resteront à la maison. Si la fermeture des écoles au-delà du 11 janvier se concrétise au Québec, un consensus se dégage : il faut éviter de laisser des élèves en plan, comme cela s’est beaucoup vu au printemps pendant plusieurs semaines.

Contrairement au confinement de mars, cette fois, les élèves ont tous leurs cahiers d’exercices, et des ordinateurs ont été massivement achetés par les écoles pour les distribuer dans les familles. Les enseignants ont reçu une formation de la TELUQ sur l’art de l’enseignement à distance. « Au niveau technologique, ça ne se compare pas. Des pas de géant ont été faits », dit la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), Josée Scalabrini.

Elle aurait toutefois souhaité que les parents aussi soient formés. « Il y a beaucoup de nouveautés pour des parents qui, parfois, partent de loin », note-t-elle. L’école à distance a été testée : des profs dont les classes ont été mises en quarantaine cet automne ont rapidement basculé vers l’enseignement à distance, tandis que plusieurs autres ont aidé les élèves à se créer des comptes où seront déposés les devoirs.

Cette fois, n’abandonner personne

Comme une autre interruption scolaire serait dommageable pour les élèves à risque, Mélanie Paré, professeure à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, suggère de leur donner accès à des cours en présence, comme on le fait déjà pour les écoles spécialisées, qui sont restées ouvertes.

Si on n’a absolument pas le choix de fermer les écoles, il faut offrir des camps pédagogiques. Il y a des parents qui ne sont pas en mesure d’accompagner leurs enfants et des jeunes qui ne sont pas en mesure d’apprendre.

Mélanie Paré, professeure à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal

Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), croit que les directions d’école devraient pouvoir cibler des élèves vulnérables autorisés à retourner en classe.

Entre autres garde-fous, Égide Royer, professeur en sciences de l’éducation à l’Université Laval, croit que si la reprise normale des cours est impossible, les jeunes qui étudient présentement pour devenir enseignants doivent vite être mis à contribution, à titre de tuteurs en appui aux enseignants, de la même façon que les étudiantes en sciences infirmières prêtent main-forte dans les hôpitaux. « Danielle McCann, ministre de l’Éducation supérieure, doit travailler main dans la main avec Jean-François Roberge [ministre de l’Éducation] », estime-t-il.

Ce type de tutorat est déjà pratiqué par certains étudiants en enseignement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), généralement arrivés à leur troisième et quatrième année de baccalauréat. Catherine Turcotte, professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’UQAM, explique que leurs interventions vont au-delà de l’aide aux devoirs et que cette idée pourrait être élargie si on coordonne le tout avec les professionnels en poste dans les écoles.

Les autres solutions possibles

On pourrait aussi penser à rouvrir les écoles dans certaines régions et les garder fermées ailleurs, selon la situation épidémiologique de chacune. Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, n’est pas contre l’idée, d’autant que « ce que les enseignants veulent, c’est avoir leurs élèves devant eux ».

Un calendrier scolaire qui se prolongerait jusqu’au 30 juin ne serait pas idéal, croit-elle en outre. Sans balayer complètement l’idée, Mme Scalabrini estime qu’il serait préférable de mieux préparer la rentrée 2021.

Égide Royer croit pour sa part que des camps pédagogiques doivent être dès maintenant envisagés en vue de l’été. « Des écoles en offrent déjà en temps normal. Ces camps durent quelques semaines et au primaire, ils sont beaucoup axés sur la lecture », une compétence qui est à la base de tout et qui cause de la difficulté à beaucoup d’élèves vulnérables.

Grandeurs et misères de l’école à distance

À l’heure actuelle, des parents se demandent comment ils pourront travailler de la maison si l’école ne prend pas le relais. Des profs sont découragés à l’idée de reprendre l’enseignement à distance, comme cette enseignante du secondaire qui dit à La Presse que cela multiple sa tâche par deux, même si le vertige « n’est pas le même qu’au printemps. Si on se donne la peine d’aller chercher de l’aide, on en a, notamment des conseillers pédagogiques que l’on peut interpeller ».

Jusqu’à tout récemment directrice d’une école primaire de Montréal, Kathleen Legault, présidente de l’AMDES, explique que sur une courte période, « même avec des petits de 4 ans », l’enseignement à distance pour les classes confinées en raison de cas de COVID-19 s’est bien passé. « On y arrive, on est créatifs, on trouve des idées. Mais à long terme, c’est pas mal plus compliqué », dit Kathleen Legault.

Dans les écoles privées, David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privés, assure que l’école à distance est possible et qu’elle s’y fait, de la maternelle jusqu’en 5e secondaire, dans son propre collège, le Collège Charles-Lemoyne, qui compte au secondaire 40 % d’élèves en difficulté.

Mais à la base, pour que ça marche, dit-il, « il faut certes que chaque enfant de la famille ait accès à un ordinateur ».

Et que les parents soient à la maison, motivés, derrière les enfants, ne serait-ce que pour les aider à se brancher. Comment font ceux qui travaillent ? « Les parents qui travaillent seraient pris à la maison de toute façon. Mais nous sommes tout à fait compréhensifs quand l’enfant ne peut être présent à l’école virtuelle. Un plan de travail est alors envoyé, avec les activités à faire, comme quand l’élève est absent de l’école en temps normal. »

Comment font les profs qui sont eux-mêmes parents pour enseigner à distance avec des petits dans les pattes ? « Ils ont droit aux services de garde d’urgence et nous sommes flexibles. Ils peuvent ajuster quelque peu leurs horaires. »

Les décisions prises à l’extérieur du Québec

En Ontario, encore lundi, il était prévu que les enfants rentrent en classe comme prévu, le gouvernement ayant dit par lettre aux parents que les écoles « ne sont pas à l’origine de l’augmentation des cas ».

En France, les enfants ont repris le chemin de l’école lundi. « Les pays qui ont reporté la rentrée connaissent une vague épidémique particulière, notamment l’Angleterre dont on sait qu’elle traverse une période particulièrement difficile », a affirmé dimanche le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer.

En Grande-Bretagne, après une valse-hésitation, la rentrée des classes a finalement été reportée, sauf pour les élèves en difficulté et les enfants des travailleurs essentiels.

En Allemagne, comme le reste de la société, le confinement se prolongera au-delà du 10 janvier.

En Thaïlande, les écoles sont fermées pour au moins encore deux semaines.

Dans un document daté du 23 décembre, le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies (une agence de l’Union européenne) estime que les fermetures d’écoles doivent être une décision de tout dernier recours. Ce centre souligne que si les fermetures d’écoles peuvent aider à réduire la transmission communautaire, elles ne suffisent pas quand les rassemblements des adultes ne sont pas évités.

Cette agence européenne souligne que les enfants sont peu vulnérables à la COVID-19, mais elle souligne cependant que l’on ignore encore presque tout de l’impact du nouveau variant et du risque qu’il peut poser aux écoliers.